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06/11/2006

Gros-Câlin - Romain Gary (Emile Ajar) [1974]

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Gros Calin.gifMichel Cousin vit à Paris, travaille dans les statistiques et rêve d’une idylle avec Melle Dreyfus, une collègue. Mais surtout Michel Cousin souffre atrocement de solitude. Alors, pour combler le vide de son existence et à défaut de trouver l’amour chez ses contemporains, il adopte un serpent python, Gros-Câlin, capable de l’enlacer dans une puissante étreinte affectueusement. Mais élever un python de deux mètres vingt dans un 20m2 parisien n’est pas chose aisée...

Progressivement le lecteur comprend que le reptile est en fait une projection ou un prolongement de Michel Cousin lui-même. Il matérialise l’inadéquation du personnage à son environnement, sa peur de la solitude et son besoin d’affection et de liberté, son récit étant un poignant cri d’angoisse.

Ce livre repose à la fois sur l’histoire et sur le langage. En effet dès les premières lignes de ce livre-monologue inattendu Romain Gary met en garde le lecteur sur le langage employé par Michel Cousin : « Je dois donc m’excuser de certaines mutilations, mal-emplois, sauts de carpe, entorses, refus d’obéissance, crabismes, strabismes et immigrations sauvages du langage, syntaxe et vocabulaire. » Oui mais voilà, ces calembours, légers délires, mots employés pour d’autres, incorrections langagières volontaires et insensées, et autres figures de style, bien qu’ayant une vertu comique, m’ont passablement ennuyés et même agacés par leur surabondance. Honnêtement, j’ai eu du mal à finir ce récit.

Malgré cela j’ai relevé certains passages particulièrement farfelus, corrosifs, tendres ou simplement rigolots que j’ai bien apprécié et qui m’ont permis de persister et de finir la lecture de ce récit saugrenu :

« Il ne s’agit pas seulement de tirer votre épingle du jeu, mais de bouleverser tous les rapports du jeu avec des épingles. »

« Moi, j’étais ailleurs, avec mon sourire qui était content de me revoir. »

« D’ailleurs, mon problème principal n’est pas tellement mon chez-moi mais mon chez-les-autres. La rue. Ainsi qu’on l’a remarqué sans cesse dans ce texte, il y a dix millions d’usagés dans la région parisienne et on les sent bien, qui ne sont pas là, mais moi, j’ai parfois l’impression qu’ils sont cent millions qui ne sont pas là, et c’est l’angoisse, une telle quantité d’absence. J’en attrape des sueurs d’inexistence. »

« Beaucoup de gens se sentent mal dans leur peau, parce que ce n’est pas la leur. »

« Le fauteuil, surtout, m’est sympathique, avec son air décontracté, qui fume la pipe, en tweed anglais ; il semblait toujours se reposer après de longs voyages et on sentait qu’il avait beaucoup de choses à raconter. »

« L’amour est peut-être la plus belle forme du dialogue que l’homme a inventé pour se répondre à lui-même. »

« Peut-être qu’il entendait une musique intérieure formidable, avec caisses, violons et percussions et il voulait la faire écouter au monde entier dans un but de générosité, mais il faut un public, des amateurs, de l’attention, et des moyens d’expression, les gens n’aiment pas s’habiller et se déranger pour rien. C’est ce qu’on appelle, justement, de concert. La musique à l’intérieur est une chose qui a besoin d’aide extérieure, sans quoi elle fait un bruit infernal parce que personne ne l’entend. »

« Chacun de vous est entouré de millions de gens, c’est la solitude. »

« Jaime les coquelicots à cause du nom qu’ils portent, co-que-li-cots. C’est gai et il y a même là-dedans des rires d’enfants heureux. »

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Romain Gary, Gros-Câlin, éd. Gallimard, coll. folio, 1977, 214 pages, 5,10 €.

Du même auteur : L'angoisse du roi Salomon

02/10/2006

Mars la Bleue - Kim Stanley Robinson (1996)

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medium_mars_la_bleue.gifJ'ai enfin fini l'ultime partie de la trilogie de Kim Stanley Robinson consacrée à Mars : 2434 pages en tout, très exactement. Wahououou !!! VICTOIRE ! Bon, je dois admettre que se fut un peu rude, j'ai cru ne pas en voir le bout, car même si j'ai trouvé le thème de la conquête de Mars passionnant, j'ai aussi trouvé ce récit au long court un peu... long-long, justement.

Les trois titres traduisent les différentes étapes de cette épopée qui narre la conquête de Mars par les terriens. Mars la Rouge raconte le voyage vers Mars et l'installation d'un premier groupe réduit de colons (les "Cent Premiers"). Mars la Verte raconte les débuts de l'acclimatation. Paradoxalement c'est d'ailleurs la planète qui, peu à peu, et plus ou moins difficilement, est adaptée à ses nouveaux habitants. Enfin, dans Mars la Bleue, la planète a été terraformée et on se retrouve confronté à l'après conquête. C'est là que vont s'exacerber au plus haut point les relations déjà tendues entre la Terre et Mars. Car avec leur problème de surpopulation les terriens se sentent de plus en plus à l'étroit sur une planète submergée par la montée des océans. Pour empêcher les terriens de déclarer la guerre à Mars il faut donc partir à la conquête d'autres planètes du système solaire, ou plus loin encore.

Dans cette fresque foisonnante le lecteur suit donc la construction de Mars, l'auteur le mettant face aux détails techniques, politiques, géologiques, géographiques, sociologiques, économiques, etc., accompagnés, en filigrane, d'une analyse sociale et écologique très pertinente et intéressante, mais ce récit reste assez austère et difficile d'accès. L'immersion dans la fiction n'est pas évidente car le style et la technicité du contenu freinent la lecture. Cette trilogie martienne est un texte qui résiste, et qui ne saurait se satisfaire d'une lecture passive. Et, même si je la trouve intellectuellement stimulante, je ne suis pas tout à fait certaine de l'avoir aimée.

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Kim Stanley Robinson, Mars la Bleue, éd. Pocket, coll. Pocket SF, 2003, 950 pages, 12,30 €.

Du même auteur : Mars la Rouge & Mars la Verte

18/09/2006

Naufrages - Akira Yoshimura (1982)

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medium_naufrages.gifIsaku, jeune garçon de neuf ans, apprend la vie en grandissant au cœur d'un village de pêcheurs coincés entre mer et montagnes. Son père est parti "se louer" comme force de travail laissant à son fils aîné mais pourtant si jeune la lourde responsabilité de sa famille. Pour échapper à la misère omniprésente les villageois se soumettent à une étrange coutume en se faisant naufrageurs : les nuits de tempêtes ils allument de grands feux sur la plage, attendant que des navires en difficulté, trompés par la lumière, viennent s'échouer sur les récifs, afin de les piller après en avoir tué l'équipage. Hors du temps, hors du monde, le village ne survit que par sa monstruosité. Bien sûr, il devra en payer le prix...

Akira Yoshimura nous propose ici un conte philosophique inspiré d'une légende japonaise. Sombre et cruel, ce récit parabolique épouse avec mélancolie le rythme lent des saisons au fil desquelles Isaku découvre le destin violent dévolu à ses semblables. A la fois sublime, triste et rude ce récit d'une grande intensité est souligné par une écriture austère, épurée à l'extrême, à la limite de l'exsangue et d'une remarquable précision.

 

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Akira Yoshimura, Naufrages, traduction de Rose-Marie Makino-Fayolle, éd. Acte Sud, coll. Babel, 2004, 192 pages, 7,50 €.

09/09/2006

Balzac et la Petite Tailleuse chinoise – Dai Sijie (2000)

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medium_petite_tailleuse.gif«Dans la Chine rouge, à la fin de l'année 68, le Grand Timonier de la Révolution, le président Mao, lança un jour une campagne qui allait changer profondément le pays : les universités furent fermées, et les "jeunes intellectuels", c'est-à-dire les lycéens qui avaient fini leurs études secondaires, furent envoyés à la campagne pour être "rééduqués par les paysans pauvres".»

Dans les années 1970 la Révolution culturelle a donc exilé dans la montagne du Phénix du Ciel deux lycéens citadins, le narrateur et son ami Luo, à fin de rééducation dans les rizières. La vie est rude et laborieuse et, sous l'oeil vigilant du chef du village, un communiste zélé mais un peu ignare, les deux garçons tentent tout simplement de continuer à vivre. Heureusement deux évènements vous venir éclaircir la condition des deux amis : Découvrir la suite...

23/08/2006

Océan mer - Alessandro Baricco (1993)

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medium_ocean_mer.gifA la pension Almayer, posée sur la corniche ultime du monde, à un pas de la fin de la mer, se croisent sept personnages au destin étrange et romanesque, sept naufragés de la vie qui tentent de recoller les morceaux de leur existence.
Plasson le peintre veut réaliser le portrait de la mer. Ann Dévéria est venue pour guérir d'une maladie étrange : l'adultère. Le Professeur Ismaël Bartleboom cherche à définir l'endroit exact où finit la mer. Elisewen est atteinte d'une maladie rampante et insaisissable, une maladie de petite fille trop fragile pour vivre et trop vivante pour mourir : la mer doit la sauver. Le Père Pluche accompagne Elisewen et ne dit jamais ce qu'il faudrait dire. Adams, lui, se tait, paraissant à jamais exilé dans un monde qui, inexorablement, est ailleurs. Et puis, il y a l'autre locataire dans la pension. Dans la 7e chambre, celle qui a l'air vide. Eh bien, elle ne l'est pas. Il y a un homme dedans. Mais il ne sort jamais.
Enfin et surtout il y a la mer, le vrai personnage principal de ce récit entre poésie et bizarrerie.

Toute la première partie de livre (la moitié) est franchement agaçante. On oscille entre la mièvrerie surécrite, mais habilement ficelée j'en conviens, et le roman d'aventures pseudo-philosophique savamment construit. Le récit, à tiroirs, est haché, fait de ruptures tant narratives que stylistiques. Ces effets déroutent un peu et énervent pas mal en nous tenant éloignés de la fiction : on devine une intrigue mais on ne comprend pas bien de quoi il en retourne... jusqu'à la fin évidemment où les morceaux du casse-tête prennent sens.
Mais surtout, à retenir, le passage central du roman, évoquant le naufrage de la Méduse : époustouflant ! Le récit monte alors en intensité pour un finish à bout de souffle : «La première chose c'est mon nom, la seconde ces yeux, la troisième une pensée, la quatrième la nuit qui vient, la cinquième ces corps déchirés, la sixième c’est la faim, la septième l’horreur, la huitième les fantasmes de la folie, la neuvième est la chair et la dixième est un homme qui me regarde et ne me tue pas.» Sublimissime !
Malheureusement cette quinzaine de pages ne suffit pas à sauver l'ensemble, bouffi de prétention littéraire.

  

BlueGrey

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Alessandro Baricco, Océan mer, traduit de l'italien par Françoise Brun, éd. Gallimard, coll. folio, 2002, 282 pages, 5,60 €.

Du même auteur : Soie et Sans sang