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06/05/2007

Messieurs les enfants – Daniel Pennac (1997)

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medium_MessieursLesEnfants.gif« Sujet : Vous vous réveillez un matin, et vous constatez que, dans la nuit, vous avez été transformé en adulte. Complètement affolé, vous vous précipitez dans la chambre de vos parents. Ils ont été transformés en enfants. Racontez la suite. »

Un professeur de français mal dans sa peau donne à trois de ses élèves indisciplinés un sujet de rédaction qui va bouleverser leur vie, celle de leur famille... et la sienne. Le sujet est astucieux : un matin les enfants sont devenus adultes et les parents transformés en enfants. Pennac en tire un roman agréable et parfois farfelu, à la lisière du rêve et de la réalité, entre fantaisie et réalisme. Il s'en prend aux préjugés et aux idées toutes faites, en particulier sur le choc des générations, et termine son roman comme il l'a commencé, sur cette même réflexion péremptoire : « L'imagination, ce n'est pas le mensonge. »

C'est plaisant !

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Daniel Pennac, Messieurs les enfants, éd. Gallimard, coll. Folio, 1999 (1997), 258 pages, 5,60 €.

Du même auteur : Chagrin d'école

21/04/2007

Givre et sang – John Cowper Powys (1925)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif  Genre : des forces opaques traversent les âmes et les coeurs

medium_givreetsang.gifRook Ashover est tiraillé entre quatre femmes : sa mère, qui voudrait le voir marié et donné une descendance à la lignée des Ashover ; Lady Ann, sa cousine, qui aspire a devenir Mme Ashover ; Netta Page, sa maîtresse ; et Nell, la femme du pasteur qui lui voue une adoration sans bornes. Mais surtout et avant tout il est lié à son frère Lexie, gravement malade et dont la vie et menacée.

Des personnages écorchés, tourmentés par leurs pulsions contradictoire, écartelés entre passion et culpabilité, des descriptions minutieuse et presque mystique de la nature, du romanesque désuet distillé par un style grandiloquent, par exemple «la prédominance du jaune pâle sur toute autre couleur donnait au fragment d'espace encadré par la porte ouverte une apparence d'obsèques solennelles, comme si le corps archaïque et nu de la terre était recouvert d'un suaire de givre doré» ou encore «le temps acerbe ressemblait à un vieil ébéniste allemand, venu de Nuremberg ou de Rothenburg, ciselant de son instrument de fer, entre ses doigts osseux, une forme en volute qui serait comme l'essence platonique ou l'émanation spirituelle d'un végétal pétrifié par le gel dans la Forêt-Noire» et enfin (je ne vous épargne rien !) «comme des cadavres d'enfants royaux tués au cours d'un holocauste sacré, enveloppés dans des linceuls d’or, les lentes strophes gnomiques, mélancoliques comme des litanies, que murmurait la voix profonde et hiératique de Lexie, s'enfoncèrent dans les flots du temps et disparurent à jamais.»

Disons donc que le "charme" de ce livre ne m'a pas atteint...

 

BlueGrey

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John Cowper Powys, Givre et sang (Ducdame), traduit de l’anglais par Diane de Margerie et François-Xavier Jaujard, éd. du Seuil, coll. Points-Roman, 1982 (1925), 360 pages.

18/04/2007

Le lion - Joseph Kessel (1958)

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medium_LeLion.gifDe passage dans une réserve au Kenya le narrateur rencontre Patricia qui, à dix ans, possède un rare pouvoir sur les animaux. Bullit, directeur du parc et père de Patricia, l'admire, mais sa mère Sybil est terrorisée : sa fille passe ses journées dans la brousse en compagnie d'un lion, King. Recueilli lorsqu'il n'était qu'un lionceau perdu, King a grandi avec Patricia avec qui il entretient un lien étrange. Oriounga, un jeune guerrier Masaï, fasciné et séduit par le pouvoir que la jeune fille exerce sur le fauve, vient affronter son lion dans un combat à mort...

Le lion est une histoire tragique empreinte de passion. Passion de Bullit, ancien chasseur reconverti, pour les animaux de la réserve mais aussi pour sa fille, passion du narrateur pour ce lieu d'une splendeur édénique, passion de Oriounga, libre de tout lien sur la terre des hommes. Mais surtout passion de Patricia "l'enfant lion" pour King et réciproquement. Mais dans ce monde africain cette passion va trouver, selon le pressentiment du narrateur, témoin impuissant du drame, un dénouement qui est un rite de passage.

Il y a trois lions dans ce récit : à côté de King, la bête aux yeux d'or, ami et "enfant" de Patricia, deux hommes s'opposent : Bullit, le "géant roux", fauve et maître des fauves, et ce jeune Masaï à la chevelure cuivrée, voué par une loi ancestrale à affronter les lions. Patricia, qui régnait sur King et sur son père, ne peut résister à sa fascination pour le jeune homme dont elle cause la mort. Patricia, en voulant étendre sa domination, en menant trop loin un jeu dont elle ne mesure pas le danger, passe de l'univers de l'innocence à celui des adultes.

Un roman d'une rare beauté, alliant douceur et violence dans une histoire d'amour magnifique et cruelle.

 

BlueGrey

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Joseph Kessel, Le lion, éd. Gallimard, coll. Folio Poche, 1972 (1958), 242 pages, 5,10 €.

30/03/2007

Testament à l'anglaise – Jonathan Coe (1994)

Genre : Dynastie

medium_testament.gifTabitha Winshaw a 81 ans et elle est folle, internée dans un asile. Démence sénile ? Pas du tout. Elle a perdu l'esprit un soir de l'hiver 1942 quand son frère adoré, Godfrey, a été abattu par la DCA allemande au-dessus de Berlin. Le chagrin alors ? Ce n'est pas cela non plus. Elle est persuadée que la mort de Godfrey a été commanditée par son frère aîné, Lawrence, qu'elle déteste. Une folle dans la famille, l'aristocratie britannique en a vu d'autres. Mais voilà que Tabitha demande à Michael Owen, jeune auteur dépressif et agoraphobe, d'écrire l'histoire de la dynastie des Winshaw qui occupe tous les postes-clés dans l'Angleterre des années quatre-vingt, profitant sans vergogne de ses attributions et de ses relations. Il y a du jeu de massacre dans l'air, d'autant que Tabitha n'est peut-être pas aussi folle qu'il y paraît.

S'échelonnant entre 1940 et 1990, Testament à l'anglaise développe ainsi l'enquête menée mollement par Michael. Au fil du récit et de son enquête sur les Winshaw, Michael sortira peu à peu de son mutisme et, sous le vernis de la bonne société anglaise, il nous fera rencontrer une galerie d'âmes damnées des plus réjouissante : « Il fut parfaitement clair pour moi dès le début que je m'occupais d'une famille de criminels, dont la richesse et le prestige étaient fondés sur toutes sortes d'escroqueries, crapuleries, tricheries, supercheries, finasseries, manigances, détournements, vols, cambriolages, pillages, saccages, falsifications, spoliations, déprédations. Non que les agissements des Winshaw fussent ouvertement criminels, ni même jugés comme tels par la bonne société. » Car la famille Winshaw propose, au choix : Hilary, la journaliste venimeuse à succès ; son frère Roddy, galeriste qui exerce le droit de cuissage ; le cousin Mark, marchand d'armes qui fricote avec Saddam Hussein ; l'oncle Henry, politicien champion dans l'art de retourner sa veste ; la cousine Dorothy, chantre de l'agroalimentaire industriel... Bref, tous les membres de cette illustre, puissante et richissime famille ont pour seul point commun d'être pourris jusqu'au squelette !

Transformant chaque destinée en une fable cruelle sur les milieux politique et médiatique, Jonathan Coe réussit un livre aussi étonnant que palpitant. Satire sociale et réquisitoire en règle contre le thatcherisme, ce livre n'en reste pas moins passionnant car il associe avec brio de nombreux genres littéraires (policier, thriller, psychodrame, romance, (auto)biographie, etc.) rendant ainsi le récit alerte et captivant sans jamais se départir d'un ton ironique d'une irrésistible drôlerie. Toutefois, la diversité des narrateurs, la fragmentation du temps et la profusion des personnages rendent l'immersion dans le récit difficile dans un premier temps, mais ces difficultés disparaissent une fois la lecture bien entamée.

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e%2030.gif Jonathan Coe, Testament à l'anglaise (What a Carve Up!), traduit de l'anglais par Jean Pavans, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 1995 (1994), 498 pages, 27,50 €.

Du même auteur : Les Nains de la Mort, La Maison du sommeil & La pluie avant qu'elle tombe.

06/03/2007

Léviathan – Paul Auster (1993)

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medium_léviathan.gifLe roman commence par la mort de Benjamin Sachs, tué par sa propre bombe. Car Sachs, ex-écrivain prometteur, a tout abandonné pour devenir le Fantôme de la Liberté, personnage devenu célèbre dans tous les Etats-Unis des années Reagan en dynamitant l'une après l'autre les multiples statues de la Liberté ornant les villes américaines. Mais comment et pourquoi cet écrivain plein de promesses en est-il arrivé à devenir un terroriste ? C'est à cette question que cherche à répondre son ami Peter Aaron, lui-même écrivain (et double littéraire de Paul Auster), dans ce récit traité à la manière d'une biographie.

Mais Léviathan, ce n'est pas seulement l'histoire de Benjamin Sachs, c'est aussi une réflexion sur le métier d'écrivain au travers du couple Peter/Benjamin, deux visions complémentaires de l'écrivain. D'un côté Peter, écrivain qui a réussi et veut croire aux valeurs de la création littéraire. Il veut trouver et écrire la vérité à propos de Sachs avant que le FBI ne découvre qu'il était le Fantôme de la Liberté et que la réputation de Sachs ne soit entachée à jamais. Aaron se trouve alors confronté à la tentation de la fictionnalisation, la tendance qu'il pourrait avoir à déformer l'histoire, à changer certains faits pour les conformer à SA réalité. De l'autre côté Benjamin, celui qui n'y croit plus et cesse d'écrire pour se lancer dans l'action. Des actions un peu dérisoires (attenter aux statues de la Liberté, sans pouvoir s'en prendre à la principale) mais courageuses et d'une grande portée symbolique. Sachs cherche ainsi à éveiller les consciences, à mettre en garde son pays qui a perdu de vue ses valeurs. Dans Léviathan nous assistons donc à un double combat : celui de Sachs contre son pays, et celui d'Aaron contre lui-même.

J'ai trouvé ce roman parfois très lent (surtout dans les deux premiers tiers) mais aussi généreux, le second aspect faisant que l'on poursuit sa lecture en dépit du premier.

 

BlueGrey

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Paul Auster, Léviathan, traduit de l'anglais par Christine Le Boeuf, éd. Actes Sud, 1999, 309 pages, 21,04 €.

Du même auteur : Moon Palace