21/04/2007
Givre et sang – John Cowper Powys (1925)
Genre : des forces opaques traversent les âmes et les coeurs
Rook Ashover est tiraillé entre quatre femmes : sa mère, qui voudrait le voir marié et donné une descendance à la lignée des Ashover ; Lady Ann, sa cousine, qui aspire a devenir Mme Ashover ; Netta Page, sa maîtresse ; et Nell, la femme du pasteur qui lui voue une adoration sans bornes. Mais surtout et avant tout il est lié à son frère Lexie, gravement malade et dont la vie et menacée.
Des personnages écorchés, tourmentés par leurs pulsions contradictoire, écartelés entre passion et culpabilité, des descriptions minutieuse et presque mystique de la nature, du romanesque désuet distillé par un style grandiloquent, par exemple «la prédominance du jaune pâle sur toute autre couleur donnait au fragment d'espace encadré par la porte ouverte une apparence d'obsèques solennelles, comme si le corps archaïque et nu de la terre était recouvert d'un suaire de givre doré» ou encore «le temps acerbe ressemblait à un vieil ébéniste allemand, venu de Nuremberg ou de Rothenburg, ciselant de son instrument de fer, entre ses doigts osseux, une forme en volute qui serait comme l'essence platonique ou l'émanation spirituelle d'un végétal pétrifié par le gel dans la Forêt-Noire» et enfin (je ne vous épargne rien !) «comme des cadavres d'enfants royaux tués au cours d'un holocauste sacré, enveloppés dans des linceuls d’or, les lentes strophes gnomiques, mélancoliques comme des litanies, que murmurait la voix profonde et hiératique de Lexie, s'enfoncèrent dans les flots du temps et disparurent à jamais.»
Disons donc que le "charme" de ce livre ne m'a pas atteint...
BlueGrey
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John Cowper Powys, Givre et sang (Ducdame), traduit de l’anglais par Diane de Margerie et François-Xavier Jaujard, éd. du Seuil, coll. Points-Roman, 1982 (1925), 360 pages.
21:50 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, roman, Angleterre
18/04/2007
Le lion - Joseph Kessel (1958)
De passage dans une réserve au Kenya le narrateur rencontre Patricia qui, à dix ans, possède un rare pouvoir sur les animaux. Bullit, directeur du parc et père de Patricia, l'admire, mais sa mère Sybil est terrorisée : sa fille passe ses journées dans la brousse en compagnie d'un lion, King. Recueilli lorsqu'il n'était qu'un lionceau perdu, King a grandi avec Patricia avec qui il entretient un lien étrange. Oriounga, un jeune guerrier Masaï, fasciné et séduit par le pouvoir que la jeune fille exerce sur le fauve, vient affronter son lion dans un combat à mort...
Le lion est une histoire tragique empreinte de passion. Passion de Bullit, ancien chasseur reconverti, pour les animaux de la réserve mais aussi pour sa fille, passion du narrateur pour ce lieu d'une splendeur édénique, passion de Oriounga, libre de tout lien sur la terre des hommes. Mais surtout passion de Patricia "l'enfant lion" pour King et réciproquement. Mais dans ce monde africain cette passion va trouver, selon le pressentiment du narrateur, témoin impuissant du drame, un dénouement qui est un rite de passage.
Il y a trois lions dans ce récit : à côté de King, la bête aux yeux d'or, ami et "enfant" de Patricia, deux hommes s'opposent : Bullit, le "géant roux", fauve et maître des fauves, et ce jeune Masaï à la chevelure cuivrée, voué par une loi ancestrale à affronter les lions. Patricia, qui régnait sur King et sur son père, ne peut résister à sa fascination pour le jeune homme dont elle cause la mort. Patricia, en voulant étendre sa domination, en menant trop loin un jeu dont elle ne mesure pas le danger, passe de l'univers de l'innocence à celui des adultes.
Un roman d'une rare beauté, alliant douceur et violence dans une histoire d'amour magnifique et cruelle.
BlueGrey
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Joseph Kessel, Le lion, éd. Gallimard, coll. Folio Poche, 1972 (1958), 242 pages, 5,10 €.
10:40 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, roman, Afrique, lion, Kenya, Masaï
14/04/2007
La moustache – Emmanuel Carrère [1986]
Que dirais-tu si je me rasais la moustache ?
Depuis toujours, Marc porte une moustache. Un soir, pensant faire sourire sa femme Agnès et ses amis, il décide pourtant de la raser : miroir, ciseaux, rasoirs, les poils son sacrifiés, remisés à la poubelle. Mais quand Marc sort de la salle de bains, sa femme n'a aucune réaction, comme si de rien n'était. Même indifférence le soir chez des amis et le lendemain matin au travail. Et le dépit initial de Marc se mue petit à petit en défiance puis en panique quand femme et amis lui affirment qu'il n'a jamais eu de moustache. Découvrir la suite...
10:30 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : la moustache, emmanuel carrère, littérature française, littérature contemporaine, moustache, folie
07/04/2007
[cinéma] Aviator – Martin Scorsese (2005)
Haute voltige
Aviator retrace vingt ans (de 1927 à 1947) de la vie tumultueuse d'Howard Hughes. Casse-cou, producteur et réalisateur de cinéma, directeur de studio, industriel, pionnier de l'aviation civile, inventeur, et séducteur insatiable, cet excentrique et flamboyant aventurier devint un leader de l'industrie aéronautique en même temps qu'une figure mythique, auréolée de glamour et de mystère. Il n'en était pas moins victime de handicaps physiques et de troubles obsessionnels, une maladie qui lui valut de finir sa vie en reclus.
Des les premières images on sent le bonheur de Scorsese d'être aux commandes de cette fastueuse fresque de l'âge d'or hollywoodien (les années 30) avec une reconstitution éblouissante de cette époque (j'ai adoré les scènes des folles soirées au Coconuts Groove). On sent aussi le bonheur des acteurs d'y participer : Leonardo DiCaprio est possédé et transcendé par son rôle d'aviateur-producteur multimillionnaire et si Kate Beckinsale est un peu fade dans le rôle d'Ava Gardner, Cate Blanchett, elle, est une fougueuse et sublime Katharine Hepburn. A l'évidence, le réalisateur et les acteurs se sont beaucoup amusés, et cette euphorie est communicative.
Le scénario ne garde que quelques épisodes de la vie de Hughes, privilégiant l'ascension de ce golden boy milliardaire, fou d'aviation et de cinoche, racontant sa mégalomanie, sa volonté de puissance, ses triomphes mais aussi sa névrose. Certaines scènes sont vraiment saisissantes, telles celles du tournage épique de Hell’s Angels et celles du crash ahurissant de l'avion où Howard Hughes frôle la mort. A d'autres moments plus intimistes, l'angoisse recouvre les paillettes, les démons intérieurs de Hughes qui l'anéantissent peu à peu transpirent sous son panache. On comprend que l'argent, le pouvoir et même l'amour sont pour lui des faux-semblants devant lui permettre de tenir ses névroses à distance. Mais cela ne suffit pas, et à la fin du film on sent l'ardent personnage sur le déclin, en autodestruction.
Aviator est un très bon divertissement, un peu trop classique et académique peut-être pour être à la démesure de l'excentrique Howard Hughes, dont la force fascine autant que la vulnérabilité.
BlueGrey
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Aviator (The Aviator)
De Martin Scorsese
Avec Leonardo DiCaprio (Howard Hughes), Cate Blanchett (Katharine Hepburn), Kate Beckinsale (Ava Gardner), Adam Scott (Johnny Meyer), Kelli Garner (Faith Domergue), Alec Baldwin (Juan Trippe), Gwen Stefani (Jean Harlow), Ian Holm (Professeur Fitz), Jude Law (Errol Flynn), John C. Reilly (Noah Dietrich), Alan Alda (Sénateur Ralph Owen Brewster)...
Film américain, 2005, 2h45
07:35 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, film, années 30