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31/08/2010

Le secret de Jasper Jones – Craig Silvey [2009]

Le secret de Jasper Jones.gifCharlie Bucktin, treize ans, est un ado intello, un bibliovore totalement incapable de manier correctement une batte de cricket. Dans une petite ville minière et provinciale comme Corrigan (Australie), cette différence fait de lui le punching-ball de ses camarades. Il partage toutefois son statut de souffre-douleur avec son meilleur (et unique) ami, Jeffrey Lu, son voisin d'origine vietnamienne, victime d'un racisme à peine voilé.

Par une chaude nuit de l'été 1965, alors que Charlie est plongé dans la lecture d'un ouvrage de Mark Twain, Jasper Jones, le paria de la ville, un gamin à moitié aborigène, frappe à sa fenêtre et lui demande son aide. Par curiosité, pour le frisson de la transgression, et flatté d'avoir été choisi, Charlie suit Jasper jusqu'à une jolie clairière enfouie dans le bush où l'attend une terrible découverte : « Si j'avais affaire à quelqu'un d'autre, je tournerais les talons. Je ne me faufilerais pas sous le rideau de branches de l'acacia en baissant la tête. Je ne me raccrocherais pas à son tronc rugueux de crainte de trébucher. Je n'écarterais pas le feuillage. Je n'apercevrais pas une clairière. Et je ne découvrirais pas le secret de Jasper Jones. »

Cette nuit-là, Jasper Jones lui fait jurer de garder le silence, mais le secret est immense, et bien lourd à porter pour des enfants. Ainsi contraint par son pacte de silence avec Jasper, Charlie commence à porter un regard nouveau sur son entourage - sa famille si unie, les honorables citoyens de Corrigan - car le secret de Jasper Jones n'est pas le seul qui lézarde la petite ville...

Ainsi, en l'espace d'un été, Charlie, un gamin un peu trouillard et un peu mou, va se retrouver confronter à la mort violente, à la culpabilité, aux insuffisances des adultes, au mensonge, au racisme, à l'injustice... Un rude apprentissage du passage à l'âge adulte à peine contrebalancé par l'amour encore enfantin qu'il voue à la frêle Eliza. Le tout dans une communauté en vase-clos, empoisonnée de non-dits, sous-tension, qui doit faire face à la fois à fermeture de la mine (unique employeur de la ville), aux conséquences de la guerre du Viêt Nam (dans laquelle l'Australie est engagée dès 1962), et à la disparition d'un de ses enfants, Laura, jeune fille de 15 ans qui s'est mystérieusement volatilisée.

Le secret de Jasper Jones constitue donc un récit initiatique assez cynique, à l'atmosphère parfois pesante (le rythme est lent, le climat chaud et lourd), mais allégé par quelques touches d'humour bienvenues (les joutes verbales entre Jeffrey et Charlie sont réjouissantes). C'est un roman au style fluide, parfois un peu bavard, dont les personnages s'avèrent très attachants. Un livre qui brasse habilement beaucoup de "grands" sujets universels (l'amour, l'amitié, la famille, le racisme, la justice, etc.).

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e%2035.gifCraig Silvey, Le secret de Jasper Jones (Jasper Jones), traduit de l'anglais (Australie) par Marie Boudewyn, éd. Calmann-Lévy, 2010 (2009), 378 pages, 19,50 €.

28/08/2010

La Vie meurtrière – Félix Vallotton [1907-1908]

La Vie meurtrière.gifSi les toiles de l'artiste suisse Félix Vallotton (1865-1925), graveur sur bois et peintre post-impressionniste, frappent par leur style avant-gardiste et leurs couleurs profondes, son unique roman, La Vie meurtrière, publié pour la première fois de manière posthume en 1927, est lui, au contraire, de facture classique, et imprégné d'une inquiétante noirceur.

Jacques Verdier, critique d'art de vingt-huit ans, s'est suicidé à son domicile, à Paris. Il a laissé à l'attention du commissaire qui constatera les faits une courte lettre et un pli. Dans ce pli, un manuscrit au titre intrigant, Un amour, récit-confession de sa vie. Car Jacques Verdier était persuadé de porter en lui un "fatal pouvoir", une malédiction qui condamnait à mort ses proches. Et en effet, bien malgré lui, le défunt semble avoir provoqué depuis sa plus tendre enfance d'épouvantables événements : crises cardiaques, chutes, empoisonnements, brûlures... les accidents mortels se sont multipliés autour de lui jusqu'à ce que la question lancinante de sa propre responsabilité l'accule à envisager une solution radicale. Jacques portait-il en lui, comme il le croyait, un "principe de mort" ?

L'histoire de cet homme persuadé de porter en lui un "principe de mort" est angoissante et aurait pu être terrifiante et tragique. Hélas ! Le style froid, guindé, assez laborieux par moment, place le lecteur à distance du récit. De plus le héros s'avère assez méprisable. Il est veule, larmoyant, d'un égoïsme tel qu'il s'indigne et s'apitoie uniquement sur son propre sort, ce qui empêche le lecteur d'éprouver une quelconque empathie pour lui. Enfin, la fin du roman paraît bâclée, inachevée, et est assez décevante.

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e%2020.gifFélix Vallotton, La Vie meurtrière, éd. Phébus, coll. Libretto, 2009 (1907-1908), 205 pages, 10 €.

25/08/2010

La ballade d'Iza – Magda Szabó [1963]

Pour mon séjour à Budapest, j'ai cherché à emporter une lecture de circonstance. Après quelques recherches dans les rayonnages de ma médiathèque, j'ai opté pour un ouvrage de Magda Szabó, une grande dame des lettres hongroises encore méconnue en France malgré son Prix Femina étranger 2003 pour son roman La Porte. Ce n'est toutefois pas ce livre-là que j'ai emporté, mais La ballade d'Iza :

La ballade d Iza.gifDans les années 1960, dans sa maison de la Grande Plaine hongroise, Mme Szöcs attend d'aller à l’hopital : son mari est en train de mourir. Sur place, Vince ne la reconnaît pas, et sa dernière phrase est destinée à Iza, leur fille bien-aimée. Une fois son père enterré, Iza emmène sa mère vivre avec elle dans son appartement de Budapest. Elle a tout décidé, fait le tri entre meubles et objets à garder et à abandonner, arrangé la chambre qui doit accueillir sa mère, sans demander à la vieille dame (qui pourra « enfin se reposer ») ni son avis ni ses envies. Mais peu à peu la fragile vieille dame se pétrifie dans la non-existence qui lui est ainsi offerte, jusqu'au jour où elle décide de retourner dans son village afin de faire élever une stèle sur la tombe de son mari...

La grande qualité de ce roman tient dans ses personnages, tous dépeints avec finesse et pudeur, sans jugement de valeur. Et en tout premier lieu le vieux Vince, un homme intègre, un ancien magistrat longtemps écarté de son poste pour avoir prononcé un jugement qui avait déplu au régime. Magda Szabó en brosse un portrait magnifique ! Tout aussi attendrissante, son épouse est une petite bonne femme effacée, une bonne fée discrète, économe, qui dans l'adversité a fait preuve d'une détermination pugnace pour maintenir sa famille à flot. A la mort de Vince, elle s'agrippe tout autant à son vieux cabas usé qu'à ses souvenirs, mais quand elle doit quitter son village pour s'installer à Budapest, dans le petit appartement d'Iza, c'est un cruel déracinement que lui impose sa fille. Dans cette ville froide, la vieille dame désœuvrée se sent terriblement seule, comme exilée, sans jamais s'en ouvrir à sa fille Iza qu'elle ne veut en aucune façon inquiéter, ou contrarier, et qui s'échine à rendre sa mère heureuse malgré elle. Enfin donc Iza, qui certes adore ses parents mais qui, dans sa logique de contrôle absolu, et persuadée de faire au mieux pour le bien-être de sa mère, ne se rend pas compte de la détresse de cette dernière. Quant aux personnages secondaires (Antal, l'ex-mari d'Iza ; Lidia l'infirmière ; Domokos, l'amant d'Iza), ils sont tout aussi remarquables.

Mais le cœur de l'intrigue reste les relations entre un père, une mère, une fille. Vince, Etelka, Iza, trois êtres qui s'aiment passionnément sans savoir s'aimer "correctement". Entre ces trois êtres, Magda Szabó tisse une relation subtile, faite de tendresse infinie, de pudeur, de non-dit, et bien souvent d'incompréhension. Ou comment, parfois, pourtant pétri de bonnes intentions, on en vient à mal-aimé ceux que l'on aime le plus... Un roman qui interroge sur notre capacité (ou incapacité) à rendre l'autre heureux, un roman sur la difficulté d'aimer.

C'est beau et touchant, et pudique, d'une finesse psychologique rare, tenu par une construction et un rythme impeccables, et une écriture précise, sobre, délicate, intime et mélancolique. Une merveille dont il serait grand dommage de se passer !

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e%2035.gifMagda Szabó, La ballade d'Iza (Pilátus), traduit du hongrois par Tibor Tardös, éd. Viviane Hamy, 2005 (1963), 261 pages, 21,50 €.

22/08/2010

Budapest...

De retour après un petit séjour budapestois fort agréable !

Vu tout plein de belles choses à Budapest : le Palais Royal, la place des Héros, l'île Marguerite, la statue de la Liberté, la Grande Synagogue, le Memeto Park, le musée d'art décoratif et celui d'art contemporain et encore celui des transports...

 

 

... eeeeet... Muse ! En concert au Sziget festival !

 

 

Troooop bien !  :)

et trooop court !  :(

03/08/2010

Lignes de faille – Nancy Huston [2006]

Lignes de faille.gif2004, 1982, 1962, 1944.
Californie, Israël, Canada, Allemagne.
Sol, Randall, Sadie, Kristina.
Quatre époques, quatre lieux, quatre enfants, quatre destins pour un roman à rebours. Chaque enfant, en un monologue intérieur, se raconte l'année de ses 6 ans. Et du petit garçon à son arrière-grand-mère, chaque génération subit les séismes intimes de l'enfance, en partie déclenchés par la génération précédente, et mêlés à ceux de l'Histoire.

La grande réussite de ce roman est d'avoir su donner à chaque enfant une voix et une personnalité propre et crédible, et en partie façonné par la génération précédente. De ces quatre portraits, deux se détachent plus particulièrement : Découvrir la suite...