24/12/2007
Joyeux Noël !
Je vous souhaite un très joyeux Noël à tous, que Papa Noël trouve le chemin de vos cheminées et garnisse bien vos petits souliers !!!
13:45 Publié dans * De tout, de rien... * | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : Noël
19/12/2007
Le pouvoir du chien – Thomas Savage [1967]
Genre : l'Ouest Savage
Au début, nous croyons avoir affaire à un western littéraire, virile échauffourée de vachers le pied à l'étrier sous le soleil du Montana... Que nenni ! (Tien, j'aime bien cette expression moi, que nenni, on ne l'utilise pas assez je trouve...) Que nenni, donc ! Tout y est pourtant, la sauvage beauté de l'Ouest mythique, les murmures du vent, les chevaux qui piaffent, les troupeaux de bétail, le silence des hommes... Mais dans ce décor de Far West, c'est un drame qui se trame. Le roman de Savage se situe du côté du thriller psychologique dans lequel la tension croît lentement mais inexorablement et la tragédie avance en un crescendo époustouflant, extrêmement maîtrisé.
Nous sommes au cœur du Montana, en 1924, dans un ranch imposant où les deux frères Burbank, des célibataires endurcis, règnent sur un millier de bœufs et une dizaine de garçons de ferme. George, le cadet surnommé "Gras-double", un peu lourdaud, un peu obtus mais intrinsèquement brave, laisse Phil, l'aîné, archétype du cow-boy misogyne arrogant mais brillant, tenir les rênes de l'exploitation. Les deux frères-contraires gèrent leur bétail et leurs dollars sans souci et en parfaite harmonie. Tout bascule pourtant lorsque George épouse Rose, une jeune veuve, et la fait venir au ranch. Phil la déteste d'emblée et décide d'éliminer l'intruse, coûte que coûte. Il la harcèle, l'humilie, l'accable de son mépris. Devant tant de perfidies George reste impuissant et Rose se met à boire, de plus en plus. Elle sombre, corps et âme. Mais Phil n'a pas gagné pour autant car celui qu'il surnomme "Mademoiselle Chochotte", le fils adolescent de Rose, est un garçon troublant et très intelligent...
Savage façonne ses personnages et ses paysages avec justesse et subtilité. L'Ouest sauvage tient ici une place essentielle, il n'est pas seulement un arrière-plan décoratif. Savage ne se contente pas d'exalter cette terre mythique, il montre comment elle façonne les mœurs, comment elle s'infiltre dans les replis des cœurs et soumet les êtres à sa violence, à sa démesure, à son indomptable sauvagerie. Le roman plante des paysages magnifiques, rudes et âpres qui sont le miroir des sentiments contradictoires qui taraudent les personnages : la bonté de George, la force cachée du fils, la lente chute de Rose et surtout la perversité de Phil. Car au-delà de la fascination que nous éprouvons grâce à la qualité d'écriture et la maîtrise du style de Savage, nous nous sentons souvent mal à l'aise, tant le mal incarné par Phil s'insinue dans chaque page. Puis, petit à petit, page après page, nous comprenons ce que Phil dissimule sous sa carapace de rustre grossier, misogyne, raciste et homophobe... sa propre homosexualité refoulée, tabou majeur dans l'univers masculin des ranchs à une époque voué aux préjugés.
Le pouvoir du chien n'est donc pas seulement un documentaire sur l'Amérique rurale des années 1920, encore que l'auteur n'oublie pas de jeter un regard aussi lucide qu'ironique, voire cynique, sur le monde des éleveurs de cette époque. Son roman, dur, puissant, fascinant, intelligent et brillamment écrit, s'attaque à un sujet rarement abordé à cette époque, celui de l'homosexualité refoulée qui s'exprime sous forme d'homophobie. Un aspect douloureux et solitaire de l'Ouest est ainsi saisi dans ces pages.
Pour conclure, voici les premières lignes du roman qui posent d'emblée les personnages, l'environnement, le style et le sujet :
« C'était toujours Phil qui se chargeait de la castration. D'abord, il découpait l'enveloppe externe du scrotum et la jetait de côté ; ensuite, il forçait un testicule vers le bas, puis l'autre, fendait la membrane couleur arc-en-ciel qui les entourait, les arrachait et les lançait dans le feu où rougeoyaient les fers à marquer. Etonnamment, il y avait peu de sang. Au bout de quelques instants, les testicules explosaient comme d'énormes grains de pop-corn. Certains hommes, paraît-il, les mangeaient avec un peu de sel et de poivre. "Amourette", les appelait Phil avec son sourire narquois, et il disait aux jeunes aides du ranch que s'ils s'amusaient avec les filles ils feraient bien d'en manger eux aussi.
George, le frère de Phil, qui, lui, se chargeait d'attacher les bêtes, rougissait d'autant plus de ces conseils qu'ils étaient donnés devant les ouvriers. George était un homme trapu, sans humour, très comme il faut, et Phil aimait bien l'agacer. Quel grand plaisir, pour Phil, d'agacer les gens ! »
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Thomas Savage, Le pouvoir du chien (The Power of the Dog), traduit de l'américain par Pierre Furlan, éd. Belfond, coll. 10/18 domaine étranger, 2004 (1967), 338 pages, 7,80 €.
Du même auteur : La reine de l'Idaho
Et merci à Cuné de m'avoir offert ce livre lors d'un swap fort lointain...
12:50 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : le pouvoir du chien, thomas savage, littérature américaine, etats-unis, montana, cow-boy, ranch, homosexualité
07/12/2007
Harry Potter et les Reliques de la Mort (Harry Potter, tome 7) – J.K. Rowling (2007)
Depuis le 21 juillet dernier, date de la sortie anglo-saxonne de cet ultime tome, je me bouche héroïquement les oreilles et détourne courageusement les yeux de toute allusion potterienne afin de ne pas gâter le suspens et altérer mon plaisir de lecture quand enfin j'aurai ce livre entre les mains... Et aujourd'hui, le jour fatidique est arrivé : c'est fini ! Non, ce n'est pas un cri de joie que j'émets ainsi, mais plutôt un regret. Car oui, moi aussi je m'y suis laissée prendre, et c'est avec regret que j'ai quitté l'univers de Harry une fois ma lecture achevée. Comme sans doute beaucoup d'entre vous, j'ai lu ce roman partagée entre l'envie d'enfin savoir comment tout cela se termine (même si l'intrigue et le final sont prévisibles), et le désir de faire durer ce dernier rendez-vous...
...dans lequel Harry doit accomplir son destin : affronter Vous-Savez-Qui. Avant de mourir, Albus Dumbledore lui a révélé la manière dont ce dernier a divisé son âme en sept parties, enfermées dans des objets symboliques, les Horcruxes. Harry, toujours flanqué de Ron et Hermione, doit donc retrouver et détruire ces Horcruxes. Et sans dévoiler la fin des aventures du sorcier (Mourra ? Mourra pas ?), je peux toutefois vous donner quelques unes de mes impressions tant sur ce dernier tome que sur l'ensemble de l'heptalogie signée J.K. Rowling.
La première bonne surprise de cet ouvrage est que, après avoir ouvert tant de pistes inédites dans l'avant-dernier volume un peu indigeste (Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé) qui faisait craindre un dernier tome échevelé, J.K. Rowling réussit à boucler sa saga de façon honnête et efficace, en résolvant quasiment tous les mystères. Ce livre est certes plus sombre que les précédents (les cadavres s'amoncellent) mais il est bien rythmé, on y retrouve humour, action, révélations, retournements de situation, et l'on fait même un dernier petit tour à Poudlard, la plus fascinante école de magie jamais fréquentée (honnêtement, n'avez-vous jamais eu envie d'aller y faire un tour ?).
Cet ultime opus est la conclusion d'une expérience unique en littérature jeunesse : en effet, en choisissant de faire vieillir ses personnages d'un an à chaque tome et en conduisant ainsi son héros depuis l'enfance jusqu'à sa majorité, J.K. Rowling a accompagné une génération de lecteurs à l'orée de l'âge adulte. La série Harry Potter est un récit initiatique dense et complexe, où le héros (et dans une certaine mesure le lecteur avec lui) s'arrache, dans la douleur, à l'univers magique de l'enfance pour entrer dans l'âge adulte.
Toutefois, depuis le quatrième tome (Harry Potter et la coupe de feu) il est évident que J.K. Rowling n'écrit pas que pour les enfants. L'introduction de la mort, de la souffrance, a modifié la tonalité des romans. De plus les thèmes brassés par l'auteur rencontrent un écho immédiat dans notre monde contemporain et notre histoire : racisme de certains sorciers au "sang pur" contre ceux d'ascendance moldue, sort des elfes de maison, sous-classe opprimée indifféremment par les "méchants" et les "bons", trahison des institutions, enregistrement des nés-moldus pour mieux les éradiquer, désinformation dans les médias officiels, résistance, etc.
Au final on prend conscience de la cohérence de l'univers créé par J.K. Rowling, univers à la fois exotique mais aussi très proche de notre quotidien et pour lequel les réponses sont à trouver au-delà de la magie, dans des valeurs humanistes. Un message certes "évident" mais distillé de bien belle manière.
BlueGrey
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J.K. Rowling, Harry Potter et les Reliques de la Mort (Harry Potter and the Deathly Hallows), traduit de l'anglais par Jean-François Ménard, éd. Gallimard, 2007, 809 pages, 26,50 €.
Plein d'autres avis, partout sur le net, en voici quelques uns : Kalistina, Livrovore, Thom, YueYin, Gaël, Gachucha, etc.
12:40 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature, roman, magie, sorcier, Harry Potter