17/06/2010
En cuisine – Monica Ali [2009]
Chef de cuisine de l'Hôtel Impérial, un palace anglais plus vraiment à la hauteur de sa splendeur d'antan, Gabriel Lightfoot doit composer chaque jour avec une équipe cosmopolite et chahuteuse, une sous-chef chaleureuse mais envahissante, une amie chanteuse qui se pose des questions sur leur relation et la maladie d'un père avec lequel il est en froid. Alors quand le cadavre d'un des plongeurs est retrouvé dans le sous-sol du restaurant et que Lena, mystérieuse et attirante fille de l'Est en perdition entre dans sa vie, le fragile équilibre psychologique de Gabriel vole en éclats. Tout en prenant soudain conscience des dérives qui se jouent sous son nez (travailleurs clandestins, trafics en tous genres, prostitution, chantages et violence quotidienne), Gabriel se perd peu à peu.
A priori le principal objectif de ce livre est de décrire et de dénoncer les conditions de travail dans les cuisines d'un palace londonien, entre horaires infernaux, agressivité latente et exploitation de travailleurs immigrés (souvent clandestins). Mais les personnages de Monica Ali sont tellement caricaturaux qu'ils en deviennent tout simplement invraisemblables ! A ce titre, le chef pâtissier français est totalement irritant : un summum d'idiotie balourde. Et la description des autres employés de cuisine (le Moldave, présenté comme parlant avec "un accent américain stupide", ou Oona la jamaïcaine, possédant une dent en or et un rire tonitruant, et sachant à peine parler anglais malgré ces 20 ans d'ancienneté) n'est pas mal non plus, dans le style réducteur.
De plus Gabe, malgré son statut de personnage principal, est en tous points incroyablement déplaisant et antipathique. Gabe est en pleine crise de la quarantaine. Gabe fait des cauchemars récurrents. Gabe est obsédé par le rond chauve apparu au sommet de son crâne. Gabe est méprisant et condescendant envers ses subalternes. Gabe voudrait ouvrir son propre restaurant. Gabe voudrait aussi pouvoir ignorer la maladie de son père. Gabe aime Charlie, et voudrait l'épouser, mais Gabe a des rapports sexuels obsessionnels et coupables avec Lena, une esclave sexuelle qui a échappé à son souteneur et à qui il a offert son "aide"... Gabe est faible, irrésolu, mou, incapable de s'engager et totalement égocentré. Et quand finalement Gabe pète un câble, que son identité se désagrège et se perd dans des états dissociatifs, il est trop tard pour raviver l'intérêt du lecteur qui a sombré depuis longtemps.
Enfin, en plus du style outrancier et sans finesse, la narration quant à elle est maladroite et démonstrative : elle se perd entre clichés et répétitions qui ne font qu'alourdir ce récit déjà totalement congestionné. Ce qui nous fait donc un roman de plus de 600 pages dont les 500 du milieu n'apportent rien, outre les interminables et incompréhensibles atermoiements de Gabe.
Le pitch était pourtant prometteur et les premiers chapitres aussi, sous leur apparence de roman policier flirtant avec le thriller. Mais bien vite le récit de Gabriel s'enlise autant que l'intérêt du lecteur.
Le dernier mot revient toutefois à Monica Ali, quand elle fait dire à ses personnages sortant du cinéma : « Ça ne te paraît pas contradictoire de parler de thriller intelligent ? lança Charlie.
- Pourquoi, tu n'as pas été tenue en haleine ? Du suspense, il y en avait, reconnais-le.
- Oui, mais ce n’est pas pour autant que c'est bien... Trop d'action, pas d'histoire. Rien ne s'enchaîne, tout est forcé. » Honnêtement, je ne saurais dire mieux !
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Monica Ali, En cuisine (In the kitchen), traduit de l'anglais par Isabelle Maillet, éd. Belfond, 2010 (2009), 624 pages, 22 €.
Merci à Libfly et au Furet du Nord pour l'envoi de ce livre.
21:39 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : monica ali, littérature anglaise, cuisine, palace, clandestins, prostitution
23/12/2009
Sushi et sa chimie – Sushi Shop
Il est rare que je parle cuisine sur ce blog, mais en voici l'occasion avec ce petit livre reçu grâce à Babelio ! En effet, j'avoue un penchant pour la cuisine japonaise, que je trouve simple mais raffiné et qui, de plus, est très saine. Je ne me suis toutefois jamais essayé à la réalisation de sushis, sashimis, makis ou autres temakis... Paraît qu'il faut une certaine dextérité et de l'expérience pour faire de beaux sushis ! Ce livre me paraissait donc être une bonne occasion de me lancer.
Ce que j'ai aimé dans ce livre, c'est la précision des explications : de la cuisson du riz au choix et à la découpe du poisson, les explications sont simples et claires, parfaites pour la débutante que je suis ! De plus, pour chaque type de préparation (sushi, maki, california rolls, spring rolls ou temaki), il y a une double page de conseils de préparation. Le livre regroupe ainsi une trentaine de recettes en tout, des incontournables comme les sushis thon ou saumon, les makis concombre ou avocat, mais aussi quelques suggestions originales comme le tartare de daurade et mangue en sushi, les spring rolls Foie gras, ou les california sunset : avocat, saumon, mandarine et sésame grillé... Et chaque recette est illustrée d'une très belle photographie : de quoi titiller les papilles !
Ceci étant dit, il me manque toujours le tour de main, que je ne désespère pas d'acquérir à force de pratique...
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Sushi Shop, Sushi et sa chimie, éd. Générales First, coll. Toquades, 2009, 87 pages, 6,90 €.
00:46 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cuisine, cuisine japonaise, recettes, sushi, maki, sashimi
27/07/2004
[théâtre] Cuisine et Dépendances - Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri / Théâtre de Lulu sur la Colline
Martine et Jacques organisent un dîner en l'honneur d'un ami d’enfance devenu très célèbre et qu'ils n'ont pas revu depuis dix ans, mais ils ont la tête ailleurs. Le contrôle de la soirée va complètement leur échapper, car si l'invité est au salon, la vraie soirée se déroule en "coulisse" dans la cuisine ! Là nous croisons Jacques et Martine donc, le jeune couple ami d’enfance du présentateur star, qui n’ont pas le temps de se poser les questions capitales ; Georges, l’ours bougon, squatteur de la maison et aussi ami d’enfance, s’en pose des questions, lui, à tout bout de champ, à tout moment, dans n’importe quel sens, à l’endroit et à l’envers, et ça n’avance à rien ; Charlotte, épouse de cette célébrité et toujours ami d’enfance, ne sait plus quelles questions elle doit poser et se poser ; et Fred, frère de Martine, pas ami, mais proche de l’enfance, qui ne voit pas l’intérêt de s’en poser, des questions. Dans le salon se trouvent deux personnages que l’on ne verra pas dans la pièce : Marilyn, la petite amie de Fred, la bombe sexuelle à la cervelle de moineau, qui ne soupçonne même pas que de telles questions puisse exister, et l’illustre mari de Charlotte, "star" de la soirée et dont la présence sera un révélateur comportemental de chacun, engendrant en cuisine les réactions et les avis les plus divers.
Il y a une question que chacun va se poser. Qui est-il, cet invité célèbre ? Une future relation, un ancien ami, un possible amant, un ex-mari, ou un imbécile de passage ? Les personnages défilent hypocritement devant cet homme... Pourquoi ? Peut-être pour gagner «son estime […] qui serait devenue indispensable en l’espace d’une soirée» (dixit Georges, acte 3).
On ajoute à cela une louche de vieux sentiments, une cuillérée de regrets, un soupçon de ressentiments et une pincée de poker et on obtient un repas très salé, une véritable soupe sentimentale et une vision saignante du couple. Le couple Jacques-Martine, qui a suivi les conventions sociales du mariage, se révèle rapidement en crise. Leur quête actuelle de leur vérité va s’opposer aux dix années passées où les problèmes de communication les ont conduit à rester à tout prix convenable, tombant dans une routine qui ce soir va céder, marquant un tournant crucial de leurs vies. Le couple Georges-Charlotte est tout aussi raté, probablement parce qu’ils n’ont pas osé l’engagement...
La cuisine devient l’arène des règlements de compte et des espoirs futurs : on y voit tous les personnages se dévoiler les uns après les autres, vulnérables et fragiles, plus lâches que vraiment méchants, empêtrés dans leur vie, tiraillés entre leurs peurs et leurs désirs, émouvants. Cuisine et Dépendances est une satire sociale, une comédie douce-amère, tendre et subtile, à l’écriture caustique et au ton léger.
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Cuisine et Dépendances
Comédie d'Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri
Interprété par le Théâtre de Lulu sur la Colline
Spectacle vu le 27/07/2004 au Festival d’Avignon Off
17:00 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : avignon, festival d'avignon off, théâtre, cuisine, amitié, couple