18/03/2010
Le voyage à Perros – Jacques Thomassaint [2004]
« Au moment où la pointe du couteau s'engage dans le gros pain rond, de petits coups brefs frappent à la porte d'entrée. Ambroise se lève lentement, tourne le verrou...
Une toute jeune fille blonde se tient dans la lumière du seuil, un sac de voyage à la main. Elle tremble.
- Grand-père, c'est moi... Anne...
- Je vois bien que c'est toi, petite ! Entre ! »
Ambroise est un vieil homme un peu désabusé, délaissé par sa famille, et qui s'apprête à passer Noël seul, encore une fois. Anne est une ado de treize ans envahie de doutes et d'incertitudes, qui s'interroge sur son père. En quête de réponses et de réconfort, elle fugue et se réfugie chez son grand-père Ambroise qui lui ouvre sa porte, sans poser de question...
En quelques lignes, on saisit la solitude du grand-père, son attachement à son coin de Bretagne, et sa nostalgie. En quelques mots, on comprend le désarroi de la petite fille et ses doutes. En quelques pages, le grand-père et la petite fille se rencontrent, s'apprivoisent, s'offrent attention, réconfort et tendresse, et quelques jours de parenthèse enchantée avant de reprendre le cours ordinaire de leurs vies dissociées.
Une histoire simple et charmante, et aussi un peu cliché il est vrai (la Bretagne tourmentée par la tempête, le grand père bourru au cœur tendre, la petite fille débrouillarde, le routier au grand cœur, etc), mais cela fait tout de même un bien joli petit conte de Noël...
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Jacque Thomassaint, Le voyage à Perros, éd. Le Petit Pavé, coll. Obzor, 2004, 83 pages, 9 €.
Un livre proposé par Bladelor.
Les avis de Doriane, Hathaway, Stephie, Fashion, Yueyin, Isil, Levraoueg, Armande, Keisha, Chimère, Pascale, Yoshi & Leiloona.
12:03 Publié dans => La chaîne des livres | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, littérature jeunesse, roman, roman jeunesse, fugue, bretagne, noël, secret
07/01/2010
Le baby-sitter - Jean-Philippe Blondel [2010]
Alex est étudiant et fauché. Mais il ne manque pas d'idées : il décide de proposer ses services en tant que soutien scolaire, ou même baby-sitter. Qui sait ? Homme et baby-sitter, ça doit être possible ? Il dépose donc une petite annonce à sa boulangerie, et justement la boulangère, Mélanie, qui souhaite pouvoir retrouver son mari certain soir en tête-à-tête, l'engage. Puis, le bouche à oreille aidant, la proposition d'Alex va rencontrer un succès inespéré et bien vite son rôle va dépasser la simple garde d'enfants. Au fil du temps il devient le confident, le complice, l'ami de couples en dérive et de parents solitaires. Témoin des petits drames ainsi que des joies fragiles qui jalonnent toute existence, il écoute, il parle, il comprend, il apprend à connaître ces adultes qui cachent tous une blessure. Et ce qui ne se présentait que comme un job d'appoint va donner un sens à sa vie.
Le style de Blondel est inventif, léger et fluide, teinté d'humour, toujours aussi agréable : « Zen. Alex se sent zen par rapport à tout ça. Alex se sent zen par rapport à tout, au fur et à mesure de la soirée. Bien sûr, cela a à voir avec la maturité qui se fait lentement. Mais, soyons lucides, cela a encore davantage à voir avec le gin qu'il ingurgite, à toutes petites gorgées. » Mais le récit est parsemé d'erreurs bizarroïdes. Par exemple Marc, l'un des parents engageant Alex, est présenté comme étant prof de français, puis 20 pages plus tard devient prof d'anglais (?!?), ou encore, alors que la narration suit le déroulé d'une année scolaire, on nous annonce que nous sommes en janvier, puis finalement non, nous sommes en fait en novembre pour une même action. Rien de bien grave, mais ces petites incohérences sont un peu déroutantes.
Quant à la morale du livre, elle s'avère d'un optimisme béat que j'ai trouvé un peu niais et agaçant : bien que l'existence soit une succession de petits et grands drames il convient, d'après Monsieur Blondel, de la prendre avec légèreté, la solidarité et la fraternité devant pallier les carences de nos vies... Un message certes positif et porté par un bel espoir, mais le coup du carpe diem, on nous l'a déjà fait !
Bref, une petite histoire agréable à lire, qui ménage son lot de surprises, de sourires et de pincements au coeur ; un récit un peu convenu, un peu inégal, mais qui reste sympathique.
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Jean-Philippe Blondel, Le baby-sitter, 2010, éd. Buchet-Chastel, 297 pages, 19 €.
Merci à Libfly et aux Editions Buchet-Chastel de m'avoir fait parvenir ce livre.
Du même auteur : This is not a love song.
16:43 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature française, littérature contemporaine, roman, baby-sitter, solidarité
28/10/2009
Mille morceaux – James Frey (2003)
James à 23 ans. Il est « Alcoolique, Toxicomane et Délinquant » comme il se définit lui-même. Son avenir ? La prison ou la mort. Mais après un énième de ses "trous noirs", ses parents l'obligent à entrer en cure de désintoxication dans une clinique du Minnesota. Sa dernière chance de s'en sortir en somme.
« Je suis profondément, physiquement, mentalement et émotionnellement dépendant de ces deux substances. Je suis profondément, physiquement, mentalement et émotionnellement dépendant d'un certain mode de vie. Je ne connais rien d'autre, rien de plus, et je ne me souviens de rien d'autre. Je ne sais pas si je peux faire quoi que ce soit d'autre à ce stade. J'ai la trouille d'essayer. J'ai une putain de trouille bleue. J'ai toujours cru que j'avais le choix entre la prison et la mort. Je n'ai jamais songé que je pouvais avoir le choix d'arrêter parce que je n'ai jamais cru que je pouvais y arriver. J'ai une putain de trouille bleue. »
Le récit est organisé selon le déroulé de la cure, un quotidien très règlementé et structuré pour des êtres qui justement n'ont plus de repères : le réveil, la douche, les taches quotidiennes, les repas, le tableau des objectifs, les conférences obligatoires, les entretiens médicaux... Par réminiscence, le narrateur dévoile aussi sa vie d'avant, son enfance dissoute dans l'alcool et sa jeunesse cramé au crack.
De l'effroyable douleur du manque à la volonté de tenir bon, de la solitude abrutissante à la renaissance amoureuse, du désir de reconstruction à celui de l'autodestruction, de la Fureur qui balaie les bonnes résolutions aux amitiés improbables (celle d'un gangster, d'un juge ou d'un boxeur) qui permettent de s'accrocher, le narrateur nous livre tout, crument, sans concessions ni tabous. Sur 600 pages se déploient le doute, la douleur, le manque, la Fureur, l'horreur, le désarroi, la déprime, la frustration, les crises d'angoisse, la paranoïa, les hallucinations, les hurlements... Une descente aux enfers incandescente, puis une très lente remontée vers la vie.
Initialement présenté comme autobiographique, Mille morceaux a, à la suite du passage de son auteur à l'émission télévisuelle d'Oprah Winfrey, rencontré un succès phénoménal aux Etats-Unis. Jusqu'au jour où il a été révélé que cette autobiographie était beaucoup plus romancée que son auteur et son éditeur ne l'avaient dit. Et après un incroyable lynchage médiatique de l'auteur, la maison d'édition est allée jusqu'à proposer de rembourser les lecteurs qui se seraient sentis floués !
Or, autobiographie ou pas, ce Mille morceaux est un véritable choc ! Pour moi, peu importe sa part de fiction et de vérité, l’essentiel est le texte lui-même. Et ce texte, cru, intense, et parfois halluciné, s'avère d'une grande puissance : utilisant une écriture brute, une syntaxe malmenée, un style nerveux et syncopé, et le procédé du flux de conscience, le phrasé de James Frey est une musique scandée au rythme obsédant, qui rend compte avec exactitude de la violence prosaïque du narrateur, de sa situation et de son environnement. Certes, le récit aurait pu éviter certaines longueurs ou répétitions, et l'usage intensif de Majuscules Ironiques peut être lassant, mais l'exercice de style (ce travail sur le rythme et les mots et le dosage entre humour et vitriol) aboutit à un texte uppercut dont on sort indubitablement sonné.
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James Frey, Mille morceaux (A Million Little Pieces), traduit de l'américain par Laurence Viallet, éd. 10/18, coll. domaine étranger, 2006 (2003), 601 pages, 12 €.
Un livre proposé par Levraoueg.
Les avis de Armande, Keisha, Chimère, Pascale, Yoshi & Leiloona.
13:00 Publié dans => La chaîne des livres | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : littérature américaine, roman, autobiographie, alcool, alcoolisme, drogue, toxicomanie, cure
28/08/2009
Silas Marner – George Eliot (1861)
Injustement accusé de vol, trahi par son meilleur ami, abandonné par la jeune femme qu'il aime, le tisserand Silas Marner quitte la ville pour s'établir dans la petite communauté campagnarde de Ravenloe. Pendant 15 ans, il va vivre reclus chez lui, à bonne distance des autres villageois qui éprouvent quelque méfiance à son égard, à tisser et à amasser de l'or. Mais un jour son pécule lui est dérobé : la perte de son trésor et l'arrivée dans sa vie d'une petite fille abandonnée vont lui enseigner ce qu'est la vraie richesse et sa propre valeur. Parallèlement, les Cass, la famille la plus aisée de la région, connaissent également quelques aléas : l'ainé, Godfrey, possède un lourd secret qui pourrait compromettre son mariage avec la jolie Nancy Lammeter, et le cadet, Dunstan, en profite pour soutirer à son frère de quoi financer sa vie dissolue.
George Eliot (de son vrai nom Mary Ann Evans) est considéré comme l'un des plus grands romanciers anglais du XIXe siècle, dans la lignée des auteurs réalistes. Et en effet elle décrit superbement société rurale anglaise victorienne : elle dépeint avec talent la communauté villageoise de Raveloe et les us et coutumes de l'époque, ainsi que les différentes classes sociales et leurs relations. J'ai aimé son sens de l'observation, ses descriptions précises, concrètes et réalistes du milieu provincial et rural, ses portraits habilement croqués de paysans, de même que sa critique de mœurs, fine et sensible. Ainsi, tous les passages où apparaissent les habitants du village (à l'auberge, les invités du bal...) sont à la fois plein de vérité et de drôlerie, sans être caricaturaux.
Mais la tendance moralisatrice de l'histoire compromet le charme de cette œuvre. En effet, le récit est doublé de commentaires interstitiels et de considérations abstraites qui empâtent et étouffent la narration. De plus, les préceptes énoncés sont péremptoires et banals : la richesse matérielle n'est rien en comparaison de l'amour ; un ordre supérieur indéfini (la providence ? Dieu ?) veille a ce que les bons soient récompensés et les méchants punis ; les épreuves traversées peuvent être l'occasion d'un rachat ou la condition même d'un bien ultérieur... Ce symbolisme moraliste simpliste un brin naïf plombe le récit qui, sans cela, aurait pu rester plaisant.
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George Eliot, Silas Marner, traduit de l'anglais par Pierre Leyris, éd. folio, 1980 (1861), 314 pages.
Un livre proposé par Keisha.
Les avis de Chimère, Pascale, Yoshi73, Restling, Leiloona & Isil.
12:34 Publié dans => La chaîne des livres | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, roman, classique, angleterre
21/08/2009
Le vol des cigognes – Jean-Christophe Grangé (1994)
Louis Antioche, 32 ans, est contacter par Max Böhm, un ornithologue suisse ami de ses parents adoptifs : il lui propose de suivre la migration de cigognes à travers l'Europe et l'Afrique, afin de chercher à comprendre pourquoi certaines d'entre elles ne sont pas revenues au printemps dernier. Mais arrivé en Suisse pour mettre au point les détails de sa mission, Louis découvre le cadavre de Max Böhm, vraisemblablement foudroyé par une crise cardiaque, au beau milieu d'un nid de cigognes !
Intrigué par certains documents trouvés chez l'ornithologue, et malgré sa mort, Louis décide de poursuivre sa mission et de suivre les volatiles, de la Slovaquie à la République de Centrafrique, en passant par la Bulgarie et les kibboutz d'Israël. Mais durant son voyage, les morts étranges se succèdent, et bientôt sa vie même est menacée par deux individus qui le traquent. Et les énigmes s'accumulent, au sujet de la disparition des cigognes, au sujet des morts qui jalonnent son périple, mais également par rapport au mystérieux passé de Böhm et par rapport aux souvenirs confus de son propre passé...
Des rebondissements improbables + des situations inextricables qui se résolvent seules, comme par enchantement + un style lourd + un suspens nul (on devine très rapidement la majorité des composantes de l'intrigue) + une surabondance de détails gratuitement sanglants et macabres + un héros peu attachant qui, au cours de son enquête, se trouve confronté à son propre passé forcément mystérieux = suffisamment de clichés pour constituer le plus exemplaire des mauvais thrillers.
Quoi ? Vous ne me croyez pas ???? Un extrait donc, pour illustrer mon propos :
« Que mon destin se scelle à Calcutta était logique, parfait, irréversible. Seul l'enfer croupissant de la ville indienne offrait un contexte assez noir pour accueillir les ultimes violences de mon aventure. […]
Oui, sans conteste, Calcutta était un lieu idéal.
Pour tuer ou pour mourir. »
Vite lu, et à oublier très vite !
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Jean-Christophe Grangé, Le vol des cigognes, éd. Le livre de Poche, 2009 (1994), 377 pages, 6,50 €.
Je remercie tout de même BoB et Le livre de poche pour l'envoi de ce livre.
13:13 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature, roman, thriller