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07/06/2011

La reine de l'Idaho – Thomas Savage [1977]

La reine de l'Idaho, Thomas SavageUne simple lettre va bouleverser la vie de Thomas Burton, modeste écrivain cinquantenaire : une inconnue prétend être sa sœur... S'en suit une fouille acharnée dans les souvenirs et les non-dits familiaux. Thomas s'efforce de retracer l'existence de ceux qu'il croyait connaître : sa mère à la beauté altière, morte depuis longtemps déjà ; son père, un excentrique qui s'est contenté de lui donner son nom ; et surtout Emma, sa grand-mère maternelle, la fameuse reine du mouton... Petit à petit, des pans de silence s'effacent, destins extraordinaires et vies brisées se mêlent, et les drames familiaux enfin élucidés rendent la paix à la mémoire des morts.

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19/03/2011

Indignation – Philip Roth [2008]

Philip Roth, IndignationEn 1951, alors que les forces armées américaines sont engagées en Corée, Marcus Messner a 19 ans. C'est un garçon de bonne volonté, sérieux, honnête et droit, sincère et un peu naïf, qui ne rechigne pas à aider son père dans la boucherie kasher familiale. C'est un "bon garçon". Jusqu'au jour où sa vie dérape. Jusqu'au jour où il décide de quitter Newark et sa famille pour poursuivre ses études de droit dans une université du Middle West. En réalité, il veut ainsi échapper à la domination de son père qui, fou d'angoisse à l'idée que son fils unique affronte les périls de l'existence, le surveille constamment et l'étouffe d'un amour paranoïaque. En s'éloignant de ses parents, Marcus veut tenter sa chance dans une Amérique encore inconnue de lui, riche de surprises et de plaisirs, mais aussi pleine d'embûches et de difficultés, « série de mésaventures dont la conclusion fut ma mort à l'âge de 19 ans » nous apprend Marcus dès la page 55.

C'est donc d'outre-tombe que Marcus nous narre sa courte vie. Depuis un au-delà pensé par Philip Roth comme vide et morne où chacun, solitaire, est condamné à ressasser, éternellement, les menus détail de toute une vie. Marcus rumine donc l'inexorable enchaînement d'événements a priori anodins qui ont pourtant rendu sa mort inéluctable. Petit à petit son récit se charge d'amertume, puis de fureur, quand il raconte comment, pour échapper à l'emprise familiale, il s'est trouvé confronté à une autre forme de tyrannie, celle des conventions (morales, religieuses, communautaires, sociétales...). Autant d'obligations qui menèrent Marcus jusqu'à l'indignation (d'où le beau titre, fort et juste, du roman), indignation qui le submergea et conduisit au désastre ce jeune homme non sans qualités.

« Oui, le bon vieux défi américain, "Allez vous faire foutre", et c'en fut fait du fils de boucher, mort trois mois avant son vingtième anniversaire - Marcus Messner, 1932-1952 -, le seul de sa promotion à avoir eu la malchance de se faire tuer pendant la guerre de Corée, qui se termina par la signature d'un armistice le 27 juillet 1953, onze mois pleins avant que Marcus, s'il avait été capable d'encaisser les heures d'office et de fermer sa grande gueule, reçoive son diplôme consacrant la fin de ses études à l'université de Winesburg - très probablement comme major de sa promotion -, ce qui aurait repoussé à plus tard la découverte de ce que son père, sans instruction, avait tâché de lui inculquer depuis le début : à savoir la façon terrible, incompréhensible dont nos décisions les plus banales, fortuites, voire comiques, ont les conséquences les plus totalement disproportionnées. »

On retrouve ainsi, dans ce récit d'apprentissage à la fois caustique et grave, les thèmes familiers de l'univers de Philip Roth : la famille juive, les relations filiales problématiques, les tabous religieux, la sexualité comme énergie vitale, l'histoire moderne des Etats-Unis et l'hypocrisie puritaine de l'Amérique... Le tout, comme souvent chez Roth, porté par une écriture nerveuse et rageuse, est d'une cocasserie désespérée.

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e%2040.gifPhilip Roth, Indignation (Indignation), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie-Claire Pasquier, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 2010 (2008), 195 pages, 17,90 €.

Du même auteur : La tache, Un homme & Exit le fantôme.

21/02/2011

Une veuve de papier – John Irving [1998]

Une veuve de papier, John Irving« Ses parents s'attendaient à avoir un troisième fils, mais là n'est pas la raison pour laquelle Ruth Cole devint écrivain. Ce qui alimenta sans doute son imagination, c'est que, dans cette maison où elle grandit, les photos des frères morts furent une présence plus forte que toute présence qu'elle sentait chez son père ou sa mère ; en outre, après que sa mère les abandonna, elle et son père, en emportant presque tous les clichés de ses fils perdus, elle se demanda pourquoi son père laissait les crochets desdites photos au mur. Ces crochets nus eurent leur part de sa vocation d'écrivain : des années après la disparition de sa mère, elle essayait encore de se rappeler quelle photo pendait à quel crochet. Et devant l'échec de sa mémoire à lui restituer les photos des disparus, elle se mit à inventer tous les instants capturés de leur courte vie qu'elle avait manquée. La mort de Thomas et Timothy avant sa naissance joua elle aussi son rôle dans sa vocation ; dès l'aube de sa mémoire, il lui avait fallu les imaginer. » (p. 15-16)

Marion et Ted Cole avaient deux garçons, Thomas et Timothy, morts quelques années plus tôt dans un accident de voiture. Aujourd'hui, la maison des Cole, avec ses murs recouverts des photos des deux adolescents, ressemble à un mausolée. Quant à Ruth, que Marion et Ted ont eue pour tenter de se consoler, elle baigne depuis toujours dans cette étrange atmosphère où le souvenir tient infiniment plus de place que la réalité. L'été de ses 4 ans, l'été 1958, Ruth surprend sa mère Marion au lit avec son jeune amant Eddie, 16 ans (l'âge des ses fils quand elle les a perdu), l'assistant de son père Ted, auteur à succès de contes pour enfants et mari volage. A la fin de l'été, Marion quitte pour toujours son mari qu'elle n'aime plus, son jeune amant auquel elle craint de s'attacher et sa fille qu'elle n'ose aimer par peur de mal l'aimer.

Divisé en trois parties et en trois périodes, 1958-1990-1995, ce roman suit tout d'abord la destinée d'Eddie, dont l'été 1958 va bouleverser la vie et qui va par la suite devenir l'écrivain d'un seul thème, son amour infini et impossible pour une femme plus âgée que lui ; puis celle de Ruth, devenue une romancière de renom et une célibataire anxieuse, qui appréhende le mariage et la maternité, et qui espère sans faiblir le retour de sa mère ; et enfin celle de Harry Hoekstra, un fervent lecteur et policier d'Amsterdam qui cherche le témoin anonyme d'un meurtre sordide.

Une veuve de papier réunit plusieurs histoires d'amour autour de deux beaux personnages de femmes blessées (mère et fille) qui savent attendre... Car si, dans ce conte merveilleux, la mélancolie, le chagrin et le deuil ont leur place, l'amour se trouve et se retrouve, et le roman se déploie lentement vers un happy-end inattendu. On y découvre ainsi que la vie peut être à la fois dramatique et merveilleuse, et que les limites entre l'amour et la haine sont parfois très floues.

John Irving emploie sa puissance d'écriture ainsi que son humour grinçant et sa verve burlesque - et parfois polissonne - à faire entrer les éclats de rire, les surprises, la fantaisie, la truculence et l'absurde de la vie dans son livre labyrinthique. On sourit, on s'interroge, on se désole... et surtout on s'éprend de tous les personnages, à commencer par Ruth bien sûr, la petite fille oppressée par l'ombre de ses frères morts, puis la jeune femme anxieuse toujours en attente. Mais on s'attache aussi à Ted malgré ses insuffisances, Marion et ses terreurs, Eddie et son obsession, et même à l'insupportable Hannah, celle qui, chaque fois qu'elle aperçoit un homme qui lui plaît, entend le bruit de son slip qui glisse sur le sol.

Et puis, dans le monde d'Irving, il y a toujours des gens qui, pour soigner la douleur d'exister dans le chaos, écrivent. Au récit propre se mêlent donc des extraits des textes des personnages-auteurs : les contes horrifiques pour enfants de Ted, des extraits du journal intime de Ruth et de ses romans, les intrigues des polars de Marion, l'histoire de l'amour impossible d'Eddie pour Marion qu'il réécrit inlassablement dans ses livres... ces multiples mises en abîme se faisant perpétuellement échos, et donnant des clés de compréhension et d'interprétation du récit premier et des actions est sentiments des personnages.

Deux petits regrets toutefois pour ce roman par ailleurs excellent : quelques longueurs dans le passage se déroulant à Amsterdam et le final, tellement romantique et incongrument heureux qu'il en devient difficilement crédible.

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e%2040.gif John Irving, Une veuve de papier (A Window For One Year), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun, éd. Seuil, 1999 (1998), 581 pages, 22,80 €.

Du même auteur : L'Epopée du buveur d'eau, Le monde selon Garp & Dernière nuit à Twisted River.

11/02/2011

Sanctuaires ardents – Katherine Mosby [1995]

Sanctuaires ardents, Katherine MosbyDans les années 1930 le couple Daniels, Willard et Vienna, s'installe sur les terres familiales, à Winsville, petite bourgade de Virginie. L'intense beauté de Vienna la newyorkaise, sa déroutante culture, son fort tempérament, intriguent, suscitent l'admiration des uns, la désapprobation des autres, les commentaires de tous. Un jour Willard s'en va, laissant Vienna élever seule leurs deux enfants, Willa et Elliott, deux sauvageons pétris de curiosité et de connaissances. Dès lors, les rumeurs déjà persistantes enflent, jalousies et médisances se multiplient, les tensions se cristallisent, et le destin semble s'acharner sur la famille Daniels...

« Addison avait entendu dire qu'elle avait essayé de tuer son mari, qu'elle s'adressait au diable dans une langue inconnue, et que les soirs de pleine lune elle se baignait dehors dans une baignoire en fer-blanc et attirait sur sa peau la luminosité céleste. Elle était socialiste ou peut-être communiste, Addison ne se rappelait pas lequel des deux, mais la différence importait aussi peu qu'une morsure de charançon, parce que ce n'étaient pas des étiquettes qu'on voulait se voir coller sur le dos. En plus elle aimait les Nègres et elle fumait des cigarettes. Voilà ce qui arrive, disait-on, quand on lit trop de livres : ça ramollit le cerveau, et Addison imaginait alors la texture spongieuse des champignons des bois ou des crackers détrempés. On racontait qu'elle possédait des milliers de livres. » (p. 12)

Voilà un roman très réussi ! Sa force vient à la fois de l'écriture de Katherine Mosby (une écriture fluide, très agréable, et très visuelle quand il s'agit de dépeindre la nature) et aussi de ses personnages, très bien définis, surtout son héroïne Vienna.

Car ce roman est, en tout premier lieu, un très beau portrait de femme, une femme éprise de liberté, une intellectuelle, une grande lectrice, une "originale" qui repeint la grange en lapis-lazuli, qui donne des friandises à son pur-sang sans jamais le monter... Une anticonformiste qui se moque éperdument des convenances et du qu'en-dira-t-on, qui, très vite, après seulement quelques rencontres avec les femmes des notables de la petite ville, se fait haïr de tous ces bourgeois engoncés, ce qui d'ailleurs l'indiffère totalement. Et l'hostilité des gens du cru ne vient pas à bout de ses excentricités : elle parle aux arbres, rédige une épopée et élève ses enfants comme bon lui semble, en quasi-liberté... Au fil des années, les ragots vont se multiplier, mais aussi les gestes d'hostilité envers Vienna et ses enfants, jusqu'au drame, poignant et saisissant.

Bien que centré sur le personnage captivant de la belle fantasque, libre, farouche et indépendante, ce roman présente une foule d'autres caractères bien trempés, à commencer par les enfants, très attachants, curieux et cultivés ; Willa, aussi sauvage que sa mère, et Elliott, lutin lunaire passionné d'oiseaux. Katherine Mosby sait tout aussi bien exprimer les sentiments qui agitent le cœur d'une mère célibataire livrée aux commérages, que ceux d'un petit garçon sensible ou d'une petite fille indocile, d'un mari un peu veule, d'un voisin taiseux transi d'amour, ou d'un vieille tante revêche...

En arrière plan, ce roman dresse aussi un portrait dur et sans concession d'un sud marqué par la ségrégation raciale. Un livre donc à la fois bien écrit, passionnant, émouvant, et qui dit quelque chose. Un roman délicatement féministe et une ode magnifique à la singularité, à la tolérance et à la liberté.

« Souviens-toi, être différent ne fait pas de vous quelqu'un de spécial, mais être spécial fait de vous quelqu'un de différent. »

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e%2040.gif Katherine Mosby, Sanctuaires ardents (Private Altars), traduite de l'anglais (Etats-Unis) par Cécile Arnaud, éd. La Table Ronde, coll. Quai Voltaire, 2010 (1995), 381 pages, 23 €.

06/02/2011

Challenge "100 ans de littérature américaine", fin... et suite !

Il y a de cela fort longtemps (en décembre 2009) Bhou nous proposait un challenge "Yes we can", soit un an pour découvrir 100 ans (20e siècle) de littérature américaine. Et aujourd'hui, l'heure du bilan est plus que venue, elle est même légèrement passée, mais moi et les règles...

Alors ? Ce bilan ?

15 livre lus !

Du grandiose :
          Effacement de Percival Everett
          La route de Cormac Mc Carthy

Du plus que bien :
          De sang-froid de Truman Capote
          Sukkwan Island de David Vann
          Pourfendeur de nuages de Russell Banks
          La Chambre aux échos de Richard Powers
          Frères de sang de Richard Price

Du vraiment bien :
          Exit le fantôme de Philip Roth
          Gatsby le Magnifique de Francis Scott Fitzgerald
          Un homme de Philip Roth
          Le boxeur manchot de Tennessee Williams
          Désert américain de Percival Everett

Et du un peu moyen aussi :
          Le couperet de Donald Westlake
          Car de Harry Crews
          Netherland de Joseph O'Neill

Un challenge réussi, et de belles découvertes !

Et donc, on remet ça cette année avec le challenge "100 ans de littérature américaine, version 2011", initié par Marion (ex Bouh) du blog The Buried Talent, soit un an pour lire, encore et toujours, de la littérature américaine, en se consacrant à la période 1910-2011...

Et c'est repartiiiii !  ^^

Edit du 11/02/2011 : Sanctuaires ardents de Katherine Mosby [1995]

Edit du 21/02/2011 : Une veuve de papier de John Irving [1998]

Edit du 19/03/2011 : Indignation de Philip Roth [2008]

Edit du 07/06/2011 : La reine de l'Idaho de Thomas Savage [1977]

Edit du 27/10/2011 : Désolations de David Vann [2011]