19/07/2007
Le Sabotage amoureux – Amélie Nothomb (1993)
«Un pays communiste est un pays où il y a des ventilateurs»
«Aucun quotidien, aucune agence de presse, aucune historiographie n'a jamais mentionné la guerre mondiale du ghetto de San Li Tun, qui dura de 1972 à 1975.
C'est ainsi que, dès mon plus jeune âge, j'ai su à quoi m'en tenir quant à la censure et à la désinformation.
Car enfin, peut-on trouver dérisoire un conflit de trois années, auquel prirent part des dizaines de nations, et au cours duquel des atrocités aussi épouvantables furent perpétrés ?
Prétexte à ce silence des médias : la moyenne d'âge des combattants avoisinait les dix ans. Les enfants serait-ils donc étrangers à l'histoire ?»
En 1972 Amélie a 5 ans et son père, diplomate belge, est muté dans l'hideuse Chine de la Bande des Quatre. Exilée de son éden japonais, la voilà plongée dans le ghetto pour diplomates de San Li Tun. La jeune Amélie s'y épanouit grâce à la guerre d'enfants qui y fait rage pendant trois ans. La guerre lui assure même le rôle glorieux d'éclaireur sur son cheval-vélo jusqu'au jour où la rencontre de la sublime petite Elena lui fait concevoir une passion enfantin, passion suffisante pour accepter de se saboter.
«Je n'écrivais pas moi. Quand on a des ventilateurs géants à impressionner, quand on a un cheval à soûler de galops, quand on a une armée à éclairer, quand on a un rang à tenir et un ennemi à humilier, on redresse la tête et on n'écrit pas.
C'est pourtant là, au cœur de la Cité des Ventilateurs, que ma décadence a commencé.
Elle a débuté à l'instant où j'ai compris que le centre du monde, ce n'était pas moi.
Elle a débuté à l'instant où j'ai été émerveillée de découvrir qui était le centre du monde. [...]
Le centre du monde été de nationalité italienne et s'appelait Elena.»
Ce roman autobiographique, exégèse personnelle faite de narcissisme égocentrique asséné avec application devient vite lassant et même agaçant. Toutefois, malgré tout, malgré soi, le lecteur se laisse emporter par le flot des mots, par la facilité du style toujours clair, concis, précis, ciselé et par l'humour piquant : «Aux professeurs étaient dévolue une tâche surhumaine : empêcher les enfants de s'entre-tuer. Et ils y parvenaient. Il faut donc féliciter ces gens admirables et comprendre que, en de pareilles conditions, enseigner l'alphabet eût constituer un luxe saugrenu pour idéalistes fin de siècle.»
BlueGrey
______________________________
Amélie Nothomb, Le Sabotage amoureux, éd. Albin Michel, coll. Le Livre de Poche, 1996 (1993), 123 pages, 4 €.
Du même auteur : Biographie de la faim
21:30 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, roman, Chine, Pékin, enfance, autobiographie
15/07/2007
Biographie de la faim – Amélie Nothomb (2004)
Genre : autobiographie vorace
Mon premier Nothomb !
Un livre court qui se lit vite et bien dans lequel Amélie Nothomb procède à son introspection sous l’'angle de la faim, une sorte d'errance mentale, de souvenirs en souvenirs d'une petite fille un peu étrange. Une autobiographie vorace donc, au hasard de son enfance et adolescence itinérante faite de ruptures géographiques, au gré des mutations de son diplomate de père (Japon, Pékin, New-York, Bangladesh), et de ruptures relationnelles. Amélie Nothomb parle de sa faim : faim de sucre d'abord, faim d'alcool encore, faim de culture ensuite, et surtout faim des autres, mais aussi la faim d'avoir faim, et au bout du compte la faim de tout, la surfaim. Description d'une boulimie qui est à l'origine de sa fertilité littéraire.
«La faim, c'est moi !»
«Par faim, j'entends ce manque effroyable de l'être entier, ce vide tenaillant, cette aspiration non tant à l'utopique plénitude qu'à la simple réalité : là où il n'y a rien, j'implore qu'il y ait quelque chose.»
Amélie Nothomb, c'est d'abord un style savoureux, plein de décontraction et de légèreté, c'est aussi un sentiment d'exaltation à chaque phrase subtilement ciselée, c'est un vocabulaire choisi, parfois délicieusement désuet, c'est enfin un cynisme et un second degré distingué. Mais la saveur du style ne suffit pas à maintenir l'intérêt pour cet ouvrage complaisant qui s'épuise au fil des pages.
BlueGrey
______________________________
Amélie Nothomb, Biographie de la faim, éd. LGF, coll. Le Livre de Poche, 2006 (2004), 188 pages, 5,50 €.
Du même auteur : Le Sabotage amoureux
01:20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, autobiographie, faim, biographie
07/11/2006
La ceinture - Ahmed Abodehman (2000)
Ahmed Abodehman est né en 1949 dans le village d'Alkhalaf, dans la tribu des Kahtanis établie depuis des temps immémoriaux au creux des hautes montagnes de l'Assir en Arabie Saoudite. Après ses études à Ryad, il choisit de s'installer à Paris en 1982 où il exerce aujourd'hui la profession de journaliste : il dirige le bureau parisien du journal saoudien Al Riyadh.
«Mais je suis là, parmi vous, à Paris, à l'aube de l’an 2000 ! Qu'elle aventure pour moi qui ne connais pas même ma date de naissance ! Sans doute ne me voyez-vous pas, car je m'efforce d'être comme vous, gris, indifférent, pourtant je porte en moi mon village comme un feu inépuisable.»
Dans ce premier roman autobiographique publié en 2000, Ahmed Abodehman décrit le tiraillement entre la tradition et l'attachement à ses racines et son intégration à d'autres cultures. Mais surtout l'auteur-poète nous livre un long et émouvant poème d'amour au monde qui l'a construit, celui de son village natal où les enfants naissent imprégnés de musique et de poésie. Il nous livre son témoignage dans une langue où se mêle la fantaisie et les rêveries de l'enfance, une langue toute empreinte de fraîcheur, de tendresse et d'humour qui restitue la lente prise de conscience du narrateur de son identité et de sa personnalité dans un monde aux traditions millénaires qui se trouve confronté à l'irruption de la modernité par la construction, sur ordre du gouvernement, d'une école primaire. Face à ce défi lancé à sa tribu et plus largement au monde arabe, Ahmed Abodehman restitue la dimension poétique, culturelle et identitaire de son pays.
Un joli récit auquel il manque toutefois encore un petit quelque chose de difficile à définir pour qu'il prenne réellement son envol.
BlueGrey
Ahmed Abodehman, La ceinture, éd. Gallimard, coll. folio, 2003, 180 pages, 5,10 €.
21:10 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, roman, Arabie Saoudite, autobiographie, tribu