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20/02/2009

L'amant – Marguerite Duras (1984)

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Lamant.gifL'Amant, c'est LE fabuleux roman autobiographique de Marguerite Duras. C'est l'un des récits d'initiation amoureuse parmi les plus troublants qui soit. C'est aussi un des livres marquants dans ma vie de lectrice, pas tant pour l'histoire que pour le style Duras.

L'histoire justement, quelle est-elle ? Comme chacun sait, L'Amant relate la relation entre la narratrice, jeune fille blanche de 15 ans, et un riche Chinois du double de son âge. Dans l'Indochine coloniale de l'entre deux guerres, leur histoire est empreinte de transgression car tout les oppose : la situation sociale et ethnique, la différence d'âge... Cette aventure amoureuse, sublimée par un environnement extraordinaire, ne pourra survivre : la jeune fille repartira en France et cet amour restera en suspens...

Mais L'Amant n'est pas qu'une histoire d'amour inaboutie. En effet, derrière la trame de cet amour au goût d'inachevé et teinté de mélancolie, Marguerite Duras offre un récit à plusieurs niveaux de lecture : elle évoque en filigrane la violence et la douleur de son histoire familiale (la brutalité du frère aîné, l'amour mais aussi l'insuffisance de la mère, l'adoration pour le petit frère et la douleur de sa perte) et, déjà présente, l'envie d'écrire.

Pourtant cette histoire, Marguerite Duras ne la mettra par écrit qu'à l'âge de 70 ans, 55 ans après... C'est le temps qu'il lui faudra pour accéder à elle-même et révéler enfin les sentiments que lui inspira le jeune Chinois, et révéler aussi les liens difficiles qui l'unissaient à sa mère et à ses frères.

Malgré tout, malgré l'utilisation du "je" qui laisse entendre la voix de l'auteur, on ne peut assimiler pour autant ce roman à une pure autobiographie. En effet dans son livre Marguerite Duras ne semble pas avoir la volonté de réalité, ainsi son imagination se mêle à sa mémoire. La narration est "éclatée" : elle papillonne en suivant le cours décousu des pensées et souvenirs de la narratrice, elle oscille entre passé et présent, elle utilise l'ellipse et la suggestion autant que la redondance, certains moments étant tus ou à peine évoqués quand d'autres anecdotes sont racontées plusieurs fois, un souvenir se reliant à l'autre parfois par une simple association d'idées.

Si ce style décousu peut déconcerter, moi il m'a enchantée, tout comme m'ont émerveillées la langue pure et la formidable efficacité de l'écriture, très poétique, et basée sur l'économie du mot. Un peu moins de mots, un peu plus de silence, Marguerite Duras excelle dans l'art de l'épure, l'évocation faite à mi-voix qui laisse place à l'imaginaire pour combler les silences de son récit. Enfin, pour en revenir au "sujet", Marguerite Duras conjugue aussi avec beaucoup de finesse la pudeur et l'impudeur dans son évocation de la découverte du plaisir physique.

Bref, bien plus qu'un roman, ce livre est un envoûtement...

« Tous, dit la mère, ils tournent autour d'elle, tous les hommes du poste, mariés ou non, ils tournent autour de ça, ils veulent de cette petite, de cette chose-là, pas tellement définie encore, regardez, encore une enfant. Déshonorée disent les gens ? et moi je dis : comment ferait l'innocence pour se déshonorer ? »

« Cet amour insensé que je lui porte reste pour moi un insondable mystère. Je ne sais pas pourquoi je l'aimais à ce point là de vouloir mourir de sa mort. J'étais séparée de lui depuis dix ans quand c'est arrivé et je ne pensais que rarement à lui. Je l'aimais, semblait-il, pour toujours et rien de nouveau ne pouvait arriver à cet amour. J'avais oublié la mort. »

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petit livre.gifMarguerite Duras, L'Amant, éd. de Minuit, 2005 (1984), 141 pages, 10 €.