02/03/2009
Quartier lointain – Jirô Taniguchi (2002-2003)
Hiroshi Nakahara, 48 ans, se retrouve après une nuit de beuveries à revivre ses 14 ans : il a l'apparence de l'adolescent qu'il était, il est dans le monde et l'époque de cet adolescent, mais avec l'esprit et l'expérience de l'homme adulte. Il retrouve ainsi ses amis d'enfance, son école, sa sœur, sa mère décédée 23 ans plus tôt, et son père qui justement les abandonna cet été là. Questionnant sa grand-mère, ses parents, ses amis, il réalise tout ce qui lui avait échappé lorsqu'il était jeune. Avec son expérience d'adulte, il repère la fêlure qui a détruit (ou détruira ?) son bonheur d'enfance. Et petit à petit, l'année scolaire avançant, il voit se rapprocher la date fatidique où son père disparaîtra, pour toujours, sans aucune explication. Pourra-t-il interférer sur le cours du temps ? Pourra-t-il changer son passé ou est-il condamné à le revivre, impuissant ? Retrouvera-t-il son existence normale, sa femme et ses enfants ? Et comment gérer la discordance entre son corps d'adolescent et sa pensée d'adulte ? Découvrir la suite...
23:08 | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : bd, manga, enfance, voyage dans le temps, fantastique
02/12/2008
Le Pays sans Adultes – Ondine Khayat (2008)
« La vie, c'est pas pour les enfants. »
Slimane a 11 ans et vit dans une famille «complètement tordu». Son père «le Démon», alcoolique depuis qu'il a perdu son travail, est tout le temps en colère et déverse sa rage sur femme et enfants à coups de gueules et de poings. Sa mère travaille toujours plus, pour pouvoir payer le loyer. Heureusement il y a son grand frère Maxence le magicien, son «manuel de savoir-survivre». Maxence, il fait danser la vie, il imagine des rêves qui éloignent la peur, il invente des mondes heureux. Mais un jour Maxence n'a plus la force et décide de partir pour le Pays sans Adultes. Slimane tente de le suivre, mais il se trompe de chemin...
Ce livre touche, direct en plein cœur, par une certaine légèreté pour dire des choses pourtant grave. Sans emphase ni trémolos, la voix de Slimane, ses mots d'enfant, simples mais justes, son langage trituré très imagé, amusent, attendrissent, chiffonnent et percutent :
« L'autre jour mon frère Maxence s'est précipité pour la défendre, mais mon père lui a donné deux baffes et ça l'a fait saigner du nez. Je suis resté là, sans pouvoir faire un geste, à regarder le sang du nez de Maxence se mêler à celui de l'arcade sourcilière de maman. Ça faisait comme un ruisseau écarlate sur les dalles de la cuisine. Je connais pas le numéro du SAMU, alors je me suis juste avancé vers eux, et on s'est serré tous les trois très fort, pendant que des coquelicots fleurissaient sur mon tee-shirt blanc. » p 15-16
« Les battements de nos cœurs, c'est rien d'autre que les murmures de tous ceux qui habitent dedans. Quand il n'y a plus personne, il s'arrête de battre. Il faut un grand cœur pour y mettre tous les gens qu'on aime, et laisser de la place à tous ceux qu'on va aimer, mais qu'on ne connaît pas encore. » p 18
« - Et maman, elle nous aime ?
- Oui, mais elle est complètement paumée.
- Tu crois qu'elle a perdu son chemin ?
- C'est ça. Elle a pris la mauvaise route. Elle aurait dû revenir sur ses pas il y a longtemps.
- Pourquoi elle l'a pas fait ?
- Les adultes, c'est comme ça qu'ils vivent. Ils font des erreurs, et après, ils ont plus la force de tout recommencer.
- Les enfants, c'est pas pareil ?
- Non, parce que les enfants n'ont pas encore mis de barreaux autour de leur vie. » p 125
« Je pleure parce que mon frère préféré était tellement triste qu'il est parti sans me prévenir. Je pleure parce qu'il ne m'a pas emmené avec lui alors qu'il avait juré craché. Je pleure parce que j'ai peur de ne plus jamais le revoir. Je pleure parce que je ne peux pas vivre sans lui. » p 155
Le style virevolte dans un mélange de noirceur et de pureté, de désespoir et d'ingénuité, de cynisme et de poésie pour esquisser un drame latent. Et cette lecture, loin d'être légère, est pourtant agréable et prenante : le récit est simple, beau et poignant.
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Ondine Khayat, Le Pays sans Adultes, éd. Anne Carrière, 2008, 334 pages, 19 €.
Cathulu et Brize ont aimé eux aussi !
Merci à Chez les filles et aux Editions Anne Carrière de m'avoir envoyé ce livre.
22:08 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature, roman, enfance, maltraitance, frères
23/01/2008
La Voleuse de livres – Markus Zusak (2005)
Interpellée par le titre de ce livre tombé entre mes mains grâce à Flo, je fus encore plus intriguée par sa quatrième de couverture où je découvris qu'il était question « d'une fillette, de mots, d'un accordéoniste, d'allemands fanatiques, d'un boxeur juif, et d'un certain nombre de vols », le tout conté par La Mort en personne ! Une mort pince-sans-rire (« Je n'ai pas de faux, ni de faucille. Je ne porte une robe noire à capuche que lorsqu'il fait froid. Et je n'ai pas cette tête de squelette que vous semblez prendre plaisir à m'attribuer. »), omniprésente et omnisciente, qui n'hésite pas à révéler dès le début du livre son dénouement : « Evidemment, c'est très impoli de ma part. Je suis en train de gâcher non seulement le dénouement du livre, mais la fin de ce passage particulier. Je vous ai annoncé deux événements, parce que mon but n'est pas de créer un suspense. Le mystère m'ennuie. Il m'assomme. Je sais ce qui se passe, et du coup vous aussi. Non, ce qui m'agace, me trouble, m'intéresse et me stupéfie, ce sont les intrigues qui nous y conduisent. » La Mort en fait d'ailleurs parfois un peu trop, notamment dans le prologue, inutilement grandiloquent et qui pourrait rebuter certains lecteurs. Je la préfère plus sobre, quand en quelques phrases dites en aparté, elle recontextualise son histoire et assène ainsi, l'air faussement détachée, une baffe au lecteur qui se laissait gentiment bercé par l'apparente indolence du récit : Découvrir la suite...
14:20 Publié dans => Lire & délires | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : littérature, livres, allemagne, enfance, mort, lire & délires
19/07/2007
Le Sabotage amoureux – Amélie Nothomb (1993)
«Un pays communiste est un pays où il y a des ventilateurs»
«Aucun quotidien, aucune agence de presse, aucune historiographie n'a jamais mentionné la guerre mondiale du ghetto de San Li Tun, qui dura de 1972 à 1975.
C'est ainsi que, dès mon plus jeune âge, j'ai su à quoi m'en tenir quant à la censure et à la désinformation.
Car enfin, peut-on trouver dérisoire un conflit de trois années, auquel prirent part des dizaines de nations, et au cours duquel des atrocités aussi épouvantables furent perpétrés ?
Prétexte à ce silence des médias : la moyenne d'âge des combattants avoisinait les dix ans. Les enfants serait-ils donc étrangers à l'histoire ?»
En 1972 Amélie a 5 ans et son père, diplomate belge, est muté dans l'hideuse Chine de la Bande des Quatre. Exilée de son éden japonais, la voilà plongée dans le ghetto pour diplomates de San Li Tun. La jeune Amélie s'y épanouit grâce à la guerre d'enfants qui y fait rage pendant trois ans. La guerre lui assure même le rôle glorieux d'éclaireur sur son cheval-vélo jusqu'au jour où la rencontre de la sublime petite Elena lui fait concevoir une passion enfantin, passion suffisante pour accepter de se saboter.
«Je n'écrivais pas moi. Quand on a des ventilateurs géants à impressionner, quand on a un cheval à soûler de galops, quand on a une armée à éclairer, quand on a un rang à tenir et un ennemi à humilier, on redresse la tête et on n'écrit pas.
C'est pourtant là, au cœur de la Cité des Ventilateurs, que ma décadence a commencé.
Elle a débuté à l'instant où j'ai compris que le centre du monde, ce n'était pas moi.
Elle a débuté à l'instant où j'ai été émerveillée de découvrir qui était le centre du monde. [...]
Le centre du monde été de nationalité italienne et s'appelait Elena.»
Ce roman autobiographique, exégèse personnelle faite de narcissisme égocentrique asséné avec application devient vite lassant et même agaçant. Toutefois, malgré tout, malgré soi, le lecteur se laisse emporter par le flot des mots, par la facilité du style toujours clair, concis, précis, ciselé et par l'humour piquant : «Aux professeurs étaient dévolue une tâche surhumaine : empêcher les enfants de s'entre-tuer. Et ils y parvenaient. Il faut donc féliciter ces gens admirables et comprendre que, en de pareilles conditions, enseigner l'alphabet eût constituer un luxe saugrenu pour idéalistes fin de siècle.»
BlueGrey
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Amélie Nothomb, Le Sabotage amoureux, éd. Albin Michel, coll. Le Livre de Poche, 1996 (1993), 123 pages, 4 €.
Du même auteur : Biographie de la faim
21:30 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, roman, Chine, Pékin, enfance, autobiographie
06/05/2007
Messieurs les enfants – Daniel Pennac (1997)
L'imagination, ce n'est pas le mensonge
« Sujet : Vous vous réveillez un matin, et vous constatez que, dans la nuit, vous avez été transformé en adulte. Complètement affolé, vous vous précipitez dans la chambre de vos parents. Ils ont été transformés en enfants. Racontez la suite. »
Un professeur de français mal dans sa peau donne à trois de ses élèves indisciplinés un sujet de rédaction qui va bouleverser leur vie, celle de leur famille... et la sienne. Le sujet est astucieux : un matin les enfants sont devenus adultes et les parents transformés en enfants. Pennac en tire un roman agréable et parfois farfelu, à la lisière du rêve et de la réalité, entre fantaisie et réalisme. Il s'en prend aux préjugés et aux idées toutes faites, en particulier sur le choc des générations, et termine son roman comme il l'a commencé, sur cette même réflexion péremptoire : « L'imagination, ce n'est pas le mensonge. »
C'est plaisant !
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Daniel Pennac, Messieurs les enfants, éd. Gallimard, coll. Folio, 1999 (1997), 258 pages, 5,60 €.
Du même auteur : Chagrin d'école
09:45 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, roman, famille, enfance