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12/02/2013

Indian Creek – Pete From [1993]

Indian Creek, Pete Fromm« Le garde commença à parler de bois à brûler. Je hochais la tête sans arrêt, comme si j'avais abattu des forêts entières avant de le rencontrer.
- Il te faudra sans doute sept cordes de bois, m'expliqua-t-il. Fais attention à ça. Tu dois t'en constituer toute une réserve avant que la neige n'immobilise ton camion.
Je ne voulais pas poser cette question, mais comme cela semblait important, je me lançai :
- Heu... C'est quoi, une corde de bois ? » (p. 28-29)

Ainsi débute le long hiver que Pete Fromm, âgé de 20 ans, s'apprête à vivre au cœur des montagnes Rocheuses de l'Idaho. Découvrir la suite...

24/02/2010

Ta mémoire, petit monde – Alain Foix [2005]

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Ta mémoire petit monde.gif« Prenons un petit monde au hasard dans la rue. Tenez, dans Pointe-à-Pitre, sur le trottoir de la rue Barbès. Il sort tout juste de l'école et fixe le caniveau. Dans le ruisseau, son bateau de papier. Au bout de la rue, un bâtiment immense. Sa coque de noix va droit dessus. Un géant blanc posé sur l'eau et qui écrase la ville de majesté. Le Colombie, comme c'est écrit dessus, pousse un long hurlement et arrête le temps. La ville est suspendue et le monde médusé. C'est la terre qu'on déchire, le géant se délivre. Une lente déchirure, mouvement inexorable, et la mer s'y engouffre. Un gouffre de vertige, d'un bleu à s'y noyer. Et le monde rapetisse à mesure qu'il s'éloigne.

Le bateau de papier a mouillé l'encre bleue. Le vent l'a renversé, l'enfant l'a oublié. Bientôt c'est le grand jour où il verra le monde du pont du Colombie. » (p. 13)

Petit monde, "ti moun" en créole, c'est l'enfant. Et l'enfant, c'est Lino, l'enfant que fut Alain Foix et dont il se souvient, par fragments : son enfance guadeloupéenne, le départ pour la métropole avec Lucia, sa mère courage, tôt levée et tard rentrée de l'hôpital où elle fait des ménages, et à laquelle Lino apprendra l'orthographe et la grammaire, la forêt de béton de la banlieue de région parisienne où ils se sont installés, et le racisme ordinaire auquel il se retrouve confronté, pour la première fois :

« On m'appela négro, j'entendis nez gros. Je me dis en moi-même que c'était un peu vrai. On m'appela Blanche-Neige. Je n'ai pas compris l'insulte. La neige était belle et j'espérais la voir. Elle était blanche, et j'étais noir. Ça n'avait rien à voir. » (p. 78)

Plus tard, ce sera l'hôpital de Berck-plage où Lino est envoyé plusieurs mois, puis d'autres découvertes encore, les filles, la psychanalyse, et la fin de l'enfance, le passage à l'âge adulte. Et toujours présent, élément constitutif de l'adulte en devenir, ce sentiment de tiraillement entre son île nimbée de soleil et le continent. Un récit sur l'enfance, l'apprentissage et la mémoire.

Au début, la narration qui alterne entre troisième et première personne du singulier, le phrasé haché et le style dense, déroutent. Il faut persévérer pour apprécier ce récit dont la richesse et la poésie se dévoilent peu à peu. Au fil des pages, l'enfant grandissant et apprenant, le "je" s'affirme, le style devient plus fluide, plus facile, mais garde toujours sa jolie musicalité. Toutefois, si le style est plaisant, sa complexité m'a tenue à distance du récit, que j'ai trouvé un peu longuet malgré son petit nombre de pages...

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Alain Foix, Ta mémoire, petit monde, éd. Gallimard, coll. Haute enfance, 2005, 168 pages, 12,50 €.

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Un livre proposé par Stephie.

Les avis de Fashion, Yueyin, Isil, Levraoueg, Armande, Keisha, Chimère, Pascale, Yoshi & Leiloona.

28/10/2009

Mille morceaux – James Frey (2003)

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Mille morceaux.gifJames à 23 ans. Il est « Alcoolique, Toxicomane et Délinquant » comme il se définit lui-même. Son avenir ? La prison ou la mort. Mais après un énième de ses "trous noirs", ses parents l'obligent à entrer en cure de désintoxication dans une clinique du Minnesota. Sa dernière chance de s'en sortir en somme.

« Je suis profondément, physiquement, mentalement et émotionnellement dépendant de ces deux substances. Je suis profondément, physiquement, mentalement et émotionnellement dépendant d'un certain mode de vie. Je ne connais rien d'autre, rien de plus, et je ne me souviens de rien d'autre. Je ne sais pas si je peux faire quoi que ce soit d'autre à ce stade. J'ai la trouille d'essayer. J'ai une putain de trouille bleue. J'ai toujours cru que j'avais le choix entre la prison et la mort. Je n'ai jamais songé que je pouvais avoir le choix d'arrêter parce que je n'ai jamais cru que je pouvais y arriver. J'ai une putain de trouille bleue. »

Le récit est organisé selon le déroulé de la cure, un quotidien très règlementé et structuré pour des êtres qui justement n'ont plus de repères : le réveil, la douche, les taches quotidiennes, les repas, le tableau des objectifs, les conférences obligatoires, les entretiens médicaux... Par réminiscence, le narrateur dévoile aussi sa vie d'avant, son enfance dissoute dans l'alcool et sa jeunesse cramé au crack.

De l'effroyable douleur du manque à la volonté de tenir bon, de la solitude abrutissante à la renaissance amoureuse, du désir de reconstruction à celui de l'autodestruction, de la Fureur qui balaie les bonnes résolutions aux amitiés improbables (celle d'un gangster, d'un juge ou d'un boxeur) qui permettent de s'accrocher, le narrateur nous livre tout, crument, sans concessions ni tabous. Sur 600 pages se déploient le doute, la douleur, le manque, la Fureur, l'horreur, le désarroi, la déprime, la frustration, les crises d'angoisse, la paranoïa, les hallucinations, les hurlements... Une descente aux enfers incandescente, puis une très lente remontée vers la vie.

Initialement présenté comme autobiographique, Mille morceaux a, à la suite du passage de son auteur à l'émission télévisuelle d'Oprah Winfrey, rencontré un succès phénoménal aux Etats-Unis. Jusqu'au jour où il a été révélé que cette autobiographie était beaucoup plus romancée que son auteur et son éditeur ne l'avaient dit. Et après un incroyable lynchage médiatique de l'auteur, la maison d'édition est allée jusqu'à proposer de rembourser les lecteurs qui se seraient sentis floués !

Or, autobiographie ou pas, ce Mille morceaux est un véritable choc ! Pour moi, peu importe sa part de fiction et de vérité, l’essentiel est le texte lui-même. Et ce texte, cru, intense, et parfois halluciné, s'avère d'une grande puissance : utilisant une écriture brute, une syntaxe malmenée, un style nerveux et syncopé, et le procédé du flux de conscience, le phrasé de James Frey est une musique scandée au rythme obsédant, qui rend compte avec exactitude de la violence prosaïque du narrateur, de sa situation et de son environnement. Certes, le récit aurait pu éviter certaines longueurs ou répétitions, et l'usage intensif de Majuscules Ironiques peut être lassant, mais l'exercice de style (ce travail sur le rythme et les mots et le dosage entre humour et vitriol) aboutit à un texte uppercut dont on sort indubitablement sonné.

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James Frey, Mille morceaux (A Million Little Pieces), traduit de l'américain par Laurence Viallet, éd. 10/18, coll. domaine étranger, 2006 (2003), 601 pages, 12 €.

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Un livre proposé par Levraoueg.
Les avis de Armande, Keisha, Chimère, Pascale, Yoshi & Leiloona.

20/02/2009

L'amant – Marguerite Duras (1984)

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Lamant.gifL'Amant, c'est LE fabuleux roman autobiographique de Marguerite Duras. C'est l'un des récits d'initiation amoureuse parmi les plus troublants qui soit. C'est aussi un des livres marquants dans ma vie de lectrice, pas tant pour l'histoire que pour le style Duras.

L'histoire justement, quelle est-elle ? Comme chacun sait, L'Amant relate la relation entre la narratrice, jeune fille blanche de 15 ans, et un riche Chinois du double de son âge. Dans l'Indochine coloniale de l'entre deux guerres, leur histoire est empreinte de transgression car tout les oppose : la situation sociale et ethnique, la différence d'âge... Cette aventure amoureuse, sublimée par un environnement extraordinaire, ne pourra survivre : la jeune fille repartira en France et cet amour restera en suspens...

Mais L'Amant n'est pas qu'une histoire d'amour inaboutie. En effet, derrière la trame de cet amour au goût d'inachevé et teinté de mélancolie, Marguerite Duras offre un récit à plusieurs niveaux de lecture : elle évoque en filigrane la violence et la douleur de son histoire familiale (la brutalité du frère aîné, l'amour mais aussi l'insuffisance de la mère, l'adoration pour le petit frère et la douleur de sa perte) et, déjà présente, l'envie d'écrire.

Pourtant cette histoire, Marguerite Duras ne la mettra par écrit qu'à l'âge de 70 ans, 55 ans après... C'est le temps qu'il lui faudra pour accéder à elle-même et révéler enfin les sentiments que lui inspira le jeune Chinois, et révéler aussi les liens difficiles qui l'unissaient à sa mère et à ses frères.

Malgré tout, malgré l'utilisation du "je" qui laisse entendre la voix de l'auteur, on ne peut assimiler pour autant ce roman à une pure autobiographie. En effet dans son livre Marguerite Duras ne semble pas avoir la volonté de réalité, ainsi son imagination se mêle à sa mémoire. La narration est "éclatée" : elle papillonne en suivant le cours décousu des pensées et souvenirs de la narratrice, elle oscille entre passé et présent, elle utilise l'ellipse et la suggestion autant que la redondance, certains moments étant tus ou à peine évoqués quand d'autres anecdotes sont racontées plusieurs fois, un souvenir se reliant à l'autre parfois par une simple association d'idées.

Si ce style décousu peut déconcerter, moi il m'a enchantée, tout comme m'ont émerveillées la langue pure et la formidable efficacité de l'écriture, très poétique, et basée sur l'économie du mot. Un peu moins de mots, un peu plus de silence, Marguerite Duras excelle dans l'art de l'épure, l'évocation faite à mi-voix qui laisse place à l'imaginaire pour combler les silences de son récit. Enfin, pour en revenir au "sujet", Marguerite Duras conjugue aussi avec beaucoup de finesse la pudeur et l'impudeur dans son évocation de la découverte du plaisir physique.

Bref, bien plus qu'un roman, ce livre est un envoûtement...

« Tous, dit la mère, ils tournent autour d'elle, tous les hommes du poste, mariés ou non, ils tournent autour de ça, ils veulent de cette petite, de cette chose-là, pas tellement définie encore, regardez, encore une enfant. Déshonorée disent les gens ? et moi je dis : comment ferait l'innocence pour se déshonorer ? »

« Cet amour insensé que je lui porte reste pour moi un insondable mystère. Je ne sais pas pourquoi je l'aimais à ce point là de vouloir mourir de sa mort. J'étais séparée de lui depuis dix ans quand c'est arrivé et je ne pensais que rarement à lui. Je l'aimais, semblait-il, pour toujours et rien de nouveau ne pouvait arriver à cet amour. J'avais oublié la mort. »

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petit livre.gifMarguerite Duras, L'Amant, éd. de Minuit, 2005 (1984), 141 pages, 10 €.

01/09/2008

La duchesse de Bloomsbury Street – Helene Hanff (1973)

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4539821f79cac91f36d23248036b7001.gifAprès vingt ans de correspondance avec le personnel d'une librairie londonienne spécialisée en livres rares, Helene Hannf la new-yorkaise découvre enfin Londres en juin et juillet 1971. Malheureusement l'ami libraire, Frank Doel, est décédé sans qu'elle ait pu le rencontrer. Mais se femme, sa fille et une foule de personnages hauts en couleur l'accueillent lors de son séjour, ses premières vacances à l'âge de 54 ans. Tour à tour bougonne et enjouée, l'excentrique Helene nous fait partager son voyage, ses rencontres, ses impressions, raconte sa plongée dans un univers mondain qui n'est pas le sien, croque Londres et les londoniens et émaille sont récit de points de vues savoureux (sur le bus, la prostitution, la famille royale, les fêtes nationales, la recette du gin-martini...). Et surtout nous la suivons avec tendresse et émotion sur les traces de ses héros de toujours : dramaturges, poètes, philosophes, de préférence élisabéthains.

Ce récit est certes moins alerte et touchant que sa correspondance, mais pour qui a aimé 84, Charing Cross Road, retrouver Helene fidèle à elle-même (hypocondriaque, impécunieuse et iconoclaste au grand cœur) et partager sa découverte du Londres littéraire est un plaisir !

  

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Helene Hanff, La duchesse de Bloomsbury Street (The duchess of Blommsbury Street), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Noël Liaut, éd. Payot, 2002 (1973), 189 pages, 12,50 €.

L'avis de YueYin.

Du même auteur : 84, Charing Cross Road