12/10/2011
Des vies d'oiseaux – Véronique Ovaldé [2011]
« Mon Dieu il me semble bien être vivante dans ma tombe. » (p. 43)
Vida Izzara est une femme un peu perdue, qui ne sait pas où est passé sa vie. Originaire d'Irogoy, la "terre d'en bas", zone pouilleuse et désolée, peuplée de créatures aux visages de chien, elle s'est hissée par son mariage avec le riche Gustavo jusqu'à la "terre d'en haut", Villanueva, et ses somptueuses maisons huppées asphyxiantes. Dans sa cage dorée, Vida contemple la vacuité de son existence et s'étiole peu à peu, surtout depuis que sa fille unique, Paloma, s'est enfuie avec Adolfo, le jardinier. Paloma et Adolfo squattent les maisons inoccupées de la colline Dollars, une manière de narguer leurs vies antérieures. Mais le lieutenant Taïbo, flic placide et mélancolique qui enquête sur ces étranges clandestins, rencontre Vida et met ses pas dans les siens, telle une ombre de plus en plus familière et sensuelle...
On retrouve dans ce roman le phrasé si particulier, un peu déconcertant, de Véronique Ovaldé : une écriture pleine d'étrangeté, des phrases amples dans lesquelles s'insèrent de multiples parenthèses, un style parfois "flou"... Le tout donne une impression d'étrangeté et de flottement entre rêve et réalité.
On retrouve aussi une certaine typologie de personnages, des caractères féminins volontaires, animés par leur quête d'un idéal : une mère, une fille, et leurs choix de vie. Mère et fille, chacune à sa manière, par la grâce d'un nouvel amour, est conduite à se défaire de ses anciens liens (conjugaux, familiaux, sociaux) pour éprouver sa liberté d'exister. Mais une fois de plus, comme dans le précédent roman de Véronique Ovaldé, Ce que je sais de Vera Candida, cet affranchissement n'est finalement atteignable qu'avec le secours d'un homme, ce qui est tout de même assez restrictif comme moyen d'émancipation !
On retrouve enfin les thèmes récurrents chers à Véroniques Ovaldé : lutte des classes, lutte des sexes, lutte des générations, transmission de mère à fille, soumission volontaire et conquête de la liberté.
Des vies d'oiseaux retisse donc, mais en mode mineur, des motifs déjà rencontrés dans Ce que je sais de Vera Candida. C'est roman tout aussi sombre et dur que le précédent, mais bien moins fantaisiste, et qui laisse une impression de désenchantement, malgré le final plutôt positif.
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Véronique Ovaldé, Des vies d'oiseaux, éd. de l'Olivier, 2011, 235 pages, 19 €.
Du même auteur : Ce que je sais de Vera Candida
13:55 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : véronique ovaldé, relations mère-fille, émancipation, amérique du sud, fugue
07/09/2011
Ce que je sais de Vera Candida – Véronique Ovaldé [2009]
Quelque part dans une Amérique du Sud imaginaire... Rose, prostituée puis pêcheuse de poisson volant, sa fille Violette, jolie et candide personne aimant un peu trop le ratafia, sa petite-fille Vera Candida, au sourire rare, que Rose élèvera pour palier aux déficiences de Violette, et enfin son arrière-petite-fille, Monica Rose, petite fée espiègle. Rose, Violette, Vera Candida, Monica Rose... Cette lignée de femmes-amazones éprises de liberté semble vouée au même destin : enfanter seule une fille et ne jamais pouvoir révéler le nom du père. Fatalité ? Déterminisme familial ? A 15 ans et enceinte d'un viol, Vera Candida tente de rompre le cercle vicieux en fuyant la pauvreté de son île natale pour le continent. Là, elle rencontre un journaliste idéaliste, Itxaga, qui tombe éperdument amoureux d'elle...
Ce que je sais de Vera Candida est un roman à la fois tragique et fantaisiste. Tragique par les sujets abordés (le manque d'amour, la fatalité, le viol, l'inceste) et fantaisiste par son style joyeusement bondissant, plein de malice et d'images inattendues. C'est un roman qui fait la part belle aux femmes, des femmes à la fois fortes et fragiles, fières et soumises, courageuses, éprises d'absolu, gonflées d'orgueil salutaire, et qui trouvent la force de s'élever face à l'intransigeance de la condition féminine. C'est un roman qui parle de transmission de mère à fille, de soumission volontaire, d'affranchissement et de liberté.
C'est un roman qui avait décidément tout pour me plaire... mais qui pourtant ne m'a pas emporté. Même si je reconnais l'originalité du style, j'y suis restée totalement insensible, pas réceptive du tout et même un peu lassée par "trop" d'effets de style qui lui confèrent un aspect "maniéré". Quant au récit en lui-même, même s'il traite de thèmes qui me sont chers (l'émancipation des femmes notamment), j'ai trouvé que les personnages principaux, tous des femmes donc, restaient assez "froids" et trop passifs, acceptant comme une fatalité leur destin.
Au final, ce roman qui aurait pu être le récit enchanté d'une émancipation m'a au contraire laissé un goût amer de désenchantement... et d'ennui.
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Véronique Ovaldé, Ce que je sais de Vera Candida, éd. de l'Olivier, 2009, 292 pages, 19€.
Du même auteur : Des vies d'oiseaux
16:20 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : véronique ovaldé, relations mère-fille, viol, inceste, émancipation, amérique du sud