15/11/2011
Impardonnables – Philippe Djian [2009]
Francis, écrivain sexagénaire, ancien abonné au succès, a perdu sa femme et l'une de ses filles dans un terrible accident de voiture, une dizaine d'années auparavant. Aujourd'hui, installé au pays basque avec sa nouvelle épouse, Judith, il s'occupe de loin en loin de sa seconde fille Alice, comédienne, et de ses petites-filles, Anne-Lucie et Lucie-Anne. Il vivote tant bien que mal des ultimes retombées de ses triomphes déjà anciens et aimerait se replonger dans l'écriture.
Mais au fil du récit, la vie de Francis va basculer : Découvrir la suite...
14:36 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : philippe djian, littérature française, littérature contemporaine, pardon, famille
27/10/2011
Désolations – David Vann [2011]
Caribou Island est un îlot désert au milieu d'un lac glaciaire, en Alaska. C'est un endroit perdu à la beauté sans pitié. Après avoir élevé leurs enfants sur les bords du lac, Gary et Irène ont décidé de s'installer sur cette île, dans une cabane de rondins qu'ils construiront de leurs mains. Gary en rêve depuis toujours. Irène, en dépit d'inexplicables maux de tête qui ne lui laissent aucun répit, le suit dans son projet fou pour ne pas le perdre. Entraînée malgré elle dans l'obsession de son mari, elle le voit peu à peu s'enliser dans son projet démesuré. Leur fille Rhoda, tout à ses propres rêves de famille, devient le témoin du face-à-face de ses parents, tandis que s'annonce un hiver précoce et violent qui rendra l'îlot encore plus inaccessible...
Désolations est un roman choral où les personnages (tous assez détestables) prennent la parole chacun leur tour, chapitre après chapitre. Ils vont par couples, ou plutôt par paires, lesquelles se disloquent lentement... Car après la relation père-fils dans Sukkwan Island, dans Désolations David Vann sonde l'impitoyable univers familial et interroge le couple. Il suit plus particulièrement les dérives d'un couple à bout de souffle, Gary et Irène. Déçu par sa vie, Gary vient chercher sur son îlot désert une sorte de rédemption, une manière de se mesurer au monde pour enfin se trouver, entraînant à sa suite sa femme et, par ricochet, sa fille Rhoda. Et tant pis si sa famille se désagrège, et tant pis (ou tant mieux ?) si sa femme n'arrive plus à le suivre. Mais tandis que Gary s'enlise dans son projet chimérique, Irène tient bon, elle voit le désastre arriver, mais elle s'accroche malgré tout, et continue à le soutenir. A la dérive du couple Gary-Irène fait écho celle qui touchera bientôt le couple de Rhoda et de son ami Jim. Et les tourments des couples et leur folie entrent peu à peu en résonance avec la grandeur des décors et la fureur des éléments qui se déchaînent.
Portraits de vies déçues et de rêves brisés, Désolations dépeint les relations tumultueuses et destructrices qui parfois se nouent entre les êtres. Des êtres qui se débattent entre vérité et mensonges, reniements intimes, choix et contraintes, espoir et désillusions... Désolations explore les âmes, sonde les cœurs et les esprits jusqu'à mettre en évidence les sentiments les moins avouables, ceux que les personnages se cachent à eux-mêmes.
Désolations est le récit haletant d'une tragédie glaçante, implacable. C'est un roman fort, à l'angoisse insidieuse, qui se diffuse lentement, crescendo, jusqu'au choc d'une chute certes attendue mais de plus en plus redoutée au fil des pages.
Désolations un roman saisissant sur l'amour, et la solitude.
______________________________
David Vann, Désolations (Caribou Island), traduit de l'américain par Laura Derajinski, éd. Gallmeister, coll. Nature Writing, 2011, 296 pages, 23 €.
Du même auteur : Sukkwan Island
Ce livre m'a été envoyé dans le cadre de l'opération de Priceminister "Les matchs de la Rentrée littéraire".
07/06/2011
La reine de l'Idaho – Thomas Savage [1977]
Une simple lettre va bouleverser la vie de Thomas Burton, modeste écrivain cinquantenaire : une inconnue prétend être sa sœur... S'en suit une fouille acharnée dans les souvenirs et les non-dits familiaux. Thomas s'efforce de retracer l'existence de ceux qu'il croyait connaître : sa mère à la beauté altière, morte depuis longtemps déjà ; son père, un excentrique qui s'est contenté de lui donner son nom ; et surtout Emma, sa grand-mère maternelle, la fameuse reine du mouton... Petit à petit, des pans de silence s'effacent, destins extraordinaires et vies brisées se mêlent, et les drames familiaux enfin élucidés rendent la paix à la mémoire des morts.
12:50 Publié dans => Challenge 100 ans de littérature américaine | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : thomas savage, littérature américaine, etats-unis, montana, idaho, éleveurs, élevage, moutons, secret, famille, challenge, challenge littérature américaine
25/08/2010
La ballade d'Iza – Magda Szabó [1963]
Pour mon séjour à Budapest, j'ai cherché à emporter une lecture de circonstance. Après quelques recherches dans les rayonnages de ma médiathèque, j'ai opté pour un ouvrage de Magda Szabó, une grande dame des lettres hongroises encore méconnue en France malgré son Prix Femina étranger 2003 pour son roman La Porte. Ce n'est toutefois pas ce livre-là que j'ai emporté, mais La ballade d'Iza :
Dans les années 1960, dans sa maison de la Grande Plaine hongroise, Mme Szöcs attend d'aller à l’hopital : son mari est en train de mourir. Sur place, Vince ne la reconnaît pas, et sa dernière phrase est destinée à Iza, leur fille bien-aimée. Une fois son père enterré, Iza emmène sa mère vivre avec elle dans son appartement de Budapest. Elle a tout décidé, fait le tri entre meubles et objets à garder et à abandonner, arrangé la chambre qui doit accueillir sa mère, sans demander à la vieille dame (qui pourra « enfin se reposer ») ni son avis ni ses envies. Mais peu à peu la fragile vieille dame se pétrifie dans la non-existence qui lui est ainsi offerte, jusqu'au jour où elle décide de retourner dans son village afin de faire élever une stèle sur la tombe de son mari...
La grande qualité de ce roman tient dans ses personnages, tous dépeints avec finesse et pudeur, sans jugement de valeur. Et en tout premier lieu le vieux Vince, un homme intègre, un ancien magistrat longtemps écarté de son poste pour avoir prononcé un jugement qui avait déplu au régime. Magda Szabó en brosse un portrait magnifique ! Tout aussi attendrissante, son épouse est une petite bonne femme effacée, une bonne fée discrète, économe, qui dans l'adversité a fait preuve d'une détermination pugnace pour maintenir sa famille à flot. A la mort de Vince, elle s'agrippe tout autant à son vieux cabas usé qu'à ses souvenirs, mais quand elle doit quitter son village pour s'installer à Budapest, dans le petit appartement d'Iza, c'est un cruel déracinement que lui impose sa fille. Dans cette ville froide, la vieille dame désœuvrée se sent terriblement seule, comme exilée, sans jamais s'en ouvrir à sa fille Iza qu'elle ne veut en aucune façon inquiéter, ou contrarier, et qui s'échine à rendre sa mère heureuse malgré elle. Enfin donc Iza, qui certes adore ses parents mais qui, dans sa logique de contrôle absolu, et persuadée de faire au mieux pour le bien-être de sa mère, ne se rend pas compte de la détresse de cette dernière. Quant aux personnages secondaires (Antal, l'ex-mari d'Iza ; Lidia l'infirmière ; Domokos, l'amant d'Iza), ils sont tout aussi remarquables.
Mais le cœur de l'intrigue reste les relations entre un père, une mère, une fille. Vince, Etelka, Iza, trois êtres qui s'aiment passionnément sans savoir s'aimer "correctement". Entre ces trois êtres, Magda Szabó tisse une relation subtile, faite de tendresse infinie, de pudeur, de non-dit, et bien souvent d'incompréhension. Ou comment, parfois, pourtant pétri de bonnes intentions, on en vient à mal-aimé ceux que l'on aime le plus... Un roman qui interroge sur notre capacité (ou incapacité) à rendre l'autre heureux, un roman sur la difficulté d'aimer.
C'est beau et touchant, et pudique, d'une finesse psychologique rare, tenu par une construction et un rythme impeccables, et une écriture précise, sobre, délicate, intime et mélancolique. Une merveille dont il serait grand dommage de se passer !
______________________________
Magda Szabó, La ballade d'Iza (Pilátus), traduit du hongrois par Tibor Tardös, éd. Viviane Hamy, 2005 (1963), 261 pages, 21,50 €.
09:26 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : la ballade d'iza, magda szabó, littérature hongroise, hongrie, budapest, famille, relations mère-fille
03/08/2010
Lignes de faille – Nancy Huston [2006]
2004, 1982, 1962, 1944.
Californie, Israël, Canada, Allemagne.
Sol, Randall, Sadie, Kristina.
Quatre époques, quatre lieux, quatre enfants, quatre destins pour un roman à rebours. Chaque enfant, en un monologue intérieur, se raconte l'année de ses 6 ans. Et du petit garçon à son arrière-grand-mère, chaque génération subit les séismes intimes de l'enfance, en partie déclenchés par la génération précédente, et mêlés à ceux de l'Histoire.
La grande réussite de ce roman est d'avoir su donner à chaque enfant une voix et une personnalité propre et crédible, et en partie façonné par la génération précédente. De ces quatre portraits, deux se détachent plus particulièrement : Découvrir la suite...
12:45 | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : lignes de faille, nancy huston, etats-unis, californie, israël, canada, allemagne, seconde guerre mondiale, guerre, enfance, famille, résilience