25/04/2006
Je l'aimais - Anna Gavalda [2002]
Je viens de lire Je l’aimais, premier et tout petit roman d'Anna Gavalda, écrit dans un style minimaliste, et qui se lit très vite :
Adrien est parti, sa femme Chloé et leurs deux filles sont sous le choc. Pierre, le père d'Adrien, apporte à la jeune femme son réconfort, à sa manière : plutôt que d'accabler son fils, il semble lui porter une certaine admiration. Son geste est égoïste, certes, mais courageux. Lui n'en a pas été capable. Tout au long d'une confidence en pointillés, il raconte à sa belle-fille comment, jadis, en voulant lâchement préserver sa famille et son confort, il a gâché sa vie et son amour.
« On biaise, on s'arrange, on a notre petite lâcheté dans les pattes comme un animal familier. On la caresse, on la dresse, on s'y attache. C'est la vie. II y a les courageux et puis ceux qui s'accommodent. C'est tellement moins fatigant de s'accommoder... »
Ce livre est facile à lire, mais il lui manque quelque chose, un peu de profondeur sans doute. Les émotions sont présentes, certes, mais pas très intenses. La morale du livre (parfois il faut faire des choix douloureux pour parvenir au bonheur) reste simpliste. L'idée de confronter le beau-père et la belle-fille autour du départ du fils et mari est originale (c'est là un des rares intérêt de ce livre assez larmoyant) car alors les dialogues font mouche. Le beau-père est le personnage qui a le plus de substance et je le trouve assez réussi quand il tombe le masque du "vieux con" autoritaire et hautain, mais c'est une tranche de vie somme toute assez banale qu'il raconte.
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Anna Gavalda, Je l'aimais, éd. J'ai Lu, coll. J'ai Lu Roman, 2003 (2002), 154 pages, 4,80 €.
Du même auteur : L'Echappée belle, Ensemble, c'est tout
18:50 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : je l'aimais, anna gavalda, littérature française, littérature contemporaine, roman, amour, rupture
23/04/2006
[cinéma] The secret life of words - Isabel Coixet (2006)
Une plateforme pétrolière isolée au milieu de la mer où ne vivent que des hommes, ceux qui y travaillent, et où vient d'avoir lieu un accident. Une jeune infirmière sourde y vient pour soigner un homme gravement brûlé et rendu temporairement aveugle lors de l'accident. La jeune femme est mystérieuse, silencieuse, solitaire, comme absente de sa propre existence. L'homme cache plus qu'il ne faudrait sa sensibilité derrière des manières de dragueur. Entre ces deux écorchés vifs se crée une étrange intimité, un lien fait de secrets, tissé de vérités, de mensonges, d'humour et de souffrance. Un face à face d'une grande intensité mais qui existe surtout pour le final, terrible et bouleversant à la fois.
Centré sur ces deux portraits croisés, ce huis-clos très lent se joue sans effets ni artifices, en sobriété. Il avance subtilement sur des petits riens tout en délicatesses, en sensibilités, en vibrations. Malgré quelques intrigues secondaires un peu inconsistantes, ce film fait montre d'une rare sensibilité sans tomber dans le mélo-guimauve. Les acteurs joue en retenu et la cinéaste filme avec pudeur et confronte dans le final les spectateurs aux limites de leur investissement humain dans les drames qui les entourent.
Pendant le générique de fin, pas un seul spectateur ne s'est levé pour quitter la salle, chacun a attendu que l'écran redevienne totalement noir et que la salle s'éclaire avant d'envisager de sortir. Puis chacun est sorti, en silence, sans échanger un mot... Abasourdi et encore imprégné par ce beau film.
BlueGrey
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The secret life of words (La Vida screta de las palabras)
D'Isabel Coixet
Avec Sarah Polley (Hanna), Tim Robbins (Josef), Javier Camara (Simon)...
Film espagnol, 2006, 1h52
Film vu le 21/04/2006
22:40 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, film, amour, guerre, surdité
22/04/2006
[photo] Willy Ronis
Willy Ronis est un photographe humaniste, c'est-à-dire qui fait sien tout ce qui est humain, qui s'intéresse aux gens ordinaires, non aux individus exceptionnels, et dont le terrain de prédilection est la vie quotidienne. Surtout, jamais de scoop ! J'aime ses tranches de vie où chacun peut se reconnaître, sans artifices. J'aime son goût pour le hasard, la «chasse libre» qui lui permet de capter ce qui peut survenir. J'aime son regard simple qui rend hommage aux petites gens, j'aime sa «représentation poétique du bonheur modeste»...
Comme vous le savez sans doute, à l'occasion du quatre-vingt-quinzième anniversaire de Willy Ronis, la ville de Paris lui rend hommage : exposition jusqu'au 27 mai au Salon d'accueil de l'Hôtel de Ville, 29 rue de Rivoli, 75004 Paris. Mais pour les non parisiens ?
Et bien je vous conseille l'expo «Willy Ronis, photographies» présentée jusqu'au 4 juillet 2006 à la Maison René Char, Hôtel Donadeï de Campredon, 20 rue du Docteur Tallet, 84800 L'Isle-sur-la-Sorgue.
Puis, allez faire un tour sur le site de L'Express : reportage photo et entretien vidéo avec Willy Ronis.
Et pour finir, je vous conseille aussi de jeter un coup d'œil au recueil photographique «Mémoire textile», qui n'est pas le plus connu de Willy Ronis, mais qui est un petit bijou, un témoignage par l'image de sa solidarité envers la classe ouvrière.
BlueGrey
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Willy Ronis, photographies
Du 17 décembre 2005 au 04 juillet 2006
Maison René Char - Hôtel Donadeï de Campredon - 20 rue du Docteur Tallet - 84800 L'Isle-sur-la-Sorgue
Exposition visitée le 22/04/2006
23:35 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : exposition, photographie, livre, internet, web, humanisme
20/04/2006
La tache - Philip Roth [2000]
La tache est l'une de mes plus belles trouvailles en "roman de gare". Rien de péjoratif chez moi dans cette expression, bien au contraire ! Cette expression désigne simplement une technique toute personnelle pour le choix de certaines de mes lectures : quand je dois prendre le train, ou plus rarement l'avion, je ne prévois pas de livre pour occuper le temps du trajet. C'est au dernier moment que j'en achète un à la librairie de la gare, juste avant d'embarquer. Je me fie au titre, à la couverture, au résumé, à l'humeur du jour, je fais confiance au hasard... C'est ainsi que je suis tombé sur La tache. Sans savoir qu'il s'agissait de la troisième partie d'un triptyque ! Mais ceci ne gêne en rien la lecture de ce roman qui peut se lire indépendamment des deux premiers, Pastorale américaine, qui traite de la guerre du Viêt-Nam, et J'ai épousé un communiste, qui parle du maccarthysme, et que je vais m'empresser de lire également !
Mais revenons-en à La tache, roman ébouriffant, satire féroce des mœurs américaines.
Tandis que l'affaire Lewinsky défraie les chroniques bien-pensantes, Coleman Silk, éminent universitaire du Massachusetts, est mis à la retraite pour avoir prétendument tenu des propos racistes envers certains étudiants. Or, il préfère démissionner plutôt que de livrer le secret qui pourrait l'innocenter ! En effet, derrière la vie très rangée de l'ancien doyen, se cache un passé inouï, celui d'un homme qui s'est littéralement réinventé, et un présent non moins ravageur : sa liaison avec la jeune et sensuelle Faunia, femme de ménage supposé illettrée et talonnée par un ex-mari vétéran du Viêt-Nam, obsédé par la vengeance et le meurtre.
La tache est un roman brutal, puissant, subtil, brillant et complexe sur le mensonge et l'identité de l'individu dans les grands bouleversements de l'Amérique de Bill Clinton en pleine affaire Lewinsky, en crise de pureté pour ne pas dire de purification. Ce roman aborde le sujet de la tolérance ou plutôt de l'intolérance, sous bien des formes : intolérance raciale, intolérance sociale, intolérance face à la liberté de disposer librement de son esprit et de son corps... Ce roman traite aussi du traumatisme de la guerre du Viêt-Nam qui, presque un quart de siècle après sa fin, marque toujours au plus profond et de manière indélébile, directement ou indirectement, bon nombre des personnages du livre.
On peut reprocher quelques longueurs ici ou là, des passages excessivement statiques, mais le talent de Philip Roth se fait jour dans sa maîtrise d'un humour burlesque et grave, délicieusement provocateur, et sa capacité à interrompre la satire pour entraîner son lecteur quelque part entre tristesse et sagesse, vers l'amertume et la désillusion, vers la tragédie.
Philip Roth invite à la réflexion en rendant furieusement contemporaines des problématiques millénaires : changer de vie, est-ce trahir ?
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Philip Roth, La tache, traduction de Josée Kamoun, éd. Gallimard, coll. folio, 2004, 496 pages, 7,70 €.
Du même auteur : Un homme, Exit le fantôme & Indignation.
00:25 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : la tache, philip roth, littérature américaine, tolérance, amérique, massachusets, racisme