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11/01/2010

Le couperet – Donald Westlake [1997]

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Le couperet.gifBurke Devore, la cinquantaine, est cadre supérieur depuis vingt-cinq ans dans une usine de papier. Il a un joli pavillon, une femme au foyer, deux grands enfants et deux voitures. Petite vie tranquille, bien rangée, bien réglée, vie rêvée de la classe moyenne américaine, vie parfaite. Jusqu'au jour où... lui arrive ce qui n'arrive qu'aux autres : Burke Devore est licencié. « Pourquoi me suis-je fais virer, alors que la boîte est bénéficiaire et plus florissante que jamais ? La réponse est que notre absence rend l'entreprise encore plus puissante, les dividendes encore plus élevés, le retour sur investissement encore plus intéressant. »

« ll n'est pas un seul PDG qui n'ait commenté publiquement la vague de compressions de personnel qui balaie l'Amérique sans l'expliquer par une variation sur la même idée : "la fin justifie les moyens". La fin que j'accomplis, l'objectif, le but, est juste, incontestablement juste. Je veux m'occuper de ma famille ; je veux être un élément productif de la société ; je veux faire usage de mes compétences ; je veux travailler et gagner ma propre vie et ne pas être à la charge des contribuables. Les moyens de cette fin ont été difficiles, mais j'ai gardé les yeux rivés sur l'objectif. Comme les PDG, je n'ai rien à regretter. » Burke Devore décide donc d'appliquer à la lettre et jusqu'à l'absurde la méthode du libéralisme pour retrouver un emploi : éliminer la concurrence. Il va mettre ses compétences et sa force de travail à éliminer un à un ses concurrents. Oui, il les abat, l'un après l'autre, avec un vieux revolver ou avec un marteau ou avec sa voiture ou pire encore...

Alors, bien sûr, il y a du sang et quelques atrocités burlesques dans ce roman (certains mecs sont particulièrement coriaces à bousiller, faut dire), mais Westlake évoque aussi les conséquences désastreuses du chômage sur l'individu, le couple, la famille, le lien social en racontant le quotidien de cette famille touchée par la crise : on vend la seconde voiture, l'épouse trouve un boulot d'appoint, pas trop déshonorant, on n'invite plus les amis pour cacher sa déchéance... Et puis, il y a les dérapages fatidiques : le couple qui se déchire, le fils qui chaparde des CD-Rom... Et le bonheur se délite, peu à peu.

Je m'attendais à un livre loufoque sur fond de critique sociale mais, si la critique sociale est bien présente, l'humour, lui, est faussement joyeux, plutôt acide même. Sous des dehors comiques, le récit reste pessimiste, l'auteur aimant à ironiser sur l'humanité et son cynisme. C'est donc cruel, et absurde, mais le lecteur y croit et s'attache malgré tout à Burke, ce serial killer d'un nouveau genre, un mec sympa, fidèle, sincère, qui œuvre pour préserver sa famille, qui tue certes, mais par nécessité, presque par autodéfense, et n'y prend aucun plaisir. La narration du point de vue du criminel donne encore plus de force à cette histoire, le lecteur en venant à épouser son raisonnement et sa logique sans faille dans toute son horreur. La construction est minutieuse, implacable, jusqu'au dénouement, inéluctablement cynique. L'écriture, elle, est déconcertante de sècheresse (de spontanéité, diront les plus indulgents) : elle fait certes "vrai" mais aussi un peu pauvre tout de même...

Et j'en terminerai en citant juste la première phrase du roman « en fait, je n'ai jamais encore tué personne, assassiné quelqu'un, supprimé un autre être humain » qui préfigure à elle seule la suite des événements...

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Donald Westlake, Le couperet (The Ax), traduit de l'américain par Mona de Pracontal, éd. Rivages, coll. Rivages thriller, 1998 (1997), 245 pages, 11,98 €.

07/01/2010

Le baby-sitter - Jean-Philippe Blondel [2010]

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Le baby-sitter.gifAlex est étudiant et fauché. Mais il ne manque pas d'idées : il décide de proposer ses services en tant que soutien scolaire, ou même baby-sitter. Qui sait ? Homme et baby-sitter, ça doit être possible ? Il dépose donc une petite annonce à sa boulangerie, et justement la boulangère, Mélanie, qui souhaite pouvoir retrouver son mari certain soir en tête-à-tête, l'engage. Puis, le bouche à oreille aidant, la proposition d'Alex va rencontrer un succès inespéré et bien vite son rôle va dépasser la simple garde d'enfants. Au fil du temps il devient le confident, le complice, l'ami de couples en dérive et de parents solitaires. Témoin des petits drames ainsi que des joies fragiles qui jalonnent toute existence, il écoute, il parle, il comprend, il apprend à connaître ces adultes qui cachent tous une blessure. Et ce qui ne se présentait que comme un job d'appoint va donner un sens à sa vie.

Le style de Blondel est inventif, léger et fluide, teinté d'humour, toujours aussi agréable : « Zen. Alex se sent zen par rapport à tout ça. Alex se sent zen par rapport à tout, au fur et à mesure de la soirée. Bien sûr, cela a à voir avec la maturité qui se fait lentement. Mais, soyons lucides, cela a encore davantage à voir avec le gin qu'il ingurgite, à toutes petites gorgées. » Mais le récit est parsemé d'erreurs bizarroïdes. Par exemple Marc, l'un des parents engageant Alex, est présenté comme étant prof de français, puis 20 pages plus tard devient prof d'anglais (?!?), ou encore, alors que la narration suit le déroulé d'une année scolaire, on nous annonce que nous sommes en janvier, puis finalement non, nous sommes en fait en novembre pour une même action. Rien de bien grave, mais ces petites incohérences sont un peu déroutantes.

Quant à la morale du livre, elle s'avère d'un optimisme béat que j'ai trouvé un peu niais et agaçant : bien que l'existence soit une succession de petits et grands drames il convient, d'après Monsieur Blondel, de la prendre avec légèreté, la solidarité et la fraternité devant pallier les carences de nos vies... Un message certes positif et porté par un bel espoir, mais le coup du carpe diem, on nous l'a déjà fait !

Bref, une petite histoire agréable à lire, qui ménage son lot de surprises, de sourires et de pincements au coeur ; un récit un peu convenu, un peu inégal, mais qui reste sympathique.

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Jean-Philippe Blondel, Le baby-sitter, 2010, éd. Buchet-Chastel, 297 pages, 19 €.

Merci à Libfly et aux Editions Buchet-Chastel de m'avoir fait parvenir ce livre.

Du même auteur : This is not a love song.

04/01/2010

La pluie, avant qu'elle tombe – Jonathan Coe [2007]

La pluie avant qu elle tombe.gifRosamond vient de mourir. A sa nièce Gill, elle lègue la mission de retrouver Imogen afin de lui remettre une vingtaine de photographies ainsi qu'une série de cassettes audio. Ne retrouvant pas Imogen, Gill va écouter les cassettes sur lesquelles sa tante raconte, à partir des photographies, et des années 40 à aujourd'hui, son histoire familiale. L'histoire de quatre générations de femmes maltraitées par leur mère : Ivy qui préféra son caniche Bonaparte à sa fille Beatrix, laquelle vit dans sa fille Thea la source de tous ses errements, laquelle fut contrainte de confier sa petite Imogen, aveugle, à une famille d'adoption. Rosamond dévoile ainsi, cliché après cliché, anecdotes après souvenirs, l'envers des sourires affichés : des mères égarées, des filles perdues, des femmes au-delà de toute consolation, et le désamour maternel dont on ne guérit jamais.

Je connaissais Jonathan Coe pour ses romans réalistes et satiriques, critiques sociales ou politiques relevées d'un humour caustique empreint de cynisme. Des romans à la construction complexe, avec une intrigue sophistiquée, un décor social très détaillé, une multiplicité de personnages liés les uns aux autres par un écheveau dense de relations. Avec La pluie, avant qu'elle tombe, il change radicalement de registre. Il propose ici un roman court, à la construction simple (20 photos, 20 chapitres), au style épuré. Il nous livre un mélodrame méditatif, une épopée intimiste, le portrait touchant d'une lignée de femmes marquées par le désamour et qui, de mères à filles, semblent se léguer le malheur en héritage.

Les critiques ont presque unanimement salué la "virtuosité" de ce livre "poignant" : j'ose à peine écrire que j'ai été un peu déçue... Certes, Jonathan Coe est un bon écrivain, ses personnages sont dessinés avec finesse, mais le procédé narratif, très rigide, cette succession de photos dont la description structure le roman, m'est apparu comme un "exercice de style" qui alourdit le récit. De plus la révélation finale est un peu décevante puisqu'on la devine en amont. Et alors que cette histoire est de bout en bout tragique, elle ne m'a finalement que peu touchée. Peut-être trop "bluette" ? Et à aucun moment je n'ai retrouvé cet humour sarcastique que j'aime tant chez Coe...

Reste qu'il se dégage de cette histoire douce-amère une certaine atmosphère, mélancolique, désenchantée, une douceur sous la grisaille, presque confortable, et en même temps nimbée de chagrin. Le tout lié à une réflexion sur le temps qui passe, sur les occasions manquées : au fil de la narration, au fil des générations, se pose la question des hasards, de la destinée, des coïncidences, des drames à répétition. Hasard ou destin, qu'est-ce qui régit nos vies ? Le destin a-t-il un sens ou n'est-ce qu'une chimère, comme la pluie, avant qu'elle tombe : « Il faut qu'elle tombe, sinon ce n'est pas de la pluie », explique Rosamond à Thea, enfant. « Bien sûr que ça n'existe pas, elle a dit. C'est bien pour ça que c'est ma préférée. Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas vrai ? »

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e%2020.gif Jonathan Coe, La pluie, avant qu'elle tombe (The rain before it falls), traduit de l'anglais par Jamila et Serge Chauvin, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 2009 (2007), 248 pages, 19,50 €.

Du même auteur : Les Nains de la Mort, Testament à l'anglaise & La Maison du sommeil.

01/01/2010

Bonnannée !

Chers tous,

je vous souhaite bien évidemment le meilleur pour la nouvelle année, beaucoup de bonheur et de merveilleux moments, des heures de lecture, des découvertes, de la curiosité, du plaisir évidemment !!!