03/08/2010
Lignes de faille – Nancy Huston [2006]
2004, 1982, 1962, 1944.
Californie, Israël, Canada, Allemagne.
Sol, Randall, Sadie, Kristina.
Quatre époques, quatre lieux, quatre enfants, quatre destins pour un roman à rebours. Chaque enfant, en un monologue intérieur, se raconte l'année de ses 6 ans. Et du petit garçon à son arrière-grand-mère, chaque génération subit les séismes intimes de l'enfance, en partie déclenchés par la génération précédente, et mêlés à ceux de l'Histoire.
La grande réussite de ce roman est d'avoir su donner à chaque enfant une voix et une personnalité propre et crédible, et en partie façonné par la génération précédente. De ces quatre portraits, deux se détachent plus particulièrement : Découvrir la suite...
12:45 | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : lignes de faille, nancy huston, etats-unis, californie, israël, canada, allemagne, seconde guerre mondiale, guerre, enfance, famille, résilience
30/09/2009
Magnus – Sylvie Germain (2005)
« Il sourit, d'un air las, amer, car lui aussi, lui plus que quiconque, aimerait savoir qui il est exactement. Pour l'heure, il sait seulement qui il n'est pas, qui il n'aura jamais été et ne croira plus jamais être : le fils des Dunkeltal. Une délivrance. Mais il se sent un défroqué – de son nom d'emprunt, de sa fausse filiation –, avec pour toute identité de remplacement, le nom d'un ours en peluche. Un nom que, faute de mieux, comme dans le passé, il se réapproprie.
Magnus. Alias Magnus. Sous ce vocable fantaisiste, il décide d'entrer enfin dans l'âge d'homme. »
Ce roman est l'histoire d'une quête identitaire, celle du personnage principal, que nous allons appeler Magnus. Magnus a grandi en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, mais de sa petite enfance, avant ses 5 ans, il ne lui reste aucun souvenir, sa mémoire est totalement vide. Il ne lui reste de cette période que son ours en peluche qui porte autour du cou un mouchoir brodé à son nom en lettres bariolées : Magnus. Découvrir la suite...
00:38 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : littérature française, enfance, identité, filiation, guerre, seconde guerre mondiale
26/09/2009
A l'Ouest rien de nouveau – Erich Maria Remarque (1929)
A travers le témoignage d'un soldat allemand de la Première Guerre mondiale, A l'Ouest rien de nouveau constitue un magnifique, poignant et tragique manifeste pacifiste.
Ecrit à la première personne, au présent, on y suit un simple soldat, presque un enfant, qui s'est engagé volontaire à 17 ans en même temps que toute sa classe, sous les exhortations de son professeur. Il ne raconte pas de vastes mouvements de troupes ou des offensives et contre-offensives ; on ne sait trop ce qui se passe sur l'ensemble du front, encore moins ce que décident les états-majors. Simplement, avec une sobriété qui en souligne l'horreur, il raconte la vie quotidienne au front et dans les tranchées : la pluie, la boue, la vermine, les bombardements, les gaz, les veilles, les attaques au petit jour, les nuits en flammes... Avec, parfois, de minuscules plaisirs qu'il faut savoir saisir pour ne pas sombrer dans le désespoir ou la folie, et parce qu'on n'est pas sûr de voir le lendemain ni l'heure qui vient.
Et partout, toujours, à chaque instant, l'omniprésence de la mort. La même bien sûr de chaque côté des lignes.
À l'ouest rien de nouveau est un roman réaliste et bouleversant, une sobre dénonciation du non-sens de la guerre par un récit qui restitue avec intensité l'atroce brutalité de la Grande Guerre.
« Le silence se prolonge. Je parle, il faut que je parle. C'est pourquoi je m'adresse à lui, en lui disant : "Camarade, je ne voulais pas te tuer. Si, encore une fois, tu sautais dans ce trou, je ne le ferais plus, à condition que toi aussi tu sois raisonnable. Mais d'abord tu n'as été pour moi qu'une idée, une combinaison née dans mon cerveau et qui a suscité une résolution ; c'est cette combinaison que j'ai poignardée. A présent je m'aperçois pour la première fois que tu es un homme comme moi. J'ai pensé à tes grenades, à ta baïonnette et à tes armes ; maintenant c'est ta femme que je vois, ainsi que ton visage et ce qu'il y a en nous de commun. Pardonne-moi, camarade. Nous voyons les choses toujours trop tard. Pourquoi ne nous dit-on pas sans cesse que vous êtes, vous aussi, de pauvres chiens comme nous, que vos mères se tourmentent comme les nôtres et que nous avons tous la même peur de la mort, la même façon de mourir et les mêmes souffrances ? Pardonne-moi, camarade ; comment as-tu pu être mon ennemi ? Si nous jetions ces armes et cet uniforme tu pourrais être mon frère, tout comme Kat et Albert. Prends vingt ans de ma vie, camarade, et lève-toi... Prends-en davantage, car je ne sais pas ce que, désormais, j'en ferai encore." »
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Erich Maria Remarque, A l'Ouest rien de nouveau (Im Westen nichts Neues), traduit de l'allemand par Alzir Hella et Olivier Bournac, éd. Le livre de poche, 1973 (1929), 219 pages, 5 €.
Thème : un classique
Chez les copines : ALaure, Anjelica, Ankya, Choupynette , Erzébeth, Etoiledesneiges, Ofélia, YueYin.
16:45 Publié dans => Lire & délires | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature allemande, guerre, soldat, première guerre mondiale
26/02/2009
Le Bois des Vierges (tome 1) – Jean Dufaux & Béatrice Tillier (2008)
Cela aurait dû être une belle journée, une journée historique... L'union entre Aube, fille du puissant seigneur Arcan, et le valeureux chef de guerre Loup-de-Feu, devait enfin mettre terme au sanglant conflit ancestral opposant Hommes et Bêtes de "Haute Taille". Mais cette alliance "Poil et Peau" durera peu car Loup-de-feu est assassiné sur son lit de noce et Aube fuit pour se réfugier dans le mystérieux Bois des Vierges. Une guerre sans merci s'engage alors entre les deux clans, Bêtes de Haute Taille contre Hommes, chacun voulant l'emporter et ce, par tous les moyens. Les premiers décident de faire appel à Loup-Gris, leur ancien commandant banni car marié à une goupil, une "Basse Taille". Les seconds envoient un messager demander l'aide du seigneur Clam, grand chasseur de loups...
Le Bois des Vierges nous emmène ainsi au cœur d'un conflit qui oppose les Hommes aux Bêtes, et ce qui pourrait paraître burlesque (des animaux doués de parole, portant habits à fraise et marchant sur deux pattes) ne l'est absolument pas, tant le dessin et les couleurs sont superbes ! Le décor minutieusement détaillé (architecture et costumes), les faciès (humains mais aussi animaliers) expressifs, les scènes de batailles incandescentes rendent crédible l'incongru et ancrent le récit dans une époque et un environnement bien déterminé et réaliste (la Renaissance tardive). De plus le scénario est habillement mené, jouant sur l'alternance et l'opposition entre les points de vue des deux races, et le découpage des cases, style cadrage cinématographique, plonge le lecteur au cœur de l'action trépidante. Seul bémol, la richesse complexe du scénario, parfois un brin confus, et qui se trouve un peu étriqué dans un format de 54 planches.
Toutefois cet album réussit la gageure d'initier de façon prometteuse un foisonnant conte épique qui allie avec justesse un décor historique à un univers fantastique. Enfin, reconnaissons une certaine frustration une fois l'album refermé, quant à ce qu'est et ce qui se trame dans le fameux Bois des Vierges qui garde tout son mystère... pour le prochain tome !
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Le Bois des Vierges (tome 1)
Scénario de Jean Dufaux, dessin et couleurs de Béatrice Tillier.
Ed. Robert Laffont, dépot légal 02/2008, 54 plaches, 13,95 €.
21:27 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : bd, loups, guerre
29/11/2008
Effroyables jardins – Michel Quint (2000)
C'est l'histoire d'un garçon qui a honte de son père, un instituteur qui, à ses heures perdus, fait le clown amateur.
« Aussi loin que je puisse retourner, aux époques où je passais encore debout sous les tables, avant même de savoir qu'ils étaient destinés à faire rire, les clowns m'ont déclenché le chagrin. Des désirs de larmes et de déchirants désespoirs, de cuisantes douleurs, et des hontes de paria.
Plus que tout, j'ai détesté les augustes. Plus que l'huile de foie de morue, les bises aux vieilles parentes moustachues et le calcul mental, plus que n'importe quelle torture d'enfance. »
Jusqu'à ce dimanche après-midi où l'oncle Gaston, dans son patois du Nord, va révéler à l'adolescent sarcastique le sens de l'étrange vocation de son père. Une histoire de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale dont ils sont, le père et l'oncle, les protagonistes. Une de ses nombreuses petites histoires qui alimentent la Grande Histoire. Une histoire faite de gens simples, pas de héros. L'histoire de la rencontre entre un groupe de quatre otages français condamnés à mort et leur gardien allemand qui, pour tenir l'horreur à distance, a fait le clown.
Et le jeune garçon qui s'exaspérait de la médiocrité des adultes découvre la grandeur des hommes ordinaires et le pourquoi du costume de clown que son père revêt en un acte de mémoire, un acte de déférence.
Un style économique mais étincelant, une langue familière et expressive : Michel Quint livre ici, avec tendresse et pudeur, un récit tragicomique court et lumineux où l'essentiel se lit entre les lignes et où humour et dérision évitent le sentimentalisme. Son récit est une merveille de concision et d'intelligence, soixante pages à peine pour un condensé d'humanité.
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Michel Quint, Effroyables jardins, éd. Joëlle Losfeld, 2000, 62 pages, 5,50 €.
Les avis de Lily, Kalistina, Papillon, Karine :) et Laurence du Biblioblog.
14:16 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : effroyables jardins, michel quint, littérature française, clown, guerre, résistance, seconde guerre mondiale