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17/01/2010

Car – Harry Crews [1972]

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Car.gifHerman a grandi dans la casse automobile de son père Easy avec son frère Mister, chargé de la presse à voiture, et sa sœur Junell, aux commandes de "Grosse Mama", la dépanneuse. Herman est le rêveur de la famille. Et Herman aime les voitures. Une en particulier, une superbe Ford Maverick rouge. Il en est fou. Au point de vouloir la posséder totalement, complètement. Au point de décider de la manger, morceau par morceau, du pare-chocs avant au pare-chocs arrière. Et comme notre histoire se déroule aux Etats-Unis, il ne faut pas longtemps pour qu'un businessman flaire le coup médiatique, mette en scène le spectacle (Herman en phénomène de foire, ingurgitant et "restituant" la Maverick à heure fixe devant un parterre de spectateurs hystériques), et bien vite la presse s'enflamme pour se défi d'un nouveau genre et la télé rapplique.

« - Mais pour l'amour de Dieu, pourquoi ? Pourquoi faut-il que... que...
- Pourquoi faut-il que je... mange... une... voiture ? »
Herman articulait avec une extrême lenteur, comme s'il eut voulu savourer les mots. « Je peux te le dire. Partout où il y a des Américains, il y a des voitures. » Il s'interrompit de nouveau, puis ajouta lentement : « Et parce qu'il y a des voitures partout, je vais en manger une. »

La métaphore est limpide : satire de l'Amérique modèle de société de consommation dont l'automobile, symbole de puissance, de richesse et de liberté individuelle, est l'emblème ; et critique des médias. Hélas ! Une bonne idée ne suffit pas toujours à faire un livre, et ni le style ni l'histoire ne m'ont convaincu. J'ai toutefois aimé les personnages (j'ai toujours un faible pour les personnages déglingués), tous un peu paumés. Harry Crews a une vraie tendresse pour les personnages "en marge", les familles en perdition, les types fêlés, les tarés illuminés, les filles aguicheuses, les rebuts de l'american way of life. Face à cette bande de tordus magnifiques, les autres, les gens "normaux" (visages lisses, corps entretenus et portefeuilles garnis) paraissent alors bien pathétiques...

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Harry Crews, Car, traduit de l'américain par Maurice Rambaud, éd. Gallimard, coll. Noire, 1996, 206 pages, 12,96 €.

11/01/2010

Le couperet – Donald Westlake [1997]

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Le couperet.gifBurke Devore, la cinquantaine, est cadre supérieur depuis vingt-cinq ans dans une usine de papier. Il a un joli pavillon, une femme au foyer, deux grands enfants et deux voitures. Petite vie tranquille, bien rangée, bien réglée, vie rêvée de la classe moyenne américaine, vie parfaite. Jusqu'au jour où... lui arrive ce qui n'arrive qu'aux autres : Burke Devore est licencié. « Pourquoi me suis-je fais virer, alors que la boîte est bénéficiaire et plus florissante que jamais ? La réponse est que notre absence rend l'entreprise encore plus puissante, les dividendes encore plus élevés, le retour sur investissement encore plus intéressant. »

« ll n'est pas un seul PDG qui n'ait commenté publiquement la vague de compressions de personnel qui balaie l'Amérique sans l'expliquer par une variation sur la même idée : "la fin justifie les moyens". La fin que j'accomplis, l'objectif, le but, est juste, incontestablement juste. Je veux m'occuper de ma famille ; je veux être un élément productif de la société ; je veux faire usage de mes compétences ; je veux travailler et gagner ma propre vie et ne pas être à la charge des contribuables. Les moyens de cette fin ont été difficiles, mais j'ai gardé les yeux rivés sur l'objectif. Comme les PDG, je n'ai rien à regretter. » Burke Devore décide donc d'appliquer à la lettre et jusqu'à l'absurde la méthode du libéralisme pour retrouver un emploi : éliminer la concurrence. Il va mettre ses compétences et sa force de travail à éliminer un à un ses concurrents. Oui, il les abat, l'un après l'autre, avec un vieux revolver ou avec un marteau ou avec sa voiture ou pire encore...

Alors, bien sûr, il y a du sang et quelques atrocités burlesques dans ce roman (certains mecs sont particulièrement coriaces à bousiller, faut dire), mais Westlake évoque aussi les conséquences désastreuses du chômage sur l'individu, le couple, la famille, le lien social en racontant le quotidien de cette famille touchée par la crise : on vend la seconde voiture, l'épouse trouve un boulot d'appoint, pas trop déshonorant, on n'invite plus les amis pour cacher sa déchéance... Et puis, il y a les dérapages fatidiques : le couple qui se déchire, le fils qui chaparde des CD-Rom... Et le bonheur se délite, peu à peu.

Je m'attendais à un livre loufoque sur fond de critique sociale mais, si la critique sociale est bien présente, l'humour, lui, est faussement joyeux, plutôt acide même. Sous des dehors comiques, le récit reste pessimiste, l'auteur aimant à ironiser sur l'humanité et son cynisme. C'est donc cruel, et absurde, mais le lecteur y croit et s'attache malgré tout à Burke, ce serial killer d'un nouveau genre, un mec sympa, fidèle, sincère, qui œuvre pour préserver sa famille, qui tue certes, mais par nécessité, presque par autodéfense, et n'y prend aucun plaisir. La narration du point de vue du criminel donne encore plus de force à cette histoire, le lecteur en venant à épouser son raisonnement et sa logique sans faille dans toute son horreur. La construction est minutieuse, implacable, jusqu'au dénouement, inéluctablement cynique. L'écriture, elle, est déconcertante de sècheresse (de spontanéité, diront les plus indulgents) : elle fait certes "vrai" mais aussi un peu pauvre tout de même...

Et j'en terminerai en citant juste la première phrase du roman « en fait, je n'ai jamais encore tué personne, assassiné quelqu'un, supprimé un autre être humain » qui préfigure à elle seule la suite des événements...

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Donald Westlake, Le couperet (The Ax), traduit de l'américain par Mona de Pracontal, éd. Rivages, coll. Rivages thriller, 1998 (1997), 245 pages, 11,98 €.

08/12/2009

La trahison de Thomas Spencer – Philippe Besson [2009]

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La trahison de Thomas Spencer.gifPaul et Thomas sont nés le même jour, le 6 août 1945, et ont grandi côte à côte à Natchez, dans le Sud des États-Unis. Depuis toujours ils s'aiment comme deux frères et sont inséparables, amis "à la vie à la mort". Thomas, le narrateur, a aujourd'hui trente ans, et il raconte leur histoire : l'enfance insouciante faite de baignades dans le fleuve Mississipi, les parties de pêche, les émois de l'adolescence, les petits riens et les grands événements qui vont jalonner leurs vies, forger leurs caractères, construire leurs personnalités et souder leur amitié qu'ils pensent inaltérable. Jusqu'à leur rencontre avec Claire...

L'intrigue est celle, classique, du triangle amoureux. D'où des péripéties un peu prévisibles et convenues : Découvrir la suite...

25/11/2009

Effacement – Percival Everett [2001]

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Effacement.gifThelonious Ellison – dit Monk – est un écrivain noir américain d'avant-garde dont les romans, très érudits, se vendent mal. Alors qu'il excelle dans la réécriture des Perses d'Eschyle, ou l'étude critique de Barthes, ce qu'attend de lui le monde de l'édition c'est un roman "black", une histoire de ghetto conforme au marketing du roman réaliste "identitaire" afro-américain. Ecœuré et révolté par la médiocrité et le succès de l'un de ces ouvrages dits de "littérature noire américaine", il en écrit, sous pseudonyme, une parodie. Résultat : la supercherie se transforme en best-seller ! Ecartelé entre une carrière universitaire végétante, une vie sentimentale au point mort, des crises familiales à répétition et un triomphe sous pseudonyme qu'il n'assume pas, Monk vacille et frôle la schizophrénie.

Ce roman est un pur bonheur, un vrai régal ! Découvrir la suite...

14/10/2009

De beaux lendemains – Russel Banks (1991)

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De beaux lendemains.gifCe livre-là est de ceux que l'on lit d'une traite, en retenant son souffle, le cœur serré, partagé entre douleur et fascination.

C'est l'histoire d'un fait divers, un drame qui touche Sam Dent, petite bourgade au nord de l'état de New York : par un matin d'hiver, le bus de ramassage scolaire a glissé sur la neige, est tombé dans le ravin, et a sombré dans le lac gelé. De nombreux enfants ont péri, plongeant la petite ville dans la stupéfaction et l'affliction.

Les réactions de la petite communauté sont rapportées par les récits de quatre acteurs principaux... Découvrir la suite...