Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/01/2010

La pluie, avant qu'elle tombe – Jonathan Coe [2007]

La pluie avant qu elle tombe.gifRosamond vient de mourir. A sa nièce Gill, elle lègue la mission de retrouver Imogen afin de lui remettre une vingtaine de photographies ainsi qu'une série de cassettes audio. Ne retrouvant pas Imogen, Gill va écouter les cassettes sur lesquelles sa tante raconte, à partir des photographies, et des années 40 à aujourd'hui, son histoire familiale. L'histoire de quatre générations de femmes maltraitées par leur mère : Ivy qui préféra son caniche Bonaparte à sa fille Beatrix, laquelle vit dans sa fille Thea la source de tous ses errements, laquelle fut contrainte de confier sa petite Imogen, aveugle, à une famille d'adoption. Rosamond dévoile ainsi, cliché après cliché, anecdotes après souvenirs, l'envers des sourires affichés : des mères égarées, des filles perdues, des femmes au-delà de toute consolation, et le désamour maternel dont on ne guérit jamais.

Je connaissais Jonathan Coe pour ses romans réalistes et satiriques, critiques sociales ou politiques relevées d'un humour caustique empreint de cynisme. Des romans à la construction complexe, avec une intrigue sophistiquée, un décor social très détaillé, une multiplicité de personnages liés les uns aux autres par un écheveau dense de relations. Avec La pluie, avant qu'elle tombe, il change radicalement de registre. Il propose ici un roman court, à la construction simple (20 photos, 20 chapitres), au style épuré. Il nous livre un mélodrame méditatif, une épopée intimiste, le portrait touchant d'une lignée de femmes marquées par le désamour et qui, de mères à filles, semblent se léguer le malheur en héritage.

Les critiques ont presque unanimement salué la "virtuosité" de ce livre "poignant" : j'ose à peine écrire que j'ai été un peu déçue... Certes, Jonathan Coe est un bon écrivain, ses personnages sont dessinés avec finesse, mais le procédé narratif, très rigide, cette succession de photos dont la description structure le roman, m'est apparu comme un "exercice de style" qui alourdit le récit. De plus la révélation finale est un peu décevante puisqu'on la devine en amont. Et alors que cette histoire est de bout en bout tragique, elle ne m'a finalement que peu touchée. Peut-être trop "bluette" ? Et à aucun moment je n'ai retrouvé cet humour sarcastique que j'aime tant chez Coe...

Reste qu'il se dégage de cette histoire douce-amère une certaine atmosphère, mélancolique, désenchantée, une douceur sous la grisaille, presque confortable, et en même temps nimbée de chagrin. Le tout lié à une réflexion sur le temps qui passe, sur les occasions manquées : au fil de la narration, au fil des générations, se pose la question des hasards, de la destinée, des coïncidences, des drames à répétition. Hasard ou destin, qu'est-ce qui régit nos vies ? Le destin a-t-il un sens ou n'est-ce qu'une chimère, comme la pluie, avant qu'elle tombe : « Il faut qu'elle tombe, sinon ce n'est pas de la pluie », explique Rosamond à Thea, enfant. « Bien sûr que ça n'existe pas, elle a dit. C'est bien pour ça que c'est ma préférée. Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas vrai ? »

______________________________

e%2020.gif Jonathan Coe, La pluie, avant qu'elle tombe (The rain before it falls), traduit de l'anglais par Jamila et Serge Chauvin, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 2009 (2007), 248 pages, 19,50 €.

Du même auteur : Les Nains de la Mort, Testament à l'anglaise & La Maison du sommeil.

07/01/2009

Une sale rumeur – Anne Fine (1998)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

Une sale rumeur.gifLiddy, Stella, Bridie et Heather sont quatre sœurs extrêmement liées, bien qu'aux caractères très différents. Elles forment un véritable clan, soudé et fort. Elles habitent la même ville, se voient souvent et  se téléphonent encore plus. Elles partagent joies et peines, anxiétés et réussites. Elles n'ont aucun secret les unes pour les autres. A ce qu'il paraît.

Jusqu'au jour où Stella, qui a eu vent d'une vague rumeur -invérifiée et surement infondée- de pédophilie au sujet du fiancé de Liddy, en parle à Bridie. Celle-ci, assistante sociale, est catégorique : il faut alerter Liddy au plus vite, même au risque de détruire son tout nouveau bonheur. Mais Stella n'en est pas convaincue, Heather non plus. Leurs discussions s'enveniment, raniment les anciens conflits. Finalement, Bridie obtient gain de cause et révèle la rumeur à sa sœur, "pour son bien" évidement, mais la réaction de Liddy, d'une grande violence, n'est pas celle escomptée : elle accuse sa sœur de mentir, d'inventer pour ternir son bonheur et du jour au lendemain, coupe tout contact. Et Bridie se retrouve esseulée, mise à l'écart par ses sœurs.

 

Contrairement à ce que peut laisser présager son titre en français, le sujet de ce roman n'est pas de dénoncer la violence et les méfaits du "bruit qui court" et qui peut sur son passage détruire l'existence de sa victime. Pour Anne Fine, la rumeur n'est qu'un prétexte. En imposant un choix aux sœurs -parler ou se taire- elle est le révélateur de dissonances familiales sous l'hypocrite façade de "famille idéale". Anne Fine se sert donc de ce prétexte pour mener une sorte d'étude-critique des rapports familiaux : rapports de force qui peuvent exister entre les membres d'une fratrie, jalousie, rancœurs et méchanceté qui peuvent aussi parfois être à l'œuvre, hypocrisies, renoncements et non-dits auxquels il faut se livrer pour conserver l'illusion de former une famille...

Hélas ! Le trait est bien trop forcé pour être crédible. Les personnages sont sans nuances, (stéréotypes de femme au foyer ou de femme d'affaires) et leurs actions et réactions outrancières. Quant aux dialogues, ils sont répétitifs et convenus. Bref, tout (situations, actions et personnages) est lourd et exagéré dans ce roman qui manque de finesse, de tendresse et de drôlerie alors que le sujet pouvait s'y prêter. L'auteur semble avoir uniquement basé son récit sur la cruauté des situations et des personnages qui oscillent entre insupportable apitoiement et colère démesurée.

Par exemple, dans toute la partie centrale du roman, entre le moment de la révélation à Liddy et le moment du revirement de Bridie, on fait du surplace : Bridie se lamente indéfiniment sur sa mise à l'index et met une éternité à en comprendre la raison sous-jacente alors que le lecteur la comprise depuis, pfff, bien longtemps déjà. Et Bridie tombe alors d'un excès à l'autre : alors que jusque-là elle avait basé sa vie entière sur ses relations avec ses sœurs au détriment même de son mari et de ses fils, la voilà qui renie sa fratrie et met en place, sans aucun scrupule, une vengeance bien ignominieuse.

Alors quoi ? La "morale" de ce roman serait que toute famille qui semble idyllique ne serait en fait que pourriture intrinsèque ? Il n'y a donc pas de place à l'entre-deux, à la nuance, à la finesse, chez Anne Fine ? Il semblerait que non. Dommage.

 

BlueGrey

______________________________

Anne Fine, Une sale rumeur (Telling Liddy), traduit de l'anglais par Dominique Kluger, éd. de l'Olivier, 1998, 267 pages, 16,77 €.

Jules a abandonné à la page 172 !

07/10/2008

Impuretés – Philippe Djian [2005]

Impuretés.gifEvy est un ado, avec ses corollaires : un peu largué, pas mal désœuvré, bien mal dans sa peau, totalement obsédé et entièrement désabusé. Et mutique. Surtout mutique. Alors que tout le monde autour de lui, son père ex-écrivain et ex-drogué, sa mère ex-star de cinéma prête à tout pour un come-back, son grand-père psychanalyste retraité, ses amis, ses camarades, ses professeurs, ses voisins, même ses plus vagues connaissances, tout le monde attend de lui qu'il parle. Qu'il raconte ce qui c'est passé. Comment sa sœur, Lisa, s'est-elle noyée. Mais Evy se tait. « C'était un accident. » En savoir plus...

01/08/2008

Un secret – Philippe Grimbert [2004]

980d1abbfb4223cd3a0076e677f3c5b3.gif« Fils unique, j'ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes relations de vacances, à mes amis de passage. J'avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible. »

Dès les premiers mots de son roman autobiographique, le psychanalyste Philippe Grimbert nous enchante et nous enchaîne. Car tout, le style élégant et dépouillé, le ton sobre et pudique, la sensibilité et l'émotion contenue, la construction du récit en un lent cheminement du narrateur dans sa quête de vérité, cette longue et respectueuse exploration d'un secret de famille, tout sonne juste. On comprend vite que ce roman est de ceux qui hantent longtemps la mémoire de celui qui s'y plonge. Et je voudrais tant convaincre ceux qui ne l'ont pas encore ouvert de le faire ! Mais comment m'y prendre ? Car le raconter serait le trahir ; l'analyser, l'abîmer ; en faire l'éloge, en dénaturer l'émotion... Quelques mots toutefois, en espérant ne pas trop en révéler...

Fils unique et petit garçon introverti, solitaire et maladif, le narrateur s'est donc inventé un aîné idéal, un double inversé, avec qui il converse dès qu'il en ressent le besoin, avec qui il se bagarre la nuit venue. Un frère beau et fort qui ferait assurément la fierté de ses parents, Maxime et Tania, deux athlètes reconvertis dans la vente d'articles de sport. Auprès de ses parents le garçon mène une existence en apparence simple et paisible, mais dominée par le silence qui règne dans sa famille. Un silence lourd et incompréhensible pour l'enfant, un silence qu'il devine empreint de honte et de culpabilité. Alors, sans oser poser de questions, le garçon se raconte des histoires et s'invente un passé magnifié : comment ses parents se sont rencontrés avant la Seconde Guerre mondiale, comment ils se sont aimés durant leur exil en zone libre pendant l'Occupation, comment lui-même est naît après guerre... Une belle histoire, idyllique, mais imaginaire. Jusqu'au jour de ses 15 ans, jusqu'au jour où Louise, une vieille amie de la famille et sa seule confidente, lui révèle enfin le secret de sa naissance issue de l'amour fou et coupable de ses parents. Une vérité bouleversante, mais qui lui permet enfin de se construire.

Un secret commence sur un mode intimiste, avec l'histoire simple d'une famille ordinaire, puis nous sommes entraînés au fil des pages dans l'Histoire : la Seconde Guerre mondiale, l'Occupation allemande, le génocide juif, l'ombre des camps... Et la recherche de vérité du narrateur, cette confidence qu'il livre au lecteur d'une voix qui s'étrangle peu à peu sous le doute et l'émotion, mêlant le basculement de l'Histoire à son vacillement intérieur. Ce récit autobiographique de Philippe Grimbert est un roman grave et néanmoins magnifique. Sa manière limpide de raconter une histoire de famille douloureuse rend l'ensemble plus bouleversant encore. L'histoire qu'il raconte est si fluide qu'elle paraît presque ordinaire. Il n'en est rien. Elle est universelle.

______________________________

e%2050.gif Philippe Grimbert, Un secret, éd. Le Livre de Poche, 2006 (2004), 192 pages, 5,50 €.

18/07/2008

This is not a love song – Jean-Philippe Blondel [2007]

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif Genre : blues, forcément triste

5f24493a02630566ea591e9c70f68358.gifVincent, ancien loser made in France, est parti il y a dix ans vivre sa success story en Angleterre, sans un regard pour ce qu'il laissait derrière lui : la France et sa province engourdie, ses parents et leur pavillon "qui craint", son frère et sa vie étriquée, et surtout Etienne, son ami, son double inversé, son compagnon de "lose" dont il n'a plus jamais pris de nouvelles. Aujourd'hui, il a réussit comme on dit : la quarantaine conquérante, marié à une femme de la "haute", heureux papa de deux fillettes, patron d'une chaîne de restaurants en plein essor, il revient dans sa ville natale : Découvrir la suite...