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14/10/2008

Cinq petits cochons – Agatha Christie (1942)

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Cinq petits cochons.gifCinq petits cochons : le titre, celui d'une comptine, dessert peut-être ce roman d'Agatha Christie, qui n'est pas l'un des plus connu, mais est pourtant très bon ! Moi-même je ne l'aurais certainement pas ouvert sans l'intervention de Gaël. Merci donc à Gaël d'avoir attiré mon attention sur lui ! Car il s'agit d'un roman astucieux, à la construction originale et intéressante. En effet l'enquête porte sur un ancien crime qui a déjà donné lieu à un procès et à une condamnation. Ainsi Hercule Poirot, qui ne déteste rien tant que de devoir chercher des preuves matérielles, va-t-il pouvoir se concentrer exclusivement à la dissection de la psychologie des personnages.

Mais venons-en à l'intrigue : seize ans auparavant, Amyas Crale, peintre renommé, est mort empoisonné et sa femme Caroline a été condamnée à la détention perpétuelle. Seize ans après, sur la foi d'une lettre de l'accusée à sa fille dans laquelle, peu avant sa mort, elle clame son innocence, Hercule Poirot reprend l'affaire en interrogeant un à un les cinq témoins présents le jour du meurtre : Philip Blake (ami d'enfance d'Amyas), Meredith Blake (frère de Philip), Elsa Greer (maîtresse d'Amyas qui réalisait son portrait), Cecilia Wiliams (la gouvernante) et Angela Warren (demi-sœur de Caroline). A chacun il va demander un double témoignage : un premier, oral, lorsqu'il va les rencontrer tour à tour, un second, écrit, puisqu'il les convainc de transcrire les événements. Enfin, avant la traditionnelle réunion de reconstitution dans laquelle il dévoilera la vérité, il retournera poser encore une question, une seule et unique question, à chaque témoin. En tout donc cinq questions sans doute décisives pour lui, pour lui permettre de parachever ses déductions, mais aussi assez surprenante pour le lecteur !

La grande habileté d'Agatha Christie réside dans la façon dont elle a disposé et confronté ces témoignages contradictoires. On entend (on lit plutôt) deux fois cinq versions du déroulement de la même journée, des mêmes événements, mais on ne s'en lasse pas car chaque récit est différent et apporte des éléments nouveaux, un nouvel éclairage, et ébranle nos convictions.

Enfin, de même que dans Dix petits nègres, la trame de Cinq petits cochons repose sur le système de "prédictions" données par les vers de la comptine. Toutefois dans ce roman-ci la comptine qui trotte dans la tête de Poirot tient un rôle moindre et n'a pas de fonction structurante. Elle se résume à fournir de simples indications plus ou moins explicites sur le caractère des personnages. En effet les protagonistes de cette histoire sont dotés d'une épaisseur et d'une complexité psychologique peu communes dans l'œuvre d'Agatha Christie (qui dépeint parfois des personnages assez schématiques et convenus).

Et puis, quel bonheur de retrouver ce cher Poirot, tel qu'on l'aime : terriblement imbu de sa personne et si délicieux de suffisance !

 

BlueGrey

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Agatha Christie, Cinq petits cochons (Five little pigs), éd. LGF, coll. Le Livre de Poche, 1976 (1942), 248 pages, 5,20 €.

Les avis de Gaël et de Thom.

Du même auteur : La Plume empoisonnée

01/10/2008

Le Fiancé de la lune – Eric Genetet (2008)

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Le Fiancé de la lune.gifToujours entre deux hôtels, deux filles, deux missions, deux avions, Arno Reyes, la quarantaine, vit libre et sans attaches. Jusqu'au jour où il tombe fou amoureux de Giannina, jeune chanteuse de jazz. Rencontre, coup de foudre, passion, vie commune, bébé, routine et usure...

Avec «quand l'amour s'emballe» en exergue sur la couverture, j'étais assez méfiante en prenant ce livre. Mais le titre, Le Fiancé de la lune, poétique et intriguant, m'a fait l'ouvrir malgré mes réticences. Et puis, une belle histoire d'amour, de temps en temps, ça fait du bien... Hélas ! L'histoire est d'une banalité affligeante et le style télégraphique, d'une pauvreté navrante. Certes, on est tous un peu niais quand on est amoureux, mais cela ne peut en aucun cas justifier des dialogues d'une telle inconsistance :
« - J'aime Paris. Avait dit Arno.
- J'aime la vie à Paris, la nuit, quand le vent souffle sur les toits. Avait dit Giannina.
- J'aime Paris. Avait répété Arno.
- J'aime aussi... Le goût de l'Aspégic dans tes baisers.
- Je deviendrai le souffle sur ta peau, sur ton ventre, sur tes seins, sur tes pieds.
- Tu vois mes pieds dans la glace ?
- J'aime tes pieds dans la glace Giannina.
- J'aime les pieds de Paris dans la glace.
- J'aime le goût de l'Aspégic. Avait répondu Arno.
- J'aime aussi... Le goût de la pluie.
- Je suis la pluie sur ta peau.
- Tu es la pluie sur ma peau.
- Je suis la nuit sur Paris. »
?!!??? Vraiment, les mots me manquent... De plus je suis totalement réfractaire au style SMS parfois employé dans la première partie du roman et utilisé afin d'ancrer le récit dans l'époque actuelle.

Le personnage principal, Arno donc, n'est en outre pas sympathique : toujours fuyant, jamais satisfait, vite rassasié. Son "amour fou" retombe aussi vite qu'un soufflet. Décevant. Le personnage de Giannina (mais qu'est-ce qu'elle lui trouve ?) m'a paru plus intéressant, mais pas assez développé pour s'y attacher réellement (ce n'est pas elle le sujet de l'histoire, mais ce cher Arno, très égocentré).

La seule raison qui m'a retenue de refermer ce livre avant la fin est que dès le début on sent une ombre planer sur cette histoire... La concrétisation de cette ombre rend la seconde partie du roman plus intéressante, quoique franchement prévisible.

 

BlueGrey

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Eric Genetet, Le Fiancé de la lune, éd Héloïse d’Ormesson, 2008, 123 pages, 15 €.

Les avis de Clarabel et Argantel.

Merci à Chez les filles et aux Editions Héloïse d'Ormesson de m'avoir envoyé ce livre.

26/09/2008

Tôkyô électrique – Collectif (2000)

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Tokyo électrique.gifTôkyô ! Gigantesque Tôkyô : 2000 kilomètre carrés, 12 millions d'habitants... Cinq écrivains japonais (Muramatsu Tomomi, Morita Ryûji, Hayashi Mariko, Shiina Makoto, Fujino Chiya) nous présentent quelques individus comme choisis au hasard dans cette cohue. Car si Tôkyô donne son nom à ce recueil de nouvelles, elle ne sert finalement que de décors aux quelques éclats de vies captés dans ces cinq récits.

L'évanescente Yumeko est au centre des conversations entre habitués du bar Fukagawa. L'auteur, Muramatsu Tomomi, porte un regard empathique et tendre sur ces personnages. Il les décrit dans un environnement (le bar et le quartier Fukagawa) qui semble les avoir façonné. Et c'est dans leur dialogue, entre retenu et suggestion, que l'on devine la personnalité énigmatique de l'absente, Yumeko.

Dans Les Fruits de Shinjuku, deux étudiants paumés, personnages profondément romantiques, se prennent de passion pour une toute jeune prostituée philippine et sont ainsi confrontés à une violence qui les dépasse. Le style incisif, presque photographique, de Morita Ryûji donne à ce récit un ton de "vérité" troublant et quelque peu dérangeant.

Eriko est une jeune femme qui a su se faire une place à la fois dans le monde du travail et dans celui de la consommation. Elle se revendique libre, jouisseuse, sans contraintes... Elle a fait un pacte avec Yôichirô : être Amants pour un an. Dans cette nouvelle faussement naïve et assez amère, Hayashi Mariko met en scène les rêves et les désillusions d'une jeune femme en décrivant sa difficile rencontre avec un homme quand les règles de la séduction, la recherche du plaisir personnel et les exigences de l'organisation sociale (mariage, famille, travail) se font trop contradictoires.

Après l'incendie de son logement, un salaryman campe sous La Tente jaune sur le toit. Cette nouvelle de Shiina Makoto, pleine de fraîcheur, est empreinte d'une sorte d'«optimisme désillusionné» : un style et un ton que j'ai particulièrement apprécié.

Enfin Natsumi est Une ménagère au poste de police. Ce récit de Fujino Chiya débute dans le quotidien pour doucement se teinter d'absurde.

Bien qu'écrites par des auteur différents, ces cinq histoires ont une proximité stylistique évidente (l'écriture japonaise ?) : élégance d'un style épuré qui sait suggérer à moindre mots. Autre constante, il ne s'agit pas de nouvelles "à chute". Ces nouvelles n'ont pas de début ni de fin marqués, mais plutôt un final en points de suspensions...

 

BlueGrey

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Muramatsu Tomomi, Morita Ryûji, Hayashi Mariko, Shiina Makoto, Fujino Chiya, Tôkyô électrique, traduit du japonais par Corinne Quentin, éd. Philippe Picquier, coll. Picquier Poche, 2006 (2000), 270 pages, 8,50 €.

07/09/2008

La perle - John Steinbeck (1947)

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fcc307d8fe3f6491f91a301b0cab8b3e.gif«Jouant de sa lame comme d'un levier, il le fit céder et le coquillage s'ouvrit. Les lèvres de chair se crispèrent puis se détendirent. Kino souleva le repli et la perle était là. Elle accrochait la lumière, la purifiait et la renvoyait dans une incandescence argentée. Elle était aussi grosse qu'un œuf de mouette. C'était la plus grosse perle du monde.»

C'est l'histoire d'une grosse perle, comment elle fut trouvée, puis perdue à nouveau. C'est l'histoire de Kino, le pêcheur, de sa femme Juana et de leur bébé Coyotito. C'est la courte fable d'un pauvre pêcheur d'origine indienne qui pêche, en Californie, la plus grosse perle du monde. Il espère qu'elle lui apportera tout ce dont il a toujours rêvé, le meilleur pour sa femme et son fils, la reconnaissance sociale, et le respect. Mais cette découverte éveille les convoitises des voisins et déchaîne autour de lui les forces du mal...

Le thème et le message de l'oeuvre sont très simples : "l'argent ne fait pas le bonheur". Mais au-delà de cette simplicité, le style de Steinbeck métamorphose le conte en une parabole tragique jugeant de la nature humaine, de la jalousie et de la corruption. Steinbeck caractérise remarquablement les comportements humains, dans des passages courts mais acérés. Ses descriptions des vices et des vertus des hommes sont d'une justesse terrible et implacable. Toute l'analyse de l'auteur est distillée grâce à un style fluide. L'intrigue est menée comme dans un roman policier, les événements se succèdent afin de garder le lecteur toujours en émoi, jusqu'au dénouement tragique.

Un texte agréable pour le style Steinbeck mais dur par l'histoire très noire et jusqu'au bout sans éclaircie.

 

BlueGrey

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John Steinbeck, La perle (The Pearl), éd. Gallimard, coll. folio, 1973 (1947), 121 pages, 5,30 €.

04/09/2008

Les Conspirateurs – Shan Sa (2005)

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3ceb8c456622636dad1762081b2ae902.gifA Paris, Jonathan Julian, bel informaticien américain, aménage dans le même immeuble que la chinoise Ayamei, ancien leader des émeutes de Tianan men réfugiée en France et étrangement liée à Philippe Matelot, politicien français véreux. Ces trois personnages vont se croiser, se séduire, se mentir, se tromper, se manipuler, se traquer, chacun oeuvrant en secret pour son gouvernement, car tous trois sont espions.

Pour construire son intrigue, l'auteur s'est uniquement concentré sur les tensions relationnelles et émotionnelles entre les personnages qui se livrent à une guerre psychologique. A chaque chapitre, le narrateur change et le lecteur découvre ainsi ce que chacun des personnages sait ou devine des autres, celui que l'on pensait manipulé manipulant tout autant. Les trois espions jouent ainsi à qui est qui en une intrigue en poupées russes où les enjeux politiques mondiaux, la guerre économique entre Etats et les rivalités entre services de contre-espionnages ne servent finalement que de décors à un banal chassé-croisé amoureux. Car sans toutefois oser franchement le vaudeville, ce roman de Shan Sa s'apparente plus à un marivaudage (avec pour épicentre le grand classique du triangle amoureux) qu'à un roman d'espionnage. Et même dans ce registre, nous sommes loin de la beauté poétique du très élégant et sensible roman La joueuse de Go. Les personnages sont caricaturaux, les dialogues sont lourds et affligeants de platitude (saupoudrés par moment d'anglais et chinois en VO, artifice totalement superflu) et les situations manquent de crédibilité. La structure narrative et le développement du récit en un dévoilement progressif des personnalités donne un certain intérêt à l'intrigue, sans toutefois rattraper la désespérante pauvreté et superficialité de l'ensemble, bien fadasse.

  

BlueGrey

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Shan Sa, Les Conspirateurs, éd. LGF, coll. Le Livre de Poche, 2007 (2005), 217 pages, 6 €.