Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/08/2008

Chagrin d'école – Daniel Pennac (2007)

01c146d0bc77348844077543653e5bdf.gif

« Commençons par l'épilogue : Maman, quasi centenaire, regardant un film sur un auteur qu'elle connaît bien. »

Encore un livre sur l'école pensez-vous ? Non, un livre sur le cancre ! Et c'est bien plus réjouissant ! Dans la lignée de Comme un roman, Chagrin d'école aborde donc la question de l'école, mais du point de vue de l'élève, et en l'occurrence du mauvais élève, du "cancre" que Daniel Pennac fut lui-même avant de devenir professeur. Un livre sur la douleur de ne pas comprendre.

« Ah ! Terribles sentinelles, les majuscules ! Il me semblait qu'elles se dressaient entre les noms propres et moi pour m'en interdire la fréquentation. Tout mot frappé d'une majuscule était voué à l'oubli instantané : villes, fleuves, batailles, héros, traités, poètes, galaxies, théorèmes, interdits de mémoire pour cause de majuscule tétanisante. Halte là, s'exclamait la majuscule, on ne franchit pas la porte de ce nom, il est trop propre, on n'en est pas digne, on est un crétin ! »

Le livre mêle ainsi des souvenirs autobiographiques à des réflexions sur l'école, les profs, la pédagogie, sur le rôle des parents et de la famille, sur la société actuelle, le jeunisme ambiant, le rôle de la télévision. Le tout donne un livre un peu fouillis, un joyeux fourre-tout aux chapitres courts qui rassemble un paquet d'idées à la profondeur inégale : banales et un peu faibles quand l'auteur s'insurge contre la société de consommation et le diktat des marques chez les jeunes, beaucoup plus intéressantes quand il met en parallèle son expérience de prof idéaliste et le mauvais élève qui le hante toujours.

Parfois un brin verbeux et presque moralisateur dans le dernier tiers du livre, Daniel Pennac le professeur, jamais dupe de lui-même, est alors judicieusement rappelé à l’ordre par le cancre Pennacchioni (le vrai nom de Pennac) en un dialogue entretenu avec l'enfant qu'il fut :

« - Moi, un jeune obèse désincarné ?
(Oh ! Bon dieu, le revoilà...)
- Qui te permet de parler à ma place ?
Nom d'un chien, pourquoi l'ai-je évoqué, ce cancre que je fus, cet indécrottable souvenir de moi-même ? J'arrive enfin à mes dernières pages, il me fichait la paix depuis cette conversation avec Maximilien, et voilà que je le rappelle à mon bon souvenir !
- Réponds-moi ! Qu'est-ce qui t'autorise à penser que si j'étais né il y a une quinzaine d'années, je serais le cancre hyperconsommateur que tu dis ?
Aucun doute, c'est bien lui, toujours à exiger des explications au lieu de fournir des résultats. Bon, allons-y :
- Et depuis quand ai-je besoin de ton autorisation pour écrire quoi que ce soit ?
- Depuis que tu dégoises sur les cancres ! En matière de cancrerie c’est moi l’expert, il me semble ! »

L'écriture spontanée, drôle et touchante de Daniel Pennac, associée à un style qui possède une malice et une tendresse piquante, font de son livre un témoignage à la fois léger et grave, potache et sérieux, à la nostalgie voilée. Un agréable moment de lecture.

______________________________

e%2040.gif Daniel Pennac, Chagrin d'école, éd. Gallimard, 2007, 304 pages, 19 €.

Du même auteur : Messieurs les enfants

17/08/2008

Le parfum d'Adam – Jean-Christophe Rufin (2007)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

43c7b5f53f7118636d5d3c9b0f034e41.gifPologne, printemps 2005. Juliette, jeune écolo française fragile et idéaliste, libère des animaux de laboratoire. Cette action militante apparemment relativement innocente va l'entraîner au coeur d'un complot sans précédent qui, au nom de la sauvegarde de la planète, prend pour cible l'espèce humaine. En parallèle deux ex-agents de la CIA passés dans le privé, Paul et Kerry, enquêtent sur un groupe d'écolo-terroristes baptisés les Nouveaux Prédateurs...

En France, l'écologie est considérée comme une cause acquise et sympathique. Pourtant le FBI considère l'écologie radicale comme la deuxième source de terrorisme mondial, après le fondamentalisme musulman. Entendons-nous bien, nous parlons ici d'une forme dure d'écologie, la "deep ecology", encore méconnue en France. Cette idéologie considère l'être humain comme le "prédateur suprême" et envisage son éradication au nom de la sauvegarde de la planète. Le roman de Jean-Christophe Ruffin a donc le mérite de rappeler au lecteur français, généralement ignorant de ce phénomène, l'histoire des mouvements théoriciens et des groupes d'action se rattachant à ce mouvement. Jean-Christophe Rufin dévoile les paradoxes et les dérives d'une pensée écologique radicale qui irait jusqu'à l'extrême bout de sa logique. Rufin explore ainsi les nouvelles réalités contemporaines, au carrefour de l'écologie, de la médecine, de l'extrémisme, du terrorisme et de la politique internationale.

Mais si je reconnais l'habileté de Rufin dans sa manière à la fois didactique et légère de faire comprendre les enjeux, j'avoue avoir trouvé le tout un brin longuet et pas vraiment haletant. En effet le livre à thèse affleure parfois de façon encombrante sous le roman d'espionnage. Et pour un roman qui se revendique "thriller", cela manque cruellement de souffle et de suspens. L'intrigue s'étire sur plus de 500 pages en une enquête effarante de facilité : les indices sont évidents, les intuitions des enquêteurs toujours exactes et, malgré la barbarie monstrueuse du complot, il est finalement déjoué sans trop de difficultés et sans une goutte de sang versée...

Si le roman de Jean-Christophe Ruffin présente un intérêt documentaire indiscutable, les sept pages de postface auraient suffi à nous sensibiliser à la problématique développée dans ce "thriller" trop fade pour être crédible.

  

BlueGrey

______________________________

Jean-Christophe Rufin, Le parfum d'Adam, éd. Flammarion, 2007, 538 pages, 20 €.

Florinette a elle beaucoup aimé.

21/05/2008

Terra Mater (Les guerriers du silence, tome 2) – Pierre Bordage (1994)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

ce8f2647f21f9730d64230d04211fcc7.gifA Syracusa les Scaythes se sont rendus indispensables au maintien de l'Empire et sont passés à une phase supérieure de leur plan : après les Scaythes Inquisiteurs, sondeurs des pensées, sont arrivés les Scaythes Effaceurs, qui annihilent la volonté des humains et leurs souvenirs. Tout semble prêt pour l'avènement du chaos et rien ni personne ne semble en mesure de l'arrêter. Pourtant, quelques individus, quelques inconscients, semblent reliés par un lien qui les attire irrésistiblement vers une petite planète bleue, une planète légendaire, la terre des origines, Terra Mater. Terra Mater, sur laquelle Tixu Oty et Aphykit se sont installés il y a seize années et sur laquelle ils ont rencontrés le jeune Shari. Tous les trois ont appris à maîtriser le voyage sur la pensée et sont devenus des Guerriers du Silence. Et c'est afin de rencontrer ces êtres légendaires qu'un garçon de huit ans, Jek At-Skin, entreprend un voyage improbable vers Terra Mater.

Voici donc le second tome de la trilogie Les guerriers du silence. Autant le dire tout de suite, mon sentiment concernant ce tome est bien moins enthousiaste que pour le premier.

Tout d'abord dans ce roman-ci les personnages principaux du volume précédent, Tixu et Aphykit notamment, jouent un rôle plutôt effacé. Alors que je m'étais attachée à eux dans le premier tome, il faut attendre le dernier quart du livre pour savoir ce qu'il advient d'eux ! Qu'à cela ne tienne, me direz-vous, il doit bien y avoir de nouveaux personnages tout aussi attachants dans ce roman. Certes. Une multitude de nouveaux personnages même. Un amoncellement époustouflant de personnages que l'auteur tue presque aussitôt. Dans Les guerriers du silence il ne fait particulièrement pas bon être un beau jeune ado, ni un vieux sage décrépit : c'est fou ce qu'il en meurt ! Le récit a ainsi une fâcheuse tendance à sombrer dans le sang et le stupre, avec un regrettable penchant à la pédophilie. J'imagine bien sûr que tout cela est censé marquer la déliquescence de la Confédération, mais cette banalisation de la pédophilie est vraiment déplaisante.

Enfin les exergues de début de chapitre dévoilent parfois les dénouements de certaines scènes à l'avance ! Certes, la solution est vite trouvée : ne pas les lire, tout simplement, mais enfin, j’ai tout de même trouvé cela assez agaçant !

Bref, mon intérêt a sooooombré durant ce récit... et ne s'est légèrement ranimé qu'en toute fin, juste à temps pour me décider à ouvrir le 3e tome (comme quoi Bordage sait ménager ses effets !).

La trilogie des guerriers du silence est aussi constituée de :
          - Les guerriers du silence (tome 1)
          - La citadelle Hyponéros (tome3)

  

BlueGrey

______________________________

Pierre Bordage, Les guerriers du silence, éd. L'Atalante, coll. Bibliothèque de l'évasion, 2005, 1636 pages, 45 €.

L'avis du biblioblog.

18/05/2008

Mal de pierres – Milena Agus (2006)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif Genre : amour, sexe et folie

ed0737f6760b7406c4438dd7a2951c78.gifVoici un roman un peu bizarre, au titre aussi énigmatique que son héroïne, une jeune Sarde étrange, une « vrai femme, avec ces beaux seins fermes, cette masse de cheveux noirs et ses yeux immenses ». La jeune femme détonne au sein de sa famille et de sa communauté, en Sardaigne et en pleine Seconde Guerre mondiale. Pensez donc : célibataire à 30 ans, elle est déjà vieille fille ! Elle est pourtant entourée de jeunes hommes qui pourraient demander sa main, mais elle tarde à trouver un mari car elle a un caractère de cochon et une sorte de folie dans le regard. De plus elle écrit des poèmes érotiques à ses prétendants tout en ne rêvant que de l'amour fou et absolu !

Et puis on comprend, petit à petit, au détour d'un mot, d'une phrase allusive, que la jeune femme est un peu plus que simplement fantasque et rêveuse. Elle semble en décalage permanent, comme à contretemps, toujours à côté de sa propre vie. En fait, peu à peu, l'héroïne se révèle bel et bien "dérangée", comme on dit. Mais quel panache dans la folie ! Le terme d'ailleurs n'est jamais utilisé : il serait réducteur. Car elle n'est pas aliénée : c'est une passionnée, violente, excessive, fragile et sensible, parfois indifférente au monde, souvent mutique et distraite, toujours d'une liberté totale à l'égard de ce qui se fait ou pas:

« "Bonjour, princesse."
Et ma grand-mère riait, émue et heureuse :
"Princesse de quoi ?" […]
"Une princesse. Vous vous comportez comme une princesse. Vous ne vous souciez pas du monde autour de vous, c'est le monde qui doit se soucier de vous. Votre seule tâche est d'exister. C’est bien ça ?" »

Et cette originalité, cette liberté, loin de faire d'elle une marginale, la rend attachante, bouleversante même. Pleine de sensualité, celle qui voit dans l'amour « la chose la plus importante » finit par le trouver, et c'est cette histoire qu'elle écrit dans un petit cahier noir à tranche rouge qui sera retrouvé par sa petite-fille, la narratrice de cette saga familiale.

En arrière-plan, les personnages secondaires sont peints par petites touches d'une grande finesse : le mari, épousé par raison pendant la Seconde Guerre, sensuel taciturne à jamais mal connu ; le Rescapé, brève rencontre sur le Continent, à l'empreinte indélébile ; le fils, inespéré, futur pianiste virtuose ; enfin la petite-fille, confidente post-mortem de son énigmatique grand-mère...

Avec une liberté de ton et une écriture délicieusement irrévérencieuse, Milena Agus dresse un portrait de femme sensible et libre, sans cesse tiraillée entre la raideur d'une société conventionnelle et la légèreté avec laquelle elle réenchante sa propre vie. Que j'aime les personnages comme elle, entiers et décalés, "en marge" et sans concessions ! Jusqu'à la dernière page, Milena Agus entretient le mystère de cette femme à travers un récit à deux voix (celle de l'héroïne et celle de sa petite-fille), jusqu'à l'ultime page qui transfigure la chronique familiale en magistrale métaphore de l'emprise que l'imaginaire peut avoir sur le réel.

« Dans chaque famille, il y a toujours quelqu'un qui paie son tribut pour que l'équilibre entre ordre et désordre soit respecté et que le monde ne s'arrête pas ».

______________________________

Milena Agus, Mal de pierres (Mal di pietre), traduit de l'italien par Dominique Vittoz, éd. Liana Lévi, 2006, 123 pages, 13 €.

Les avis de Papillon, Cuné, Biblioblog, Sylire, Lilly, Chimère, Bernard, Gachucha, Tamara, BMR & MAM, Anne...

02/05/2008

Métropolitain – Yan Marchand (2007)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

e47c992cbd510f17dca6a5fa6479fd67.gifRomuald est petit. Et laid. Et il le sait. Et il en est complexé, ce qui le rend cynique, ce qui le rend antipathique, ce qui le rend misanthrope. Il dégoutte, fait rire, choque, mais ne plaît pas, ça non ! Et surtout pas à sa collègue, la jolie Marie, qu'il passe son temps à mater, ostensiblement, histoire de la mettre mal à l'aise, en guise de petite vengeance mesquine.

C'est à la sortie du métropolitain que, pour la première fois, le chien a mordu Romuald. Le chien l'a suivi jusqu'à la banque, griffant et mordillant son ourlet et son mollet. Le soir, il l'a suivi de la banque à chez lui, mâchonnant toujours. Et le lendemain matin, le chien l'attendait derrière la porte de son appartement... Alors, il a bien fallu qu'il trouve un moyen de s'en débarrasser, de cet harceleur de chien ! Mais quand enfin il s'en est libéré, voilà que les gens autour de lui adoptent un comportement étrange, inexplicable, à coup de dents et de griffes !

Derrière un style serré et un humour sardonique, on découvre un texte étrange, un univers décalé et déroutant, entre fantastique et absurde. Une histoire de solitude et de manipulation, une histoire pas très plaisante, plutôt dérangeante. De celles dont on ressort quelque peu mal à l'aise, avec un mauvais goût qui reste au fond de la gorge. Force est alors de reconnaître l'habilité de l'auteur pour mettre en place l'engrenage infernal de la malédiction de Romuald et nous mener au bord de l'écœurement. Le format de ce récit, entre longue nouvelle et court roman, permet à l'auteur de développer son idée sans l'affadir, bien que l'on puisse regretter le final très abrupt.

Pour finir, je tiens à souligner la qualité de la maquette de cet ouvrage. Je suis très sensible au livre en tant qu'objet et celui-ci est très réussi, avec une illustration de couverture qui rend parfaitement compte de l'ambiance du livre, et un inhabituel mais bienvenu bonus en fin d'ouvrage présentant l'auteur et l'illustrateur. Bravo donc à la jeune maison d'édition « Griffe d'Encre » : c'est de la belle ouvrage que voilà !

  

BlueGrey

_____________________________

Yan Marchand, Métropolitain, éd. Griffe d'Encre, coll. Novella, 2007, 45 pages, 7 €.

L'avis de Chimère sur ce livre et, pour en savoir plus, le site des éditions Griffe d'Encre.