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25/08/2010

La ballade d'Iza – Magda Szabó [1963]

Pour mon séjour à Budapest, j'ai cherché à emporter une lecture de circonstance. Après quelques recherches dans les rayonnages de ma médiathèque, j'ai opté pour un ouvrage de Magda Szabó, une grande dame des lettres hongroises encore méconnue en France malgré son Prix Femina étranger 2003 pour son roman La Porte. Ce n'est toutefois pas ce livre-là que j'ai emporté, mais La ballade d'Iza :

La ballade d Iza.gifDans les années 1960, dans sa maison de la Grande Plaine hongroise, Mme Szöcs attend d'aller à l’hopital : son mari est en train de mourir. Sur place, Vince ne la reconnaît pas, et sa dernière phrase est destinée à Iza, leur fille bien-aimée. Une fois son père enterré, Iza emmène sa mère vivre avec elle dans son appartement de Budapest. Elle a tout décidé, fait le tri entre meubles et objets à garder et à abandonner, arrangé la chambre qui doit accueillir sa mère, sans demander à la vieille dame (qui pourra « enfin se reposer ») ni son avis ni ses envies. Mais peu à peu la fragile vieille dame se pétrifie dans la non-existence qui lui est ainsi offerte, jusqu'au jour où elle décide de retourner dans son village afin de faire élever une stèle sur la tombe de son mari...

La grande qualité de ce roman tient dans ses personnages, tous dépeints avec finesse et pudeur, sans jugement de valeur. Et en tout premier lieu le vieux Vince, un homme intègre, un ancien magistrat longtemps écarté de son poste pour avoir prononcé un jugement qui avait déplu au régime. Magda Szabó en brosse un portrait magnifique ! Tout aussi attendrissante, son épouse est une petite bonne femme effacée, une bonne fée discrète, économe, qui dans l'adversité a fait preuve d'une détermination pugnace pour maintenir sa famille à flot. A la mort de Vince, elle s'agrippe tout autant à son vieux cabas usé qu'à ses souvenirs, mais quand elle doit quitter son village pour s'installer à Budapest, dans le petit appartement d'Iza, c'est un cruel déracinement que lui impose sa fille. Dans cette ville froide, la vieille dame désœuvrée se sent terriblement seule, comme exilée, sans jamais s'en ouvrir à sa fille Iza qu'elle ne veut en aucune façon inquiéter, ou contrarier, et qui s'échine à rendre sa mère heureuse malgré elle. Enfin donc Iza, qui certes adore ses parents mais qui, dans sa logique de contrôle absolu, et persuadée de faire au mieux pour le bien-être de sa mère, ne se rend pas compte de la détresse de cette dernière. Quant aux personnages secondaires (Antal, l'ex-mari d'Iza ; Lidia l'infirmière ; Domokos, l'amant d'Iza), ils sont tout aussi remarquables.

Mais le cœur de l'intrigue reste les relations entre un père, une mère, une fille. Vince, Etelka, Iza, trois êtres qui s'aiment passionnément sans savoir s'aimer "correctement". Entre ces trois êtres, Magda Szabó tisse une relation subtile, faite de tendresse infinie, de pudeur, de non-dit, et bien souvent d'incompréhension. Ou comment, parfois, pourtant pétri de bonnes intentions, on en vient à mal-aimé ceux que l'on aime le plus... Un roman qui interroge sur notre capacité (ou incapacité) à rendre l'autre heureux, un roman sur la difficulté d'aimer.

C'est beau et touchant, et pudique, d'une finesse psychologique rare, tenu par une construction et un rythme impeccables, et une écriture précise, sobre, délicate, intime et mélancolique. Une merveille dont il serait grand dommage de se passer !

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e%2035.gifMagda Szabó, La ballade d'Iza (Pilátus), traduit du hongrois par Tibor Tardös, éd. Viviane Hamy, 2005 (1963), 261 pages, 21,50 €.