12/09/2007
84, Charing Cross Road - Helene Hanff (1970)
Heureux le lecteur qui ne connaît pas encore ce court récit épistolaire, heureux celui qui le découvre pour la première fois ! Car personne ne peut résister à l'enchantement de cette histoire d'amitié/amour qui unit, il y a bien des années et par-delà l'océan, Helene et Frank.
Le 5 octobre 1949 Helene Hanff, "écrivain sans fortune" New-yorkaise, écrit pour la première fois à la librairie Marks & Co, 84, Charing Cross Road, Londres, afin de se procurer des livres introuvables en Amérique. S'engage alors une étrange correspondance entre les Etats-Unis et l'Angleterre, entre cette femme, libre de caractère et de propos, amoureuse de la littérature, et les employés de la librairie, un peu engoncés dans leurs obligations professionnelles. Pendant vingt ans l'extravagante Helene et Frank Doel le libraire flegmatique s'écriront, sans jamais se rencontrer. Et alors que Frank Doel reste circonspect et protocolaire, du moins dans un premier temps, Miss Hanff est passionnée et généreuse, ses lettres sont plus familières, enlevées, drôles et tendres, ses propos vifs et gentiment piquants, plein d'esprit et de répartie, et toujours empreints d'un amour fou pour la littérature et l'objet livre.
Cette correspondance est forcément parcellaire mais ces quelques 80 lettres constituent une courte histoire toute personnelle de la littérature, principalement anglo-saxonne, et un petit traité à l'usage du lecteur bibliophile amateur. Je me permets d'ailleurs une parenthèse en guise d'avertissement auprès de mes collègues LCA : ce livre ne fera qu'aggraver votre pathologie... A lire avec stylo et carnet à portée de main afin de noter compulsivement toutes les références qui foisonnent et qui ne pourront que vous pousser au vice !
Et je ne peux évidemment pas résister au plaisir de vous en faire partager quelques extraits :
le Stevenson est tellement beau qu’il fait honte à mes étagères bricolées avec des caisses à oranges, j’ai presque peur de manipuler ses pages en vélin crème, lisse et épais. Moi qui ai toujours eu l’habitude du papier trop blanc et des couvertures raides et cartonnées des livres américains, je ne savais pas que toucher un livre pouvait donner autant de joie. p 9
Pourriez-vous désormais traduire vos prix ? Même en américain, je ne suis pas très forte en calcul, alors maîtriser une arithmétique bilingue, ça tiendrait du miracle ! p 9
J'adore les livres d'occasion qui s'ouvrent d'eux-mêmes à la page que leur précédent propriétaire lisait le plus souvent. Le jour où le Hazlitt est arrivé, il s'est ouvert à «Je déteste lire des livres nouveaux» et je me suis exclamée «Salut, camarade !» à l'adresse de son précédent propriétaire, quel qu'il soit. p 13
j'en suis réduite à écrire des notes interminables dans les marges de livres qui ne sont même pas à moi mais à la bibliothèque. Un jour ou l'autre ils s'apercevront que c'est moi qui ait fait le coup et ils me retireront ma carte. p 16
Le Newman est arrivé il y a presque une semaine et je commence à peine à m'en remettre. Je le garde sur mon bureau auprès de moi, toute la journée, et de temps en temps j'arrête de taper à la machine pour allonger la main vers lui et le toucher. p 25
Cher Eclair, Vous me donnez le tournis à m'expédier Leigh Hunt et la Vulgate comme ça, à la vitesse du son ! Vous ne vous en êtes probablement pas rendu compte, mais ça fait à peine plus de deux ans que je vous les ai commandés. Si vous continuez à ce rythme-là vous allez attraper une crise cardiaque. p 43
M. de Tocqueville vous envoie ses compliments et me prie de vous annoncer qu'il est bien arrivé en Amérique. Il reste assis là, avec un air supérieur parce que tout ce qu'il a dit se révèle exact, en particulier le fait que les hommes de loi sont les maîtres de ce pays. p 90
Un tout petit livre-bijou, précieux et rare, frais, léger, tendre, drôle, délicat, savoureux et joyeux. Absolument délicieux !
BlueGrey
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Helene Hanff, 84, Charing Cross Road, traduit de l'anglais par Marie-Anne de Kisch, éd. Autrement Littérature, 2001 (1970), 113 pages, 12,20 €.
Allie, Papillon, YueYin, Chimère, Frisette, BMR & MAM, Choupynette... tout le monde aime ce livre ! (Sauf Thom !)
Du même auteur : La duchesse de Bloomsbury Street
16:10 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : littérature, lettres, correspondance, Angleterre, New-York
Commentaires
Me voilà donc heureuse de ne l'avoir pas encore lu ! :-)
Écrit par : Tamara | 12/09/2007
@ Tamara : sois heureuse, en effet, et cours vite le mettre au sommet de ta PAL ! ;-)
Écrit par : BlueGrey | 12/09/2007
Et comment ne pas l'aimer... Un petit bijou !
Écrit par : Gachucha | 12/09/2007
Je l'ai adoré et je compte bien le relire un jour...
Écrit par : Florinette | 12/09/2007
Pas encore lu, mais c'est dans mes projets!
Écrit par : Gaël | 12/09/2007
Ah je suis heureuse, encore une convertie... que j'aime ce livre, mon remède conte les coups de blues en toute occasion :-)
Écrit par : yueyin | 13/09/2007
je l'ai commandé...
Écrit par : larkéo | 16/09/2007
Bon alors désolé, mais non : moi, je l'ai pas aimé. Ca ne surprendra personne, je suis toujours le râleur de service. Ca m'avait ennuyé au possible :-)
(mais bon, je n'en dégoute personne hein :))
Écrit par : Thom | 16/09/2007
@ Gachucha : un bijou, exactement !
@ Florinette & yueyin : ce livre est l'un de ceux vers lesquels on revient et dans lesquels on peut aisément piocher un peu de soleil en cas de blues...
@ Gaël & Larkéo : j'attends vos avis !
@ Thom : vade retro... !
Écrit par : BlueGrey | 17/09/2007
Je suis ravie que tu aies succombé et j'aime beaucoup ton intro :)
(mais je suis encore plus contente de te voir le 29 :D)
@Thom : vive les schtroumpfs grognons !! ;)
Écrit par : Flo | 19/09/2007
Ah Thom est aussi le frère de FLO ?
Écrit par : anjelica | 20/09/2007
Je viens de lire une critique sur ce livre qui me tente depuis des années... si avec tout ça je ne me laisse pas tenter !:p
Écrit par : Lou | 23/09/2007
Désolée de venir avec un gros pavé dans la mare limpide de ce petit roman, mais Mme Hanff est loin d'être aussi aimable qu'il ne parait : elle est même si blessante que le libraire ne lui répond plus durant une longue période. Et puis, malgré l'amour des livres évident de ces lettres, n'a-tu pas trouvé longues ces formules protocolaires?
Écrit par : sybilline | 14/06/2008
@ sybilline : blessante Hélène Hanff ? Je n'ai pas ressenti ça du tout... Parfois un petit peu condescendante peut-être, mais blessante, non, je ne trouve pas.
Quant aux longueurs des formules protocolaires, je me souviens bien que Hélène abandonne vite les formules protocolaires justement pour adopter un ton plus amical. C'est plutôt du côté de la librairie qu'ils restent longtemps enferrés dans les formules protocolaires...
Écrit par : BlueGrey | 17/06/2008
Je suis tout à fait d'accord avec toi pour ce petit bijou, qui m'a été prêté par une bibliothécaire ! Je l'avais adoré, d'abord parce qu'il parle des livres, qui sont ma passion, mais aussi par l'opposition parfaite des deux personnages: l'anglais si policé et l'américaine pieds-dans-le plat...
Je te livre mon post sur ce petit livre, que je vais acheter, tiens, juste pour l'avoir près de moi:
http://pasiondelalectura.wordpress.com/tag/helen-hanff/
Écrit par : pasiondelalectura | 19/04/2013
@ pasiondelalecture : nous sommes d'accord ! Un petit bijou ce bouquin ! :)
Et je vois que toi aussi tu aimes garder les livres aimés près de toi...
Écrit par : BlueGrey | 07/08/2013
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