07/06/2011
La reine de l'Idaho – Thomas Savage [1977]
Une simple lettre va bouleverser la vie de Thomas Burton, modeste écrivain cinquantenaire : une inconnue prétend être sa sœur... S'en suit une fouille acharnée dans les souvenirs et les non-dits familiaux. Thomas s'efforce de retracer l'existence de ceux qu'il croyait connaître : sa mère à la beauté altière, morte depuis longtemps déjà ; son père, un excentrique qui s'est contenté de lui donner son nom ; et surtout Emma, sa grand-mère maternelle, la fameuse reine du mouton... Petit à petit, des pans de silence s'effacent, destins extraordinaires et vies brisées se mêlent, et les drames familiaux enfin élucidés rendent la paix à la mémoire des morts.
12:50 Publié dans => Challenge 100 ans de littérature américaine | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : thomas savage, littérature américaine, etats-unis, montana, idaho, éleveurs, élevage, moutons, secret, famille, challenge, challenge littérature américaine
31/08/2010
Le secret de Jasper Jones – Craig Silvey [2009]
Charlie Bucktin, treize ans, est un ado intello, un bibliovore totalement incapable de manier correctement une batte de cricket. Dans une petite ville minière et provinciale comme Corrigan (Australie), cette différence fait de lui le punching-ball de ses camarades. Il partage toutefois son statut de souffre-douleur avec son meilleur (et unique) ami, Jeffrey Lu, son voisin d'origine vietnamienne, victime d'un racisme à peine voilé.
Par une chaude nuit de l'été 1965, alors que Charlie est plongé dans la lecture d'un ouvrage de Mark Twain, Jasper Jones, le paria de la ville, un gamin à moitié aborigène, frappe à sa fenêtre et lui demande son aide. Par curiosité, pour le frisson de la transgression, et flatté d'avoir été choisi, Charlie suit Jasper jusqu'à une jolie clairière enfouie dans le bush où l'attend une terrible découverte : « Si j'avais affaire à quelqu'un d'autre, je tournerais les talons. Je ne me faufilerais pas sous le rideau de branches de l'acacia en baissant la tête. Je ne me raccrocherais pas à son tronc rugueux de crainte de trébucher. Je n'écarterais pas le feuillage. Je n'apercevrais pas une clairière. Et je ne découvrirais pas le secret de Jasper Jones. »
Cette nuit-là, Jasper Jones lui fait jurer de garder le silence, mais le secret est immense, et bien lourd à porter pour des enfants. Ainsi contraint par son pacte de silence avec Jasper, Charlie commence à porter un regard nouveau sur son entourage - sa famille si unie, les honorables citoyens de Corrigan - car le secret de Jasper Jones n'est pas le seul qui lézarde la petite ville...
Ainsi, en l'espace d'un été, Charlie, un gamin un peu trouillard et un peu mou, va se retrouver confronter à la mort violente, à la culpabilité, aux insuffisances des adultes, au mensonge, au racisme, à l'injustice... Un rude apprentissage du passage à l'âge adulte à peine contrebalancé par l'amour encore enfantin qu'il voue à la frêle Eliza. Le tout dans une communauté en vase-clos, empoisonnée de non-dits, sous-tension, qui doit faire face à la fois à fermeture de la mine (unique employeur de la ville), aux conséquences de la guerre du Viêt Nam (dans laquelle l'Australie est engagée dès 1962), et à la disparition d'un de ses enfants, Laura, jeune fille de 15 ans qui s'est mystérieusement volatilisée.
Le secret de Jasper Jones constitue donc un récit initiatique assez cynique, à l'atmosphère parfois pesante (le rythme est lent, le climat chaud et lourd), mais allégé par quelques touches d'humour bienvenues (les joutes verbales entre Jeffrey et Charlie sont réjouissantes). C'est un roman au style fluide, parfois un peu bavard, dont les personnages s'avèrent très attachants. Un livre qui brasse habilement beaucoup de "grands" sujets universels (l'amour, l'amitié, la famille, le racisme, la justice, etc.).
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Craig Silvey, Le secret de Jasper Jones (Jasper Jones), traduit de l'anglais (Australie) par Marie Boudewyn, éd. Calmann-Lévy, 2010 (2009), 378 pages, 19,50 €.
12:05 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : craig silvey, littérature australienne, australie, mort, meurtre, inceste, récit initiatique, secret
18/03/2010
Le voyage à Perros – Jacques Thomassaint [2004]
« Au moment où la pointe du couteau s'engage dans le gros pain rond, de petits coups brefs frappent à la porte d'entrée. Ambroise se lève lentement, tourne le verrou...
Une toute jeune fille blonde se tient dans la lumière du seuil, un sac de voyage à la main. Elle tremble.
- Grand-père, c'est moi... Anne...
- Je vois bien que c'est toi, petite ! Entre ! »
Ambroise est un vieil homme un peu désabusé, délaissé par sa famille, et qui s'apprête à passer Noël seul, encore une fois. Anne est une ado de treize ans envahie de doutes et d'incertitudes, qui s'interroge sur son père. En quête de réponses et de réconfort, elle fugue et se réfugie chez son grand-père Ambroise qui lui ouvre sa porte, sans poser de question...
En quelques lignes, on saisit la solitude du grand-père, son attachement à son coin de Bretagne, et sa nostalgie. En quelques mots, on comprend le désarroi de la petite fille et ses doutes. En quelques pages, le grand-père et la petite fille se rencontrent, s'apprivoisent, s'offrent attention, réconfort et tendresse, et quelques jours de parenthèse enchantée avant de reprendre le cours ordinaire de leurs vies dissociées.
Une histoire simple et charmante, et aussi un peu cliché il est vrai (la Bretagne tourmentée par la tempête, le grand père bourru au cœur tendre, la petite fille débrouillarde, le routier au grand cœur, etc), mais cela fait tout de même un bien joli petit conte de Noël...
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Jacque Thomassaint, Le voyage à Perros, éd. Le Petit Pavé, coll. Obzor, 2004, 83 pages, 9 €.
Un livre proposé par Bladelor.
Les avis de Doriane, Hathaway, Stephie, Fashion, Yueyin, Isil, Levraoueg, Armande, Keisha, Chimère, Pascale, Yoshi & Leiloona.
12:03 Publié dans => La chaîne des livres | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, littérature jeunesse, roman, roman jeunesse, fugue, bretagne, noël, secret
01/08/2008
Un secret – Philippe Grimbert [2004]
« Fils unique, j'ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes relations de vacances, à mes amis de passage. J'avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible. »
Dès les premiers mots de son roman autobiographique, le psychanalyste Philippe Grimbert nous enchante et nous enchaîne. Car tout, le style élégant et dépouillé, le ton sobre et pudique, la sensibilité et l'émotion contenue, la construction du récit en un lent cheminement du narrateur dans sa quête de vérité, cette longue et respectueuse exploration d'un secret de famille, tout sonne juste. On comprend vite que ce roman est de ceux qui hantent longtemps la mémoire de celui qui s'y plonge. Et je voudrais tant convaincre ceux qui ne l'ont pas encore ouvert de le faire ! Mais comment m'y prendre ? Car le raconter serait le trahir ; l'analyser, l'abîmer ; en faire l'éloge, en dénaturer l'émotion... Quelques mots toutefois, en espérant ne pas trop en révéler...
Fils unique et petit garçon introverti, solitaire et maladif, le narrateur s'est donc inventé un aîné idéal, un double inversé, avec qui il converse dès qu'il en ressent le besoin, avec qui il se bagarre la nuit venue. Un frère beau et fort qui ferait assurément la fierté de ses parents, Maxime et Tania, deux athlètes reconvertis dans la vente d'articles de sport. Auprès de ses parents le garçon mène une existence en apparence simple et paisible, mais dominée par le silence qui règne dans sa famille. Un silence lourd et incompréhensible pour l'enfant, un silence qu'il devine empreint de honte et de culpabilité. Alors, sans oser poser de questions, le garçon se raconte des histoires et s'invente un passé magnifié : comment ses parents se sont rencontrés avant la Seconde Guerre mondiale, comment ils se sont aimés durant leur exil en zone libre pendant l'Occupation, comment lui-même est naît après guerre... Une belle histoire, idyllique, mais imaginaire. Jusqu'au jour de ses 15 ans, jusqu'au jour où Louise, une vieille amie de la famille et sa seule confidente, lui révèle enfin le secret de sa naissance issue de l'amour fou et coupable de ses parents. Une vérité bouleversante, mais qui lui permet enfin de se construire.
Un secret commence sur un mode intimiste, avec l'histoire simple d'une famille ordinaire, puis nous sommes entraînés au fil des pages dans l'Histoire : la Seconde Guerre mondiale, l'Occupation allemande, le génocide juif, l'ombre des camps... Et la recherche de vérité du narrateur, cette confidence qu'il livre au lecteur d'une voix qui s'étrangle peu à peu sous le doute et l'émotion, mêlant le basculement de l'Histoire à son vacillement intérieur. Ce récit autobiographique de Philippe Grimbert est un roman grave et néanmoins magnifique. Sa manière limpide de raconter une histoire de famille douloureuse rend l'ensemble plus bouleversant encore. L'histoire qu'il raconte est si fluide qu'elle paraît presque ordinaire. Il n'en est rien. Elle est universelle.
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Philippe Grimbert, Un secret, éd. Le Livre de Poche, 2006 (2004), 192 pages, 5,50 €.
00:45 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : philippe grimbert, littérature française, autobiographie, secret, guerre, génocide, famille, frères
17/10/2007
[cinéma] Un secret – Claude Miller (2007)
Genre : mélo historique
François est un petit garçon né juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, de Maxime (Patrick Bruel) et Tania (Cécile de France), ses parents juifs qui ont échappé au génocide. François est chétif et introverti, rêveur aussi. Pour ne plus voir la compassion dans les yeux de sa mère et la condescendance dans ceux de son père, il s'invente un grand frère, plus fort et intrépide que lui, un grand frère qui ferait la fierté de son père. Le jour de ses quinze ans Louise (Julie Depardieu), une amie de la famille, lui révèle une vérité bouleversante, mais qui lui permet enfin de se construire : le passé de sa famille et le secret qui entoure l'union coupable de ses parents et sa naissance.
La seule lecture du synopsis d'Un secret suffit à émouvoir (mais je ne peux vous en dire plus sous peine de gâcher le travail de dévoilement auquel se livre le petit François). Pourtant, je suis restée étrangement extérieure et "froide" à cette histoire, "non-impliquée". Pourquoi ne me suis-je pas sentie touchée par ce récit pourtant intrinsèquement bouleversant ? Peut-être parce que, en cours de film, je me suis rappelée avoir lu le roman très autobiographique de Philippe Grimbert dont est issu le film, et avoir pleuré à cette lecture. Forcément, connaissant par avance le secret dont le dévoilement progressif sert de focale au film, le film a perdu de son intérêt et j'ai aussi été plus attentive au reste : les acteurs, la mise en scène...
Et là, Miller n'a pas lésiné. Casting de choix où tous brillent, de Cécile de France (éclatante en femme fatale et survivante) à Ludivine Sagnier (tout en vulnérabilité) en passant par Julie Depardieu (malgré un énième rôle de bonne copine). Côté acteurs, mon seul bémol va à Patrick Bruel, certes sobre dans son personnage pas forcément sympathique, mais peu crédible en charmeur au regard magnétique. Côté casting donc, pas grand'chose à redire, mais côté mise en scène… Est-il vraiment besoin de tout surligner pour nous faire ressentir la prégnance du secret ? Claude Miller a opté pour une mise en scène hyper démonstrative, multipliant les effets incongrus, inutiles ou sur-signifiants : multiplication des points de vue, bouleversement chronologique, utilisation grandiloquente de la couleur (temps passé : guerre et après-guerre) et du noir et blanc (temps présent : 1985). Cette idée, qui va à l'inverse d'une convention établie, aurait pu servir le propos mais elle n'est ici qu'un simple "truc".
Ce film ne m'a finalement apporté qu'une seule chose : la furieuse envie de relire le livre de Philippe Grimbert.
BlueGrey
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Un secret
De Claude Miller
Avec Patrick Bruel (Maxime), Cécile de France (Tania), Julie Depardieu (Louise), Ludivine Sagnier (Hannah), Mathieu Amalric (François à 37 ans)...
Film français, 2007, 1h40
Film vu le 16/10/2007
18:30 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cinéma, film, amour, guerre, seconde guerre mondiale, secret