20/10/2011
Un chasseur de lions- Olivier Rolin [2008]
Eugène Pertuiset est un pittoresque aventurier français de la fin du XIXe siècle : « vaste et rubicond », hâbleur impénitent, gros mangeur et buveur, piètre chasseur de lions, trafiquant d'armes déplorable, catastrophique inventeur d'inventions calamiteuses, magnétiseur, chercheur de trésors qui n'existent pas, funambulesque explorateur... C'est un personnage grand-guignolesque, haut en couleurs et un peu vulgaire, dont le l'auteur a découvert l'existence dans un livre acheté en Patagonie, région dans laquelle Pertuiset a mené une expédition totalement extravagante. L'auteur apprend par la suite que Pertuiset était aussi un ami de Manet, et que le peintre avait fait de lui un curieux portrait en chasseur de lions. Voici donc qui le décide a rédiger cette biographie fictionnelle, l'histoire romanesque et romancée des vies croisées de Pertuiset et de Manet.
Ce roman avait, de prime abord, beaucoup d'atouts pour me plaire : un personnage principal excentrique et "décalé" comme je les aime et un air de roman d'aventures bondissant et tonitruant. Or, la vie rocambolesque de Pertuiset est narrée avec une ironie mordante qui se teinte trop systématiquement de dédain. Au détour de longues tirades, les répliques assassines et les traits d'humour de l'auteur se font toujours aux dépens du chasseur de lions. Certes, le personnage est grotesque, chacune de ses entreprises aboutissant au fiasco, mais là où le comique aurait pu s'accompagner de tendresse pour les déconvenues de ce fanfaron pathétique mais plein de panache, l'auteur y préfère systématiquement le mépris. Facile (et cruel) de railler le benêt. Page 9, l'auteur se demande « Pourquoi Manet, "ce riant, ce blond Manet / De qui la grâce émanait", a-t-il peint ce gros lard ? ». Peut-être parce que Manet qui a, sa vie durant, gardé amitié et tendresse au bouffon Pertuiset, ne s'y est pas trompé, lui, et a su voir plus loin que le "lard" mentionné...
De plus l'auteur entrecoupe son récit par de multiples digressions, par l'évocation de souvenirs personnels et par des considérations sur le temps qui a passé, autant d'épisodes incidents qui "cassent" le rythme de récit. Et si les apartés historiques peuvent s'avérer intéressants pour certains, les souvenirs de l'auteur le sont beaucoup moins. Apprendre, par exemple, qu'il y a 25 ans de cela l'auteur, alors journaliste, arpentait le continent latino-américain et qu'il y fit la rencontre d'une jolie jeune femme... et arriva-t-il oui ou non à coucher avec elle ? Clairement, on s'en fout ! Ses questionnements pseudo-existentiels, ces atermoiements perpétuels, son auto-apitoiement continuel, on s'en contrefout !!! Enfin, la façon dont l'auteur s'interpelle à chaque page, usant de la deuxième personne de singulier, est franchement insupportable ! (« Il y a quatorze ans, tu es à Santiago. Tu possèdes encore une petite photo, la dernière, de la fille qui t'a quitté. Tu déchires cette photo en menus morceaux que tu jettes dans le Rio Mapocho […] » p. 131).
Bref, un roman assommant et bancal, avec trop de décorum stylistique qui ne mène nulle part, et un auteur-narrateur dont on ne comprend pas bien ce qu'il vient faire dans son roman.
Décevant. TRES décevant.
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Olivier Rolin, Un chasseur de lion, éd. Points, 2009 (2008), 234 pages, 6,50 €.
08:45 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : olivier rolin, littérature française, littérature contemporaine, manet, pertuiset, 19e siècle, aventurier, chasseur, lion
18/04/2007
Le lion - Joseph Kessel (1958)
De passage dans une réserve au Kenya le narrateur rencontre Patricia qui, à dix ans, possède un rare pouvoir sur les animaux. Bullit, directeur du parc et père de Patricia, l'admire, mais sa mère Sybil est terrorisée : sa fille passe ses journées dans la brousse en compagnie d'un lion, King. Recueilli lorsqu'il n'était qu'un lionceau perdu, King a grandi avec Patricia avec qui il entretient un lien étrange. Oriounga, un jeune guerrier Masaï, fasciné et séduit par le pouvoir que la jeune fille exerce sur le fauve, vient affronter son lion dans un combat à mort...
Le lion est une histoire tragique empreinte de passion. Passion de Bullit, ancien chasseur reconverti, pour les animaux de la réserve mais aussi pour sa fille, passion du narrateur pour ce lieu d'une splendeur édénique, passion de Oriounga, libre de tout lien sur la terre des hommes. Mais surtout passion de Patricia "l'enfant lion" pour King et réciproquement. Mais dans ce monde africain cette passion va trouver, selon le pressentiment du narrateur, témoin impuissant du drame, un dénouement qui est un rite de passage.
Il y a trois lions dans ce récit : à côté de King, la bête aux yeux d'or, ami et "enfant" de Patricia, deux hommes s'opposent : Bullit, le "géant roux", fauve et maître des fauves, et ce jeune Masaï à la chevelure cuivrée, voué par une loi ancestrale à affronter les lions. Patricia, qui régnait sur King et sur son père, ne peut résister à sa fascination pour le jeune homme dont elle cause la mort. Patricia, en voulant étendre sa domination, en menant trop loin un jeu dont elle ne mesure pas le danger, passe de l'univers de l'innocence à celui des adultes.
Un roman d'une rare beauté, alliant douceur et violence dans une histoire d'amour magnifique et cruelle.
BlueGrey
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Joseph Kessel, Le lion, éd. Gallimard, coll. Folio Poche, 1972 (1958), 242 pages, 5,10 €.
10:40 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, roman, Afrique, lion, Kenya, Masaï