03/11/2007
La petite fille de Monsieur Linh – Philippe Claudel (2005)
Tao-Laï !
Voici un petit livre bouleversant qui parle d'exil, de solitude, de courage, d'amour, d'amitié et de folie. C'est un petit roman simple, beau et touchant. Simplement, un petit roman qui fait du bien (même si on pleure à la fin).
« C'est un vieil homme debout à l'arrière d'un bateau. Il serre dans ses bras une valise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil homme se nomme Monsieur Linh. Il est seul à savoir qu'il s'appelle ainsi car tous ceux qui le savaient sont morts autour de lui. » Monsieur Linh est un vieil homme. Après avoir perdu tous les siens il a fui son village et sa patrie (le Vietnam ?) dévastés par la guerre, n'emportant avec lui qu'une petite valise contenant quelques vêtements, une photo jaunie, une poignée de terre de son pays. Et, blottie au creux de ses bras, sa petite fille Sang Diû, "Matin doux" : « Six semaines. C'est le temps que dure le voyage. Si bien que lorsque le bateau arrive à destination, la petite fille a déjà doublé le temps de sa vie. Quant au vieil homme, il a l'impression d'avoir vieilli d'un siècle. » Un jour de novembre le bateau arrive à destination et Monsieur Linh débarque, avec des centaines d'autres réfugiés, dans un pays gris et sans odeur (la France ?). C'est le froid glacial qui accueille les émigrés, le froid et l'indifférence. Dans cette ville inconnue où les gens s'ignorent, il va pourtant se faire un ami, Monsieur Bark, bonhomme replet et sympathique, très affecté par la mort de sa femme. Entre ces deux solitudes, une étrange amitié se noue, une amitié qui voit au delà des apparences, entend au delà des mots, comprend au delà des langages...
Philippe Claudel utilise une écriture fine et précise, des phrases courtes, des mots simples et justes, et beaucoup de délicatesse pour écrire son histoire. Une histoire construite sur une trame triste (la guerre, la mort, l'exil, le déracinement, le manque, la mémoire, la solitude) mais qui ne tombe pas dans la mièvrerie ou l'apitoiement. Ce roman se lit aussi facilement qu'il est difficile à oublier et se révèle profondément émouvant et d'une grande délicatesse. Une fois le livre refermé le lecteur, touché en plein cœur, comprend qu'il ne lui sera pas facile de se plonger dans une autre histoire...
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Philippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh, éd. Stock, coll. Le Livre de Poche, 2007 (2005), 183 pages.
Les avis de Solenn, Papillon, Livrovore, Anjelica et du Bilioblog.
Du même auteur : Quelques-uns des cent regrets
19:05 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, livre, roman, exil, amitié
24/10/2005
Ensemble, c'est tout – Anna Gavalda [2004]
Genre : à la guimauve
«Paulette Lestafier n'était pas si folle qu'on le disait. »
Voici une petite merveille de roman à la guimauve que j'ai dévoré en 3 nuits, un bijou, un moment rare... Un peu trop tendre pour être honnête ce roman, mais ça fait tellement de bien!
Ce livre raconte une histoire d'amour actuelle entre quatre éclopés de la vie.
Dans la famille Bras Cassés il y a Philibert, l'aristocrate bègue, chouan désarmé, toqué et lunaire, fana d'histoire de France, un être exquis. Ensuite vient Franck, garçon taillé dans l'échine, cuistot grossier au coeur cabossé, fana de filles et de motos, pas très malin, un peu faraud, un peu couillu, un peu grande gueule. Puis Paulette, la mémé têtue, de Franck vieille dame pleine de bleus, fana de son petit-fils. Enfin, Camille, jeune femme fragile, mi-fée, mi-ange, et un peu extraterrestre aussi, qui n'ose plus tenir un crayon malgré son grand talent pour le dessin. Tous sont pleins de bleus, pleins de bosses et tous ont un cœur gros comme ça.
Ces quatre là, ils n'auraient jamais du se rencontrer. Pourtant ce livre raconte leur rencontre justement, mais aussi les frictions, la tendresse, l'amitié, les coups de gueule, les réconciliations et tout le reste encore... Bref, leur histoire d'amour.
« Pour la première fois et tous autant qu'ils étaient, ils eurent l'impression d'avoir une vrai famille.
Mieux qu'une vrai d'ailleurs, une choisie, une voulue, une pour laquelle ils s'étaient battus et qui ne leur demandait rien d'autre en échange que d'être heureux ensemble. Même pas heureux d'ailleurs, ils n'étaient plus si exigeants. D'être ensemble, c'est tout. Et déjà c'était inespéré. »
Dire que j'ai aimé ce livre n'est pas assez fort : je n'ai pas pu le lâcher jusqu'à ce que je sois arrivée au dernier mot de la dernière page. Allez ! Comme je suis une bonne fille, je vous le donne ce dernier mot de la six cent quatrième page : "souriant" ! Il est pas beau le mot de la fin ?
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Anna Gavalda, Ensemble, c'est tout, éd. le dilettante, 2004 (2004), 603 pages, 22 €.
Du même auteur : L'Echappée belle, Je l'aimais
22:15 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : ensemble c'est tout, anna gavalda, littérature française, littérature contemporaine, roman, amour, amitié, famille
28/07/2004
[cirque] La Monstrueuse Parade / Compagnie Remise à 9
Loin des vieux clichés, loin des numéros habituels, les jeunes artistes talentueux de la Compagnie Remise à 9 nous font découvrir le cirque de demain, ce que l’on appelle le «nouveau cirque» : sans animaux, sans clown au nez rouge, sans trapèze volant et sans paillettes. Cependant, certaines techniques sont issues du cirque traditionnel, telles que l’acrobatie et le jonglage. Le spectacle est une parade extraordinaire, une douce alchimie qui mêle cirque, théâtre, humour, poésie, jonglerie, chant, musique, danse et marionnettes, pour tout public.
La Monstrueuse Parade est un défilé pittoresque, tonitruant et inventif de créatures insolites cahotées par les aléas du destin. Ce spectacle, c’est une baraque foraine, une foire, un musée des horreurs dans lequel se retrouvent enfermés ceux qui ont eu moins de chance, les laids, les mal foutus, les cabossés, les âmes blessées, les ratés, les tordus, les difformes : les "monstres". Cocasses, répulsifs, loufoques, dérangeants, naïfs, ridicules aussi parfois, émouvants souvent, insolites et déconcertants toujours, ces êtres bancals célèbrent la vie dans leur baraque foraine, avec l'ardeur et la gravité de ceux qui savent le prix du bonheur. Ils se soutiennent, se dévoilent chacun leur tour, nous raconte leurs bleus et leurs bosses, leurs peurs aussi et leurs faiblesses, parlent de choses et d’autres, de babioles, et ne peuvent éviter de parler d’eux-mêmes... et de nous. Ce sont des monstres gentils et bizarres, touchants et attachants, qui ne peuvent cacher bien longtemps, sous leur difformité, leur profonde humanité. Une humanité déglinguée mais pétillante. Et on se surprend à les aimer, ces monstres là : les frères siamois reliés par un cordon ombilical plastique et obligés de vivre complices, les soeurs contraires, dodue ou brindille, qui se supportent au premier sens du terme, la jeune fille presque enceinte dont le ventre se dégonfle, la magicienne qui vieillit la tête en bas et les jambes en bras, le despote timide et excité... Le spectateur est balancé d’une émotion à l’autre à une vitesse vertigineuse : rire, émotion, surprise, éblouissement... La seule constante est l’infinie tendresse qui se dégage de chaque monstre et leur troublante proximité.
Sur le thème de la différence et de son acceptation, ce spectacle nous offre un discours où le propos est jeu et faux semblants, entre tendresse, humour et émotion. Cette monstrueuse parade là est bien belle et on en repart le sourire aux lèvres.
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La Monstrueuse Parade
De et par la Compagnie Remise à 9 (Toulouse)
Spectacle vu le 28/07/2004 au Festival d'Avignon Off
20:45 Publié dans Cirque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : avignon, cirque, festival d'avignon off, monstres, acrobatie, tolérance, amitié
27/07/2004
[théâtre] Cuisine et Dépendances - Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri / Théâtre de Lulu sur la Colline
Martine et Jacques organisent un dîner en l'honneur d'un ami d’enfance devenu très célèbre et qu'ils n'ont pas revu depuis dix ans, mais ils ont la tête ailleurs. Le contrôle de la soirée va complètement leur échapper, car si l'invité est au salon, la vraie soirée se déroule en "coulisse" dans la cuisine ! Là nous croisons Jacques et Martine donc, le jeune couple ami d’enfance du présentateur star, qui n’ont pas le temps de se poser les questions capitales ; Georges, l’ours bougon, squatteur de la maison et aussi ami d’enfance, s’en pose des questions, lui, à tout bout de champ, à tout moment, dans n’importe quel sens, à l’endroit et à l’envers, et ça n’avance à rien ; Charlotte, épouse de cette célébrité et toujours ami d’enfance, ne sait plus quelles questions elle doit poser et se poser ; et Fred, frère de Martine, pas ami, mais proche de l’enfance, qui ne voit pas l’intérêt de s’en poser, des questions. Dans le salon se trouvent deux personnages que l’on ne verra pas dans la pièce : Marilyn, la petite amie de Fred, la bombe sexuelle à la cervelle de moineau, qui ne soupçonne même pas que de telles questions puisse exister, et l’illustre mari de Charlotte, "star" de la soirée et dont la présence sera un révélateur comportemental de chacun, engendrant en cuisine les réactions et les avis les plus divers.
Il y a une question que chacun va se poser. Qui est-il, cet invité célèbre ? Une future relation, un ancien ami, un possible amant, un ex-mari, ou un imbécile de passage ? Les personnages défilent hypocritement devant cet homme... Pourquoi ? Peut-être pour gagner «son estime […] qui serait devenue indispensable en l’espace d’une soirée» (dixit Georges, acte 3).
On ajoute à cela une louche de vieux sentiments, une cuillérée de regrets, un soupçon de ressentiments et une pincée de poker et on obtient un repas très salé, une véritable soupe sentimentale et une vision saignante du couple. Le couple Jacques-Martine, qui a suivi les conventions sociales du mariage, se révèle rapidement en crise. Leur quête actuelle de leur vérité va s’opposer aux dix années passées où les problèmes de communication les ont conduit à rester à tout prix convenable, tombant dans une routine qui ce soir va céder, marquant un tournant crucial de leurs vies. Le couple Georges-Charlotte est tout aussi raté, probablement parce qu’ils n’ont pas osé l’engagement...
La cuisine devient l’arène des règlements de compte et des espoirs futurs : on y voit tous les personnages se dévoiler les uns après les autres, vulnérables et fragiles, plus lâches que vraiment méchants, empêtrés dans leur vie, tiraillés entre leurs peurs et leurs désirs, émouvants. Cuisine et Dépendances est une satire sociale, une comédie douce-amère, tendre et subtile, à l’écriture caustique et au ton léger.
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Cuisine et Dépendances
Comédie d'Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri
Interprété par le Théâtre de Lulu sur la Colline
Spectacle vu le 27/07/2004 au Festival d’Avignon Off
17:00 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : avignon, festival d'avignon off, théâtre, cuisine, amitié, couple