06/12/2008
L'arrière-saison – Philippe Besson (2002)
« Donc, au début, elle sourit.
C'est un sourire discret, presque imperceptible, de ceux qui se forment sur le visage parfois, sans qu'on le décide, qui surgissent sans qu'on le commande, qui ne semblent reliés à rien en particulier, qu'on ne saurait pas forcément expliquer.
Voilà : c'est un sourire de presque rien, qui pourrait être le signal du bonheur. »
Donc, au début, elle sourit Louise. En robe rouge, belle, sûre d'elle, elle attend Norman, son amant, dans un café où elle a ses habitudes. Elle attend en échangeant quelques mots avec Ben, l'ami barman. Mais quand la clochette de la porte grelotte, ce n'est pas Norman qui entre, mais Stephen, l'homme qui l'a quitté pour une autre voici 5 ans de cela... Retrouvailles non préméditées bien délicates...
Philippe Besson a pris pour point de départ à son histoire un tableau d'Edward Hopper, Nighthawks (Les Rôdeurs de la nuit, 1942). Découvrir la suite...
14:25 | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : littérature française, etats-unis, séparation, rencontre
19/12/2007
Le pouvoir du chien – Thomas Savage [1967]
Genre : l'Ouest Savage
Au début, nous croyons avoir affaire à un western littéraire, virile échauffourée de vachers le pied à l'étrier sous le soleil du Montana... Que nenni ! (Tien, j'aime bien cette expression moi, que nenni, on ne l'utilise pas assez je trouve...) Que nenni, donc ! Tout y est pourtant, la sauvage beauté de l'Ouest mythique, les murmures du vent, les chevaux qui piaffent, les troupeaux de bétail, le silence des hommes... Mais dans ce décor de Far West, c'est un drame qui se trame. Le roman de Savage se situe du côté du thriller psychologique dans lequel la tension croît lentement mais inexorablement et la tragédie avance en un crescendo époustouflant, extrêmement maîtrisé.
Nous sommes au cœur du Montana, en 1924, dans un ranch imposant où les deux frères Burbank, des célibataires endurcis, règnent sur un millier de bœufs et une dizaine de garçons de ferme. George, le cadet surnommé "Gras-double", un peu lourdaud, un peu obtus mais intrinsèquement brave, laisse Phil, l'aîné, archétype du cow-boy misogyne arrogant mais brillant, tenir les rênes de l'exploitation. Les deux frères-contraires gèrent leur bétail et leurs dollars sans souci et en parfaite harmonie. Tout bascule pourtant lorsque George épouse Rose, une jeune veuve, et la fait venir au ranch. Phil la déteste d'emblée et décide d'éliminer l'intruse, coûte que coûte. Il la harcèle, l'humilie, l'accable de son mépris. Devant tant de perfidies George reste impuissant et Rose se met à boire, de plus en plus. Elle sombre, corps et âme. Mais Phil n'a pas gagné pour autant car celui qu'il surnomme "Mademoiselle Chochotte", le fils adolescent de Rose, est un garçon troublant et très intelligent...
Savage façonne ses personnages et ses paysages avec justesse et subtilité. L'Ouest sauvage tient ici une place essentielle, il n'est pas seulement un arrière-plan décoratif. Savage ne se contente pas d'exalter cette terre mythique, il montre comment elle façonne les mœurs, comment elle s'infiltre dans les replis des cœurs et soumet les êtres à sa violence, à sa démesure, à son indomptable sauvagerie. Le roman plante des paysages magnifiques, rudes et âpres qui sont le miroir des sentiments contradictoires qui taraudent les personnages : la bonté de George, la force cachée du fils, la lente chute de Rose et surtout la perversité de Phil. Car au-delà de la fascination que nous éprouvons grâce à la qualité d'écriture et la maîtrise du style de Savage, nous nous sentons souvent mal à l'aise, tant le mal incarné par Phil s'insinue dans chaque page. Puis, petit à petit, page après page, nous comprenons ce que Phil dissimule sous sa carapace de rustre grossier, misogyne, raciste et homophobe... sa propre homosexualité refoulée, tabou majeur dans l'univers masculin des ranchs à une époque voué aux préjugés.
Le pouvoir du chien n'est donc pas seulement un documentaire sur l'Amérique rurale des années 1920, encore que l'auteur n'oublie pas de jeter un regard aussi lucide qu'ironique, voire cynique, sur le monde des éleveurs de cette époque. Son roman, dur, puissant, fascinant, intelligent et brillamment écrit, s'attaque à un sujet rarement abordé à cette époque, celui de l'homosexualité refoulée qui s'exprime sous forme d'homophobie. Un aspect douloureux et solitaire de l'Ouest est ainsi saisi dans ces pages.
Pour conclure, voici les premières lignes du roman qui posent d'emblée les personnages, l'environnement, le style et le sujet :
« C'était toujours Phil qui se chargeait de la castration. D'abord, il découpait l'enveloppe externe du scrotum et la jetait de côté ; ensuite, il forçait un testicule vers le bas, puis l'autre, fendait la membrane couleur arc-en-ciel qui les entourait, les arrachait et les lançait dans le feu où rougeoyaient les fers à marquer. Etonnamment, il y avait peu de sang. Au bout de quelques instants, les testicules explosaient comme d'énormes grains de pop-corn. Certains hommes, paraît-il, les mangeaient avec un peu de sel et de poivre. "Amourette", les appelait Phil avec son sourire narquois, et il disait aux jeunes aides du ranch que s'ils s'amusaient avec les filles ils feraient bien d'en manger eux aussi.
George, le frère de Phil, qui, lui, se chargeait d'attacher les bêtes, rougissait d'autant plus de ces conseils qu'ils étaient donnés devant les ouvriers. George était un homme trapu, sans humour, très comme il faut, et Phil aimait bien l'agacer. Quel grand plaisir, pour Phil, d'agacer les gens ! »
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Thomas Savage, Le pouvoir du chien (The Power of the Dog), traduit de l'américain par Pierre Furlan, éd. Belfond, coll. 10/18 domaine étranger, 2004 (1967), 338 pages, 7,80 €.
Du même auteur : La reine de l'Idaho
Et merci à Cuné de m'avoir offert ce livre lors d'un swap fort lointain...
12:50 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : le pouvoir du chien, thomas savage, littérature américaine, etats-unis, montana, cow-boy, ranch, homosexualité
21/11/2007
Moon Palace – Paul Auster (1989)
New York, milieu des années soixante : Moon Palace est une enseigne de Broadway que le héros aperçoit de la fenêtre de sa chambre. Le héros, c'est M. S. Fogg : M comme Marco (Polo), S comme Henry Morton Stanley (le journaliste et explorateur anglais chargé de retrouver le docteur David Livingstone en Afrique) et Fogg comme Phileas Fogg (le personnage du roman Le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne). M. S. Fogg, né de père inconnu, est un étudiant désargenté qui meuble son appartement avec des cartons de livres qu'il a hérités de son oncle Victor avec lequel il a grandi après la mort de sa mère. Pour vivre il est obligé de vendre ses livres petit à petit, au fil de ses lectures. Mais le jour où il arrive au bout de sa bibliothèque, il perd son appartement et n'a d'autre choix que de vivre à Central Park. S'ensuivent de longues semaines d'errance dans la jungle new-yorkaise, immense et indifférente, pendant lesquelles Fogg semble errer à travers sa ville et sa vie comme dans le brouillard, jusqu'à en arriver au bord du suicide... Fogg le solitaire, à la frange du désespoir, fera par la suite la connaissance d'êtres bizarres mais d'un relief étonnant. Son ami David Zimmer, qui va l'accueillir chez lui et le sortir de la rue. Kitty Wu, une jeune étudiante dont il va tomber éperdument amoureux. Thomas Effing, un riche vieillard infirme, excentrique et égocentrique dont il deviendra l'assistant. Salomon Barber, professeur de gauche, un homme moralement meurtri, d'une obésité hors du commun dont il se sert comme d'un rempart face aux agressions du monde extérieur.
Moon Palace est l'un des romans les plus célèbres de l'écrivain new-yorkais Paul Auster dans lequel il nous raconte les événements étranges qui ont marqué la vie de Marco Stanley Fogg, depuis son arrivée à New York en 1965 jusqu'à ce que, sept ans plus tard, il découvre l'identité de son père... à temps pour assister à son enterrement. Ses amours, ses rencontres, sa misère, ses errances se conjuguent en une quête identitaire et apparaissent comme les étapes d'un voyage initiatique aux confins de la solitude et de la renonciation. On retrouve dans ce roman certains des thèmes chers à l'auteur (rôle du hasard et des coïncidences, solitude, recherche identitaire) ainsi q'un style de narration très caractéristique de l'auteur, qui initie son héros en lui faisant rencontrer une multitude de personnages étranges et excentriques.
Décidément, je ne suis pas sensible au style austérien ! Après un premier essai moyennement convainquant avec Léviathan, ce Moon Palace ne m'a pas plus convaincu. Je reconnais la qualité du style et de l'écriture, et j'aime aussi assez les personnages austériens, toujours à la limite, tous un peu décalés, mais je n'arrive pas à me sentir impliquée dans l'histoire. Peut-être trop d'angoisse et de désespoir larvé dans ces récits, quelque chose qui se dérobe quand j'essaie de le capter et qui fait que je tourne les pages mécaniquement, juste afin de finir mon livre... Je ne suis donc manifestement pas atteinte par l'Austerite aiguë qui sévit sur la blogosphère littéraire (que les austermaniaques me pardonnent !), et après ces deux essais infructueux, je compte en rester là dans ma relation avec monsieur Auster.
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Paul Auster, Moon Palace, éd. Actes Sud, coll. Babel, 1993 (1989), 467 pages, 9,50 €.
Du même auteur : Léviathan
23:15 | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : moon palace, paul auster, littérature américaine, etats-unis, new-york
10/03/2007
Un été indien - Truman Capote [1946]
Dans l'Amérique des années trente, Truman Capote nous raconte l'histoire d'un jeune garçon, de son grand-père et de la transmission d'un secret. Quand l'enfant apprend que ses parents et lui vont déménager, quitter la ferme familiale qu'ils partagent avec les grands-parents pour s'installer en ville, il a le sentiment d'abandonner ses grands-parents.
Cette sobre nouvelle, entre tristesse et mélancolie, parle d'exode rural, de mort, de filiation, de transmission, de solitude et des blessures de l'enfance.
«Vivre, laisser vivre et prendre plaisir à la vie, tout cela faisait partie du "secret" de grand-père ; recevoir l'amour et le partager.»
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Truman Capote, Un été indien (I remember my Grandpa), traduit de l'anglais par Patrice Repusseau, éd. Rivages, coll. Rivages Poche / Bibliothèque étrangère, 1989, 53 pages, 5,08 €.
Du même auteur : De sang-froid
12:50 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature américaine, nouvelle, enfance, grands-parents, famille, etats-unis
11/01/2007
Le destin miraculeux d'Edgar Mint - Brady Udall (2001)
« Si je devais ramener ma vie à un seul fait, voici ce que je dirais : j'avais sept ans quand le facteur m'a roulé sur la tête. Aucun événement n'aura été plus formateur. Mon existence chaotique, tortueuse, mon cerveau malade et ma foi en Dieu, mes empoignades avec les joies et les peines, tout cela, d'une manière ou d'une autre, découle de cet instant où, un matin d'été, la roue arrière gauche de la jeep de la poste a écrasé ma tête d'enfant contre le gravier brûlant de la réserve apache de San Carlos. »
A sept ans Edgar Mint se fait donc écrabouiller la tête par la jeep du facteur, par un brûlant après-midi d'été, tandis que sa mère cuve ses bières sous un arbre à canettes. On le croit mort, mais, contre toute attente, il survit, sauvé par un docteur Mabuse inquiétant. Commence alors pour Edgar une vie pleine de tribulations, poursuivi sans relâche par son sauveur de médecin devenu dealer. Découvrir la suite...
14:10 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : le destin miraculeux d'edgar mint, brady udall, littérature américaine, etats-unis, enfance, hôpital, pension, dealer