07/09/2011
Ce que je sais de Vera Candida – Véronique Ovaldé [2009]
Quelque part dans une Amérique du Sud imaginaire... Rose, prostituée puis pêcheuse de poisson volant, sa fille Violette, jolie et candide personne aimant un peu trop le ratafia, sa petite-fille Vera Candida, au sourire rare, que Rose élèvera pour palier aux déficiences de Violette, et enfin son arrière-petite-fille, Monica Rose, petite fée espiègle. Rose, Violette, Vera Candida, Monica Rose... Cette lignée de femmes-amazones éprises de liberté semble vouée au même destin : enfanter seule une fille et ne jamais pouvoir révéler le nom du père. Fatalité ? Déterminisme familial ? A 15 ans et enceinte d'un viol, Vera Candida tente de rompre le cercle vicieux en fuyant la pauvreté de son île natale pour le continent. Là, elle rencontre un journaliste idéaliste, Itxaga, qui tombe éperdument amoureux d'elle...
Ce que je sais de Vera Candida est un roman à la fois tragique et fantaisiste. Tragique par les sujets abordés (le manque d'amour, la fatalité, le viol, l'inceste) et fantaisiste par son style joyeusement bondissant, plein de malice et d'images inattendues. C'est un roman qui fait la part belle aux femmes, des femmes à la fois fortes et fragiles, fières et soumises, courageuses, éprises d'absolu, gonflées d'orgueil salutaire, et qui trouvent la force de s'élever face à l'intransigeance de la condition féminine. C'est un roman qui parle de transmission de mère à fille, de soumission volontaire, d'affranchissement et de liberté.
C'est un roman qui avait décidément tout pour me plaire... mais qui pourtant ne m'a pas emporté. Même si je reconnais l'originalité du style, j'y suis restée totalement insensible, pas réceptive du tout et même un peu lassée par "trop" d'effets de style qui lui confèrent un aspect "maniéré". Quant au récit en lui-même, même s'il traite de thèmes qui me sont chers (l'émancipation des femmes notamment), j'ai trouvé que les personnages principaux, tous des femmes donc, restaient assez "froids" et trop passifs, acceptant comme une fatalité leur destin.
Au final, ce roman qui aurait pu être le récit enchanté d'une émancipation m'a au contraire laissé un goût amer de désenchantement... et d'ennui.
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Véronique Ovaldé, Ce que je sais de Vera Candida, éd. de l'Olivier, 2009, 292 pages, 19€.
Du même auteur : Des vies d'oiseaux
16:20 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : véronique ovaldé, relations mère-fille, viol, inceste, émancipation, amérique du sud
31/08/2010
Le secret de Jasper Jones – Craig Silvey [2009]
Charlie Bucktin, treize ans, est un ado intello, un bibliovore totalement incapable de manier correctement une batte de cricket. Dans une petite ville minière et provinciale comme Corrigan (Australie), cette différence fait de lui le punching-ball de ses camarades. Il partage toutefois son statut de souffre-douleur avec son meilleur (et unique) ami, Jeffrey Lu, son voisin d'origine vietnamienne, victime d'un racisme à peine voilé.
Par une chaude nuit de l'été 1965, alors que Charlie est plongé dans la lecture d'un ouvrage de Mark Twain, Jasper Jones, le paria de la ville, un gamin à moitié aborigène, frappe à sa fenêtre et lui demande son aide. Par curiosité, pour le frisson de la transgression, et flatté d'avoir été choisi, Charlie suit Jasper jusqu'à une jolie clairière enfouie dans le bush où l'attend une terrible découverte : « Si j'avais affaire à quelqu'un d'autre, je tournerais les talons. Je ne me faufilerais pas sous le rideau de branches de l'acacia en baissant la tête. Je ne me raccrocherais pas à son tronc rugueux de crainte de trébucher. Je n'écarterais pas le feuillage. Je n'apercevrais pas une clairière. Et je ne découvrirais pas le secret de Jasper Jones. »
Cette nuit-là, Jasper Jones lui fait jurer de garder le silence, mais le secret est immense, et bien lourd à porter pour des enfants. Ainsi contraint par son pacte de silence avec Jasper, Charlie commence à porter un regard nouveau sur son entourage - sa famille si unie, les honorables citoyens de Corrigan - car le secret de Jasper Jones n'est pas le seul qui lézarde la petite ville...
Ainsi, en l'espace d'un été, Charlie, un gamin un peu trouillard et un peu mou, va se retrouver confronter à la mort violente, à la culpabilité, aux insuffisances des adultes, au mensonge, au racisme, à l'injustice... Un rude apprentissage du passage à l'âge adulte à peine contrebalancé par l'amour encore enfantin qu'il voue à la frêle Eliza. Le tout dans une communauté en vase-clos, empoisonnée de non-dits, sous-tension, qui doit faire face à la fois à fermeture de la mine (unique employeur de la ville), aux conséquences de la guerre du Viêt Nam (dans laquelle l'Australie est engagée dès 1962), et à la disparition d'un de ses enfants, Laura, jeune fille de 15 ans qui s'est mystérieusement volatilisée.
Le secret de Jasper Jones constitue donc un récit initiatique assez cynique, à l'atmosphère parfois pesante (le rythme est lent, le climat chaud et lourd), mais allégé par quelques touches d'humour bienvenues (les joutes verbales entre Jeffrey et Charlie sont réjouissantes). C'est un roman au style fluide, parfois un peu bavard, dont les personnages s'avèrent très attachants. Un livre qui brasse habilement beaucoup de "grands" sujets universels (l'amour, l'amitié, la famille, le racisme, la justice, etc.).
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Craig Silvey, Le secret de Jasper Jones (Jasper Jones), traduit de l'anglais (Australie) par Marie Boudewyn, éd. Calmann-Lévy, 2010 (2009), 378 pages, 19,50 €.
12:05 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : craig silvey, littérature australienne, australie, mort, meurtre, inceste, récit initiatique, secret