24/02/2010
Ta mémoire, petit monde – Alain Foix [2005]
« Prenons un petit monde au hasard dans la rue. Tenez, dans Pointe-à-Pitre, sur le trottoir de la rue Barbès. Il sort tout juste de l'école et fixe le caniveau. Dans le ruisseau, son bateau de papier. Au bout de la rue, un bâtiment immense. Sa coque de noix va droit dessus. Un géant blanc posé sur l'eau et qui écrase la ville de majesté. Le Colombie, comme c'est écrit dessus, pousse un long hurlement et arrête le temps. La ville est suspendue et le monde médusé. C'est la terre qu'on déchire, le géant se délivre. Une lente déchirure, mouvement inexorable, et la mer s'y engouffre. Un gouffre de vertige, d'un bleu à s'y noyer. Et le monde rapetisse à mesure qu'il s'éloigne.
Le bateau de papier a mouillé l'encre bleue. Le vent l'a renversé, l'enfant l'a oublié. Bientôt c'est le grand jour où il verra le monde du pont du Colombie. » (p. 13)
Petit monde, "ti moun" en créole, c'est l'enfant. Et l'enfant, c'est Lino, l'enfant que fut Alain Foix et dont il se souvient, par fragments : son enfance guadeloupéenne, le départ pour la métropole avec Lucia, sa mère courage, tôt levée et tard rentrée de l'hôpital où elle fait des ménages, et à laquelle Lino apprendra l'orthographe et la grammaire, la forêt de béton de la banlieue de région parisienne où ils se sont installés, et le racisme ordinaire auquel il se retrouve confronté, pour la première fois :
« On m'appela négro, j'entendis nez gros. Je me dis en moi-même que c'était un peu vrai. On m'appela Blanche-Neige. Je n'ai pas compris l'insulte. La neige était belle et j'espérais la voir. Elle était blanche, et j'étais noir. Ça n'avait rien à voir. » (p. 78)
Plus tard, ce sera l'hôpital de Berck-plage où Lino est envoyé plusieurs mois, puis d'autres découvertes encore, les filles, la psychanalyse, et la fin de l'enfance, le passage à l'âge adulte. Et toujours présent, élément constitutif de l'adulte en devenir, ce sentiment de tiraillement entre son île nimbée de soleil et le continent. Un récit sur l'enfance, l'apprentissage et la mémoire.
Au début, la narration qui alterne entre troisième et première personne du singulier, le phrasé haché et le style dense, déroutent. Il faut persévérer pour apprécier ce récit dont la richesse et la poésie se dévoilent peu à peu. Au fil des pages, l'enfant grandissant et apprenant, le "je" s'affirme, le style devient plus fluide, plus facile, mais garde toujours sa jolie musicalité. Toutefois, si le style est plaisant, sa complexité m'a tenue à distance du récit, que j'ai trouvé un peu longuet malgré son petit nombre de pages...
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Alain Foix, Ta mémoire, petit monde, éd. Gallimard, coll. Haute enfance, 2005, 168 pages, 12,50 €.
Un livre proposé par Stephie.
Les avis de Fashion, Yueyin, Isil, Levraoueg, Armande, Keisha, Chimère, Pascale, Yoshi & Leiloona.
12:41 Publié dans => La chaîne des livres | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : autobiographie, enfance, guadeloupe
21/02/2010
4 ans !
Mon blog a 4 ans ! J'ai l'impression de l'avoir créé il y a seulement quelques semaines et pourtant, il a déjà 4 ans !
Quatre ans que, plus ou moins (et en ce moment plutôt moins !) régulièrement je poste mes petits commentaires de livres, mes coups de cœur et billets d'humeur, et tout ce qui fait que ce blog continu d'exister, cahin-caha… Il me reste encore beaucoup de choses à améliorer (et beaucoup de choses à dire ! ^^), et donc l'aventure continue, bien évidemment !
13:01 Publié dans * De tout, de rien... * | Lien permanent | Commentaires (21)
08/02/2010
Long week-end – Joyce Maynard [2009]
« Il n'est plus resté que nous deux, ma mère et moi, après le départ de mon père. Et il avait beau dire que je devais aussi considérer comme membre de ma famille le bébé qu'il venait d'avoir avec sa nouvelle femme Marjorie, plus Richard, le fils de Marjorie, qui avait six mois de moins que moi et qui pourtant me dominait dans tous les sports, ma famille, c'était ma mère, Adele, et moi, point barre. Plutôt y admettre le hamster Joe que ce bébé, Chloé.» (p. 9)
En cette année 1987, Henry, le narrateur de Long week-end, a treize ans, la voix qui déraille, une imagination qui le travaille, des accidents nocturnes. Il vit seul avec sa mère et dîne tous les samedis avec son père qui les a quittés pour épouser sa secrétaire, Marjorie, qu'il ne supporte pas. Jusque-là rien d'extraordinaire ; on pourrait croire à un énième livre sur l'adolescence et ses questionnements. Sauf qu'Adele, la très jolie maman d'Henry, est loin d'être ordinaire, un peu à la marge, excentrique. Elle ne sort pratiquement plus de la maison, ne les nourrit que de surgelés et de soupes Campbell qu'elle achète pour des mois, se souvient de la période où elle rêvait d'être danseuse... Pendant ce temps, Henry s'ennuie ferme et espère « qu'il se passe quelque chose ». Découvrir la suite...
10:24 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature nord américaine, etats-unis, huis clos, otages, évasion, adolescence