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01/09/2008

La duchesse de Bloomsbury Street – Helene Hanff (1973)

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4539821f79cac91f36d23248036b7001.gifAprès vingt ans de correspondance avec le personnel d'une librairie londonienne spécialisée en livres rares, Helene Hannf la new-yorkaise découvre enfin Londres en juin et juillet 1971. Malheureusement l'ami libraire, Frank Doel, est décédé sans qu'elle ait pu le rencontrer. Mais se femme, sa fille et une foule de personnages hauts en couleur l'accueillent lors de son séjour, ses premières vacances à l'âge de 54 ans. Tour à tour bougonne et enjouée, l'excentrique Helene nous fait partager son voyage, ses rencontres, ses impressions, raconte sa plongée dans un univers mondain qui n'est pas le sien, croque Londres et les londoniens et émaille sont récit de points de vues savoureux (sur le bus, la prostitution, la famille royale, les fêtes nationales, la recette du gin-martini...). Et surtout nous la suivons avec tendresse et émotion sur les traces de ses héros de toujours : dramaturges, poètes, philosophes, de préférence élisabéthains.

Ce récit est certes moins alerte et touchant que sa correspondance, mais pour qui a aimé 84, Charing Cross Road, retrouver Helene fidèle à elle-même (hypocondriaque, impécunieuse et iconoclaste au grand cœur) et partager sa découverte du Londres littéraire est un plaisir !

  

BlueGrey

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Helene Hanff, La duchesse de Bloomsbury Street (The duchess of Blommsbury Street), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Noël Liaut, éd. Payot, 2002 (1973), 189 pages, 12,50 €.

L'avis de YueYin.

Du même auteur : 84, Charing Cross Road

29/08/2008

Quelques-uns des cent regrets – Philippe Claudel (2000)

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961b41efeae64060c715984e990a341f.gifC'est une histoire simple et triste, une histoire empreinte de mélancolie et de nostalgie, une histoire d'amour filial qui n'a pas su s'exprimer. C'est un roman touchant qui explore avec délicatesse et réserve une douleur intime, un acte manqué, un regret...

« Il n'a fallu que quelques pauvres secondes au commis pour dévoiler ce qui m'avait été caché si longtemps, le visage de ma mère, son visage, son beau visage que je n'avais pas revu depuis seize ans. Seize longues années, seize minces années qui m'avaient fait devenir un homme déjà las, un peu amer.
Elle portait des cheveux un peu plus longs que par le passé. Sa blondeur s'était mêlée d'argent. Son visage gardait la beauté simple qui en était la marque. A peine les rides l'avaient-elles tissé d’un mince réseau de blessures. Le temps s'était déposé en elle, avec sa fatigue et son poids, comme une poussière. [...]
Etaient-ce les années vécues sans la voir qui me faisaient la croire plus jeune qu'elle n'était en vérité ? La mort lui allait comme un curieux vêtement. »

Le fils est revenu, trop tard bien sûr. Il est revenu dans son village natal, triste bourgade inondée du nord de la France, pour enterrer sa mère. Il va y passer trois jours, trois jours pour rappeler les ombres de son enfance, trois jours pour transformer sa peine et sa culpabilité en un douloureux apaisement.

La langue est belle et riche, la construction du récit, solide, l'histoire teintée d'amertume. Lentement, par petites touches qui paraissent de prime abord insignifiantes, Philippe Claudel dépeint, derrière le sourire de façade et le quotidien le plus sinistre, les drames qui jalonnent une existence. Il évoque les faiblesses et les errements d'un homme, mais a suffisamment de compassion et d'empathie pour ne jamais juger. Il nous propose ainsi un récit tristement beau, empreint d'une émotion juste et parsemé de petites griffes de douleur, celles des souvenirs qui font mal.

 

BlueGrey

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Philippe Claudel, Quelques-uns des cent regrets, éd. Gallimard, coll. folio, 2005 (2000), 180 pages, 5,30 €.

Du même auteur : La petite fille de Monsieur Linh

26/08/2008

Chagrin d'école – Daniel Pennac (2007)

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« Commençons par l'épilogue : Maman, quasi centenaire, regardant un film sur un auteur qu'elle connaît bien. »

Encore un livre sur l'école pensez-vous ? Non, un livre sur le cancre ! Et c'est bien plus réjouissant ! Dans la lignée de Comme un roman, Chagrin d'école aborde donc la question de l'école, mais du point de vue de l'élève, et en l'occurrence du mauvais élève, du "cancre" que Daniel Pennac fut lui-même avant de devenir professeur. Un livre sur la douleur de ne pas comprendre.

« Ah ! Terribles sentinelles, les majuscules ! Il me semblait qu'elles se dressaient entre les noms propres et moi pour m'en interdire la fréquentation. Tout mot frappé d'une majuscule était voué à l'oubli instantané : villes, fleuves, batailles, héros, traités, poètes, galaxies, théorèmes, interdits de mémoire pour cause de majuscule tétanisante. Halte là, s'exclamait la majuscule, on ne franchit pas la porte de ce nom, il est trop propre, on n'en est pas digne, on est un crétin ! »

Le livre mêle ainsi des souvenirs autobiographiques à des réflexions sur l'école, les profs, la pédagogie, sur le rôle des parents et de la famille, sur la société actuelle, le jeunisme ambiant, le rôle de la télévision. Le tout donne un livre un peu fouillis, un joyeux fourre-tout aux chapitres courts qui rassemble un paquet d'idées à la profondeur inégale : banales et un peu faibles quand l'auteur s'insurge contre la société de consommation et le diktat des marques chez les jeunes, beaucoup plus intéressantes quand il met en parallèle son expérience de prof idéaliste et le mauvais élève qui le hante toujours.

Parfois un brin verbeux et presque moralisateur dans le dernier tiers du livre, Daniel Pennac le professeur, jamais dupe de lui-même, est alors judicieusement rappelé à l’ordre par le cancre Pennacchioni (le vrai nom de Pennac) en un dialogue entretenu avec l'enfant qu'il fut :

« - Moi, un jeune obèse désincarné ?
(Oh ! Bon dieu, le revoilà...)
- Qui te permet de parler à ma place ?
Nom d'un chien, pourquoi l'ai-je évoqué, ce cancre que je fus, cet indécrottable souvenir de moi-même ? J'arrive enfin à mes dernières pages, il me fichait la paix depuis cette conversation avec Maximilien, et voilà que je le rappelle à mon bon souvenir !
- Réponds-moi ! Qu'est-ce qui t'autorise à penser que si j'étais né il y a une quinzaine d'années, je serais le cancre hyperconsommateur que tu dis ?
Aucun doute, c'est bien lui, toujours à exiger des explications au lieu de fournir des résultats. Bon, allons-y :
- Et depuis quand ai-je besoin de ton autorisation pour écrire quoi que ce soit ?
- Depuis que tu dégoises sur les cancres ! En matière de cancrerie c’est moi l’expert, il me semble ! »

L'écriture spontanée, drôle et touchante de Daniel Pennac, associée à un style qui possède une malice et une tendresse piquante, font de son livre un témoignage à la fois léger et grave, potache et sérieux, à la nostalgie voilée. Un agréable moment de lecture.

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e%2040.gif Daniel Pennac, Chagrin d'école, éd. Gallimard, 2007, 304 pages, 19 €.

Du même auteur : Messieurs les enfants

17/08/2008

Le parfum d'Adam – Jean-Christophe Rufin (2007)

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43c7b5f53f7118636d5d3c9b0f034e41.gifPologne, printemps 2005. Juliette, jeune écolo française fragile et idéaliste, libère des animaux de laboratoire. Cette action militante apparemment relativement innocente va l'entraîner au coeur d'un complot sans précédent qui, au nom de la sauvegarde de la planète, prend pour cible l'espèce humaine. En parallèle deux ex-agents de la CIA passés dans le privé, Paul et Kerry, enquêtent sur un groupe d'écolo-terroristes baptisés les Nouveaux Prédateurs...

En France, l'écologie est considérée comme une cause acquise et sympathique. Pourtant le FBI considère l'écologie radicale comme la deuxième source de terrorisme mondial, après le fondamentalisme musulman. Entendons-nous bien, nous parlons ici d'une forme dure d'écologie, la "deep ecology", encore méconnue en France. Cette idéologie considère l'être humain comme le "prédateur suprême" et envisage son éradication au nom de la sauvegarde de la planète. Le roman de Jean-Christophe Ruffin a donc le mérite de rappeler au lecteur français, généralement ignorant de ce phénomène, l'histoire des mouvements théoriciens et des groupes d'action se rattachant à ce mouvement. Jean-Christophe Rufin dévoile les paradoxes et les dérives d'une pensée écologique radicale qui irait jusqu'à l'extrême bout de sa logique. Rufin explore ainsi les nouvelles réalités contemporaines, au carrefour de l'écologie, de la médecine, de l'extrémisme, du terrorisme et de la politique internationale.

Mais si je reconnais l'habileté de Rufin dans sa manière à la fois didactique et légère de faire comprendre les enjeux, j'avoue avoir trouvé le tout un brin longuet et pas vraiment haletant. En effet le livre à thèse affleure parfois de façon encombrante sous le roman d'espionnage. Et pour un roman qui se revendique "thriller", cela manque cruellement de souffle et de suspens. L'intrigue s'étire sur plus de 500 pages en une enquête effarante de facilité : les indices sont évidents, les intuitions des enquêteurs toujours exactes et, malgré la barbarie monstrueuse du complot, il est finalement déjoué sans trop de difficultés et sans une goutte de sang versée...

Si le roman de Jean-Christophe Ruffin présente un intérêt documentaire indiscutable, les sept pages de postface auraient suffi à nous sensibiliser à la problématique développée dans ce "thriller" trop fade pour être crédible.

  

BlueGrey

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Jean-Christophe Rufin, Le parfum d'Adam, éd. Flammarion, 2007, 538 pages, 20 €.

Florinette a elle beaucoup aimé.

14/08/2008

Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie – Yôko Ogawa (1990-1991)

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29914a0230d231dd9e8b7ee235bc8036.gifVoici donc un petit recueil de deux nouvelles, deux histoires de rencontres.

Dans la première nouvelle, Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie, quelques temps avant son mariage, la narratrice rencontre un enfant et son père, tous deux plongés dans la contemplation d'un restaurant scolaire. La conversation s'installe et l'homme lui raconte pourquoi l'image d'un réfectoire le soir évoque pour lui le souvenir d'une piscine sous la pluie.

Dans Un thé qui ne refroidit pas, la narratrice retrouve un camarade de classe lors d'un enterrement. Invitée chez lui quelques jours plus tard, elle y rencontre sa femme, fascinante et troublante : « [...] elle était belle à couper le souffle. D'une beauté qui risquait de disparaître si l'on essayait de la saisir. »

Situés dans un contexte social et quotidien bien établi (un mariage et un enterrement), ces deux récits prennent rapidement une dimension toute autre, vers quelque chose d'abstrait et d'impalpable, de l'ordre de l'indéfinissable qui se produit lors d'une rencontre. Avec finesse et subtilité Yôko Ogawa effleure l'intime et l'inconscient de personnages vivant des instants simples mais précieux, des instants comme hors du temps, parenthèses de leur existence.

Si la première histoire m'a laissée indifférente, j'ai par contre beaucoup aimé la seconde, au charme discret et quelque peu désuet. Il ne se passe pour ainsi dire rien dans ce récit, ou pas grand-chose, aucune "action", et pourtant il se passe quelque chose malgré tout, quelque chose en nous, on "ressent" beaucoup. Une sensation de fragilité et de mélancolie, difficile à déterminer, émane du récit et lentement submerge le lecteur. Avec ces mots précis pour évoquer un amour tel une évidence, Yôko Ogawa nous offre un récit limpide et simplement beau.

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Yôko Ogawa, Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, éd. Actes Sud, coll. Babel, 1998 (1190-1991), 105 pages, 6,50 €.

Les avis de Tamara et Lou.