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20/04/2006

La tache - Philip Roth [2000]

La tache est l'une de mes plus belles trouvailles en "roman de gare". Rien de péjoratif chez moi dans cette expression, bien au contraire ! Cette expression désigne simplement une technique toute personnelle pour le choix de certaines de mes lectures : quand je dois prendre le train, ou plus rarement l'avion, je ne prévois pas de livre pour occuper le temps du trajet. C'est au dernier moment que j'en achète un à la librairie de la gare, juste avant d'embarquer. Je me fie au titre, à la couverture, au résumé, à l'humeur du jour, je fais confiance au hasard... C'est ainsi que je suis tombé sur La tache. Sans savoir qu'il s'agissait de la troisième partie d'un triptyque ! Mais ceci ne gêne en rien la lecture de ce roman qui peut se lire indépendamment des deux premiers, Pastorale américaine, qui traite de la guerre du Viêt-Nam, et J'ai épousé un communiste, qui parle du maccarthysme, et que je vais m'empresser de lire également !

Mais revenons-en à La tache, roman ébouriffant, satire féroce des mœurs américaines.
Tandis que l'affaire Lewinsky défraie les chroniques bien-pensantes, Coleman Silk, éminent universitaire du Massachusetts, est mis à la retraite pour avoir prétendument tenu des propos racistes envers certains étudiants. Or, il préfère démissionner plutôt que de livrer le secret qui pourrait l'innocenter ! En effet, derrière la vie très rangée de l'ancien doyen, se cache un passé inouï, celui d'un homme qui s'est littéralement réinventé, et un présent non moins ravageur : sa liaison avec la jeune et sensuelle Faunia, femme de ménage supposé illettrée et talonnée par un ex-mari vétéran du Viêt-Nam, obsédé par la vengeance et le meurtre.

La tache est un roman brutal, puissant, subtil, brillant et complexe sur le mensonge et l'identité de l'individu dans les grands bouleversements de l'Amérique de Bill Clinton en pleine affaire Lewinsky, en crise de pureté pour ne pas dire de purification. Ce roman aborde le sujet de la tolérance ou plutôt de l'intolérance, sous bien des formes : intolérance raciale, intolérance sociale, intolérance face à la liberté de disposer librement de son esprit et de son corps... Ce roman traite aussi du traumatisme de la guerre du Viêt-Nam qui, presque un quart de siècle après sa fin, marque toujours au plus profond et de manière indélébile, directement ou indirectement, bon nombre des personnages du livre.
On peut reprocher quelques longueurs ici ou là, des passages excessivement statiques, mais le talent de Philip Roth se fait jour dans sa maîtrise d'un humour burlesque et grave, délicieusement provocateur, et sa capacité à interrompre la satire pour entraîner son lecteur quelque part entre tristesse et sagesse, vers l'amertume et la désillusion, vers la tragédie.
Philip Roth invite à la réflexion en rendant furieusement contemporaines des problématiques millénaires : changer de vie, est-ce trahir ?

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e%2040.gif Philip Roth, La tache, traduction de Josée Kamoun, éd. Gallimard, coll. folio, 2004, 496 pages, 7,70 €.

Du même auteur : Un homme, Exit le fantôme & Indignation.

15/02/2006

[théâtre jeune public] Iq et Ox

La bataille fait rage entre les Iq, adorateurs du Dieu soleil, et Les Ox, qui vénèrent le fleuve sacré. Fuyant la guerre et la colère de leurs pères (les grands prêtres), petite Ox et petit Iq partent en quête d'un monde en paix prêt à les accueillir pour fonder un nouveau peuple. Leur parcours initiatique va les confronter à un arbre vénérable et un oiseau volubile, un Grand Propriétaire cupide, des rapaces nocturnes et un enfant-éléphant serein qui profite de son bain de lune et leur apprendra à rêver.
Des dialogues piquants et intelligents et des illustrations pleines de charme permettent d'épingler adroitement le fanatisme religieux, d'aborder la tolérance et d'encourager l'utopie.

Jean-Claude Grumberg : «Je crois qu'il n'est qu'une vie et que cette vie est terrestre, qu'elle n'est ni de demain ni d'hier mais d'aujourd'hui. Je crois qu'on ne doit jamais fonder son jugement sur des origines ou une foi, mais sur des paroles et des actes. Je crois enfin qu'on peut jouir d'une vie spirituelle sans s'agenouiller, se prosterner ou se frapper la poitrine à heures fixes, il suffit de fermer les yeux et de rêver pour échapper à son humaine condition et fendre les nuées au plus profond des cieux.
Iq et Ox est destiné à faire rêver, réfléchir, et si possible douter les petits et les grands enfants ainsi que leurs parents, croyants ou incroyants.»

  

BlueGrey

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Iq et Ox
De Jean-Claude Grumberg
Mise en scène de Adel Hakim
Avec Thierry Barèges, Isabelle Cagnat, Etienne Coquereau, Malik Faraoun, Alexandre Haslé, Nicolas Dalban-Moreynas
Production : Théâtre des Quartiers d’Ivry

Spectacle vu le 11/02/2006 à 21h00
Odyssud - 4 avenue du Parc - 31706 Blagnac cedex

28/07/2004

[cirque] La Monstrueuse Parade / Compagnie Remise à 9

Loin des vieux clichés, loin des numéros habituels, les jeunes artistes talentueux de la Compagnie Remise à 9 nous font découvrir le cirque de demain, ce que l’on appelle le «nouveau cirque» : sans animaux, sans clown au nez rouge, sans trapèze volant et sans paillettes. Cependant, certaines techniques sont issues du cirque traditionnel, telles que l’acrobatie et le jonglage. Le spectacle est une parade extraordinaire, une douce alchimie qui mêle cirque, théâtre, humour, poésie, jonglerie, chant, musique, danse et marionnettes, pour tout public.

La Monstrueuse Parade est un défilé pittoresque, tonitruant et inventif de créatures insolites cahotées par les aléas du destin. Ce spectacle, c’est une baraque foraine, une foire, un musée des horreurs dans lequel se retrouvent enfermés ceux qui ont eu moins de chance, les laids, les mal foutus, les cabossés, les âmes blessées, les ratés, les tordus, les difformes : les "monstres". Cocasses, répulsifs, loufoques, dérangeants, naïfs, ridicules aussi parfois, émouvants souvent, insolites et déconcertants toujours, ces êtres bancals célèbrent la vie dans leur baraque foraine, avec l'ardeur et la gravité de ceux qui savent le prix du bonheur. Ils se soutiennent, se dévoilent chacun leur tour, nous raconte leurs bleus et leurs bosses, leurs peurs aussi et leurs faiblesses, parlent de choses et d’autres, de babioles, et ne peuvent éviter de parler d’eux-mêmes... et de nous. Ce sont des monstres gentils et bizarres, touchants et attachants, qui ne peuvent cacher bien longtemps, sous leur difformité, leur profonde humanité. Une humanité déglinguée mais pétillante. Et on se surprend à les aimer, ces monstres là : les frères siamois reliés par un cordon ombilical plastique et obligés de vivre complices, les soeurs contraires, dodue ou brindille, qui se supportent au premier sens du terme, la jeune fille presque enceinte dont le ventre se dégonfle, la magicienne qui vieillit la tête en bas et les jambes en bras, le despote timide et excité... Le spectateur est balancé d’une émotion à l’autre à une vitesse vertigineuse : rire, émotion, surprise, éblouissement... La seule constante est l’infinie tendresse qui se dégage de chaque monstre et leur troublante proximité.

Sur le thème de la différence et de son acceptation, ce spectacle nous offre un discours où le propos est jeu et faux semblants, entre tendresse, humour et émotion. Cette monstrueuse parade là est bien belle et on en repart le sourire aux lèvres.

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La Monstrueuse Parade
De et par la Compagnie Remise à 9 (Toulouse)

Spectacle vu le 28/07/2004 au Festival d'Avignon Off