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01/10/2008

Le Fiancé de la lune – Eric Genetet (2008)

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Le Fiancé de la lune.gifToujours entre deux hôtels, deux filles, deux missions, deux avions, Arno Reyes, la quarantaine, vit libre et sans attaches. Jusqu'au jour où il tombe fou amoureux de Giannina, jeune chanteuse de jazz. Rencontre, coup de foudre, passion, vie commune, bébé, routine et usure...

Avec «quand l'amour s'emballe» en exergue sur la couverture, j'étais assez méfiante en prenant ce livre. Mais le titre, Le Fiancé de la lune, poétique et intriguant, m'a fait l'ouvrir malgré mes réticences. Et puis, une belle histoire d'amour, de temps en temps, ça fait du bien... Hélas ! L'histoire est d'une banalité affligeante et le style télégraphique, d'une pauvreté navrante. Certes, on est tous un peu niais quand on est amoureux, mais cela ne peut en aucun cas justifier des dialogues d'une telle inconsistance :
« - J'aime Paris. Avait dit Arno.
- J'aime la vie à Paris, la nuit, quand le vent souffle sur les toits. Avait dit Giannina.
- J'aime Paris. Avait répété Arno.
- J'aime aussi... Le goût de l'Aspégic dans tes baisers.
- Je deviendrai le souffle sur ta peau, sur ton ventre, sur tes seins, sur tes pieds.
- Tu vois mes pieds dans la glace ?
- J'aime tes pieds dans la glace Giannina.
- J'aime les pieds de Paris dans la glace.
- J'aime le goût de l'Aspégic. Avait répondu Arno.
- J'aime aussi... Le goût de la pluie.
- Je suis la pluie sur ta peau.
- Tu es la pluie sur ma peau.
- Je suis la nuit sur Paris. »
?!!??? Vraiment, les mots me manquent... De plus je suis totalement réfractaire au style SMS parfois employé dans la première partie du roman et utilisé afin d'ancrer le récit dans l'époque actuelle.

Le personnage principal, Arno donc, n'est en outre pas sympathique : toujours fuyant, jamais satisfait, vite rassasié. Son "amour fou" retombe aussi vite qu'un soufflet. Décevant. Le personnage de Giannina (mais qu'est-ce qu'elle lui trouve ?) m'a paru plus intéressant, mais pas assez développé pour s'y attacher réellement (ce n'est pas elle le sujet de l'histoire, mais ce cher Arno, très égocentré).

La seule raison qui m'a retenue de refermer ce livre avant la fin est que dès le début on sent une ombre planer sur cette histoire... La concrétisation de cette ombre rend la seconde partie du roman plus intéressante, quoique franchement prévisible.

 

BlueGrey

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Eric Genetet, Le Fiancé de la lune, éd Héloïse d’Ormesson, 2008, 123 pages, 15 €.

Les avis de Clarabel et Argantel.

Merci à Chez les filles et aux Editions Héloïse d'Ormesson de m'avoir envoyé ce livre.

11/09/2008

Le Montespan – Jean Teulé (2008)

Genre : cocasse roman presque historique

23a3dc3544a5ca65089a3b737eab61d1.gif« Louis-Henri, être cocu, c'est la chance de votre vie. »

Ce Louis-Henri-là, c'est Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, époux de LA Montespan, célébrissime favorite de ce coureur de jupons de Louis XIV. Pour Louis-Henri, quelle chance ! Car au temps du Roi-Soleil, avoir sa femme dans le lit du monarque est un privilège ! Sauf que Louis-Henri ne l'entend pas ainsi. Car Louis-Henri est passionnément amoureux de sa Françoise voyez-vous, et il ne consent pas à la partager, serait-ce avec le Roi ! Il défie donc l'autorité royale, refuse les honneurs et prébendes, est indifférent aux menaces et procès, aux emprisonnements, à la ruine et aux tentatives d'assassinat : pour récupérer sa femme, il brave l'homme le plus puissant de la planète. Il fait repeindre son carrosse en noir et l'orne d'énormes ramures de cerf, il s'introduit de nuit dans la chambre de la reine afin de lui faire ce que le Roi se permet de faire à son épouse, il organise les funérailles de son amour défunt... Bref, il magnifie son état de cocu !

Truffé d'anecdotes aussi rocambolesques que croustillantes, navigant entre véracité historique, expressions d'époques et plume très contemporaine au style cru et sec (quoique le trait soit parfois un peu forcé), ce roman, ni vraiment historique, ni réellement romanesque, est drôle et atypique. Car la révolte du marquis cornu contre le fait du prince est désopilante ! Cet homme dont l'infortune n'a eu d'égale que son opiniâtreté à tenter de préserver son honneur, cet homme plein de panache, prêt à tout plutôt qu'à renoncer, est un personnage à la fois pathétique et grandiose, un héro excessif et superbe, ridicule et touchant. Un personnage extravagant, un naïf au cœur pur, en décalage avec la société dans laquelle il vit où l'on trompe sans états d'âme et trahit sans vergogne, à l'image de leur maître à tous, Louis XIV, le roi des dépravés.

Bref, une bien jolie farce !

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e%2030.gif Jean Teulé, Le Montespan, éd. Julliard, 2008, 352 pages, 20 €.

Du même auteur : Darling & Le Magasin des Suicides.

07/09/2008

La perle - John Steinbeck (1947)

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fcc307d8fe3f6491f91a301b0cab8b3e.gif«Jouant de sa lame comme d'un levier, il le fit céder et le coquillage s'ouvrit. Les lèvres de chair se crispèrent puis se détendirent. Kino souleva le repli et la perle était là. Elle accrochait la lumière, la purifiait et la renvoyait dans une incandescence argentée. Elle était aussi grosse qu'un œuf de mouette. C'était la plus grosse perle du monde.»

C'est l'histoire d'une grosse perle, comment elle fut trouvée, puis perdue à nouveau. C'est l'histoire de Kino, le pêcheur, de sa femme Juana et de leur bébé Coyotito. C'est la courte fable d'un pauvre pêcheur d'origine indienne qui pêche, en Californie, la plus grosse perle du monde. Il espère qu'elle lui apportera tout ce dont il a toujours rêvé, le meilleur pour sa femme et son fils, la reconnaissance sociale, et le respect. Mais cette découverte éveille les convoitises des voisins et déchaîne autour de lui les forces du mal...

Le thème et le message de l'oeuvre sont très simples : "l'argent ne fait pas le bonheur". Mais au-delà de cette simplicité, le style de Steinbeck métamorphose le conte en une parabole tragique jugeant de la nature humaine, de la jalousie et de la corruption. Steinbeck caractérise remarquablement les comportements humains, dans des passages courts mais acérés. Ses descriptions des vices et des vertus des hommes sont d'une justesse terrible et implacable. Toute l'analyse de l'auteur est distillée grâce à un style fluide. L'intrigue est menée comme dans un roman policier, les événements se succèdent afin de garder le lecteur toujours en émoi, jusqu'au dénouement tragique.

Un texte agréable pour le style Steinbeck mais dur par l'histoire très noire et jusqu'au bout sans éclaircie.

 

BlueGrey

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John Steinbeck, La perle (The Pearl), éd. Gallimard, coll. folio, 1973 (1947), 121 pages, 5,30 €.

04/09/2008

Les Conspirateurs – Shan Sa (2005)

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3ceb8c456622636dad1762081b2ae902.gifA Paris, Jonathan Julian, bel informaticien américain, aménage dans le même immeuble que la chinoise Ayamei, ancien leader des émeutes de Tianan men réfugiée en France et étrangement liée à Philippe Matelot, politicien français véreux. Ces trois personnages vont se croiser, se séduire, se mentir, se tromper, se manipuler, se traquer, chacun oeuvrant en secret pour son gouvernement, car tous trois sont espions.

Pour construire son intrigue, l'auteur s'est uniquement concentré sur les tensions relationnelles et émotionnelles entre les personnages qui se livrent à une guerre psychologique. A chaque chapitre, le narrateur change et le lecteur découvre ainsi ce que chacun des personnages sait ou devine des autres, celui que l'on pensait manipulé manipulant tout autant. Les trois espions jouent ainsi à qui est qui en une intrigue en poupées russes où les enjeux politiques mondiaux, la guerre économique entre Etats et les rivalités entre services de contre-espionnages ne servent finalement que de décors à un banal chassé-croisé amoureux. Car sans toutefois oser franchement le vaudeville, ce roman de Shan Sa s'apparente plus à un marivaudage (avec pour épicentre le grand classique du triangle amoureux) qu'à un roman d'espionnage. Et même dans ce registre, nous sommes loin de la beauté poétique du très élégant et sensible roman La joueuse de Go. Les personnages sont caricaturaux, les dialogues sont lourds et affligeants de platitude (saupoudrés par moment d'anglais et chinois en VO, artifice totalement superflu) et les situations manquent de crédibilité. La structure narrative et le développement du récit en un dévoilement progressif des personnalités donne un certain intérêt à l'intrigue, sans toutefois rattraper la désespérante pauvreté et superficialité de l'ensemble, bien fadasse.

  

BlueGrey

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Shan Sa, Les Conspirateurs, éd. LGF, coll. Le Livre de Poche, 2007 (2005), 217 pages, 6 €.

29/08/2008

Quelques-uns des cent regrets – Philippe Claudel (2000)

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961b41efeae64060c715984e990a341f.gifC'est une histoire simple et triste, une histoire empreinte de mélancolie et de nostalgie, une histoire d'amour filial qui n'a pas su s'exprimer. C'est un roman touchant qui explore avec délicatesse et réserve une douleur intime, un acte manqué, un regret...

« Il n'a fallu que quelques pauvres secondes au commis pour dévoiler ce qui m'avait été caché si longtemps, le visage de ma mère, son visage, son beau visage que je n'avais pas revu depuis seize ans. Seize longues années, seize minces années qui m'avaient fait devenir un homme déjà las, un peu amer.
Elle portait des cheveux un peu plus longs que par le passé. Sa blondeur s'était mêlée d'argent. Son visage gardait la beauté simple qui en était la marque. A peine les rides l'avaient-elles tissé d’un mince réseau de blessures. Le temps s'était déposé en elle, avec sa fatigue et son poids, comme une poussière. [...]
Etaient-ce les années vécues sans la voir qui me faisaient la croire plus jeune qu'elle n'était en vérité ? La mort lui allait comme un curieux vêtement. »

Le fils est revenu, trop tard bien sûr. Il est revenu dans son village natal, triste bourgade inondée du nord de la France, pour enterrer sa mère. Il va y passer trois jours, trois jours pour rappeler les ombres de son enfance, trois jours pour transformer sa peine et sa culpabilité en un douloureux apaisement.

La langue est belle et riche, la construction du récit, solide, l'histoire teintée d'amertume. Lentement, par petites touches qui paraissent de prime abord insignifiantes, Philippe Claudel dépeint, derrière le sourire de façade et le quotidien le plus sinistre, les drames qui jalonnent une existence. Il évoque les faiblesses et les errements d'un homme, mais a suffisamment de compassion et d'empathie pour ne jamais juger. Il nous propose ainsi un récit tristement beau, empreint d'une émotion juste et parsemé de petites griffes de douleur, celles des souvenirs qui font mal.

 

BlueGrey

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Philippe Claudel, Quelques-uns des cent regrets, éd. Gallimard, coll. folio, 2005 (2000), 180 pages, 5,30 €.

Du même auteur : La petite fille de Monsieur Linh