09/02/2009
L'ombre de Montfort 1218-2001 – Patricia Parry (2005)
Genre : thriller ésotérique
25 juin 1218 : lors du siège de Toulouse, Simon de Montfort, chef de la croisade contre les Cathares, est tué d'un bloc de pierre lancé des remparts.
21 septembre 2001 : aux portes de la ville rose, l'explosion de l'usine AZF provoque la mort d'une trentaine de personnes et fait plusieurs centaines de blessés.
Journaliste dans un grand hebdo parisien, Vincent Nadal cherche à rencontrer le médiatique docteur François de Montréjouls, des "Médecins de la Terre", qui serait impliqué dans la catastrophe. Mais ce dernier a disparu depuis quelques jours, laissant sa femme Béatrice sans nouvelles. A la recherche de François, Vincent et Béatrice sont entraînés dans une quête à travers le monde : de Toulouse à New York, de Venise à Istanbul, et jusqu'aux portes du Moyen-Orient. Dans l'atmosphère de tension post-11 septembre, ils se confrontent à une énigme vieille de plusieurs siècles que connaissaient déjà les ancêtres de François, qui se croisèrent en Palestine, au XIIe siècle et affrontèrent Simon de Montfort sous les murs de Toulouse...
L'ombre de Montfort se lit avec une belle facilité. La narration est maîtrisée, le récit bien construit. Il passe d'une époque à l'autre, du temps des croisades à nos jours, les événements du passé éclairant les événements présents, et cette architecture façon puzzle se déploie sans perdre le lecteur, jusqu'au final qui bien sûr donne alors la pleine compréhension de l'intrigue. On apprend aussi au passage quelques petites choses sur les cathares et les croisades (ceci dit, il ne s'agit pas d'un roman historique, et l'ésotérisme prend le pas sur le véridique). Quant à l'héroïne, Béatrice, femme forte et impétueuse, petite-bourgeoise ne se déchaussant jamais de ses Gucci, elle est attachante dans ses travers presqu'autant que dans ses qualités. En effet le style piquant n'hésite pas à égratigner les personnages principaux par de petites touches d'humour, comme autant de marques de distanciation montrant que finalement l'auteur ne prend pas non plus son récit trop au sérieux : « Vincent pousse un soupir, dans la meilleure tradition du roman pour jeune fille. Il ouvre un œil et s'apprête probablement à dire "Où suis-je ?" ».
Au final, une histoire plaisante et distrayante.
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Patricia Parry, L'ombre de Montfort, éd. Empreinte, coll. Lettres du Sud, 2005, 283 pages, 19,5 €.
Les avis d'Etoilesdesneiges et de YueYin.
Le blog de Patricia Parry
13:33 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : l'ombre de montfort, patricia parry, littérature française, ésotérisme, france, 21e siècle, toulouse, catharisme, simon de montfort, azf
21/01/2009
Le Roi-Soleil se lève aussi – Philippe Beaussant (2000)
Genre : 24 heures dans la peau de Louis XIV
« Qui êtes-vous quand votre père vous demande : "Comment vous nommez-vous ?" et que vous répondez à l'âge de quatre ans : "Je m'appelle Louis Quatorze" ? Et qu'en outre le père réplique : "Pas encore, mon fils, pas encore." »
Le propos de ce livre est donc de déceler l'homme sous la couronne. Vaste entreprise si l'on songe qu'en ce Grand Siècle (le XVIIe) l'individu est indissociable de sa fonction et de son rang social ! Alors, pour comprendre la vie du plus grand des rois, Philippe Beaussant nous invite à le suivre heure par heure sur une journée. On voit sa nourrice pénétrer, toujours la première, avant le Lever, dans sa chambre d'apparat : « Elle allait le baiser dans son lit » (dixit Saint Simon). Pendant la journée, on se régale des mille détails du cérémonial protocolaire, le Roi s'offrant en permanence, à table, à cheval, sur sa chaise percée, à l'admiration de ses sujets. La représentation théâtrale est son quotidien et se joue sans relâche, et le défilé des figurants, où chacun connaît son rôle à la perfection, est continu.
Tout, dans cette analyse de l'air du temps royal, dans l'étude du caractère du monarque, passionne, instruit et distrait. Car non seulement Philippe Beaussant apporte un soin évident à l'exactitude des faits rapportés, mais il le fait avec humour et élégance. Tout est expliqué, remis en contexte, disséqué, exploré, chaque micro-événement de la journée du roi étant prétexte à d'autres rappels sur le roi et son règne. Et le moindre détail nous dévoile la réalité d'un monde dont on ignore finalement beaucoup, la plume alerte de Philippe Beaussant remettant en place pas mal d'idées reçues :
« Ainsi va l'Histoire. C'est une bâtisse édifiée à l'aide de blocs d'images toutes faites que nous nous transmettons, souvent (mais pas toujours) sans penser à mal, mais sans davantage nous demander si elles sont vraies ou si ce sont, elles aussi, des postiches. Et quand bien même nous le saurions, l'image que nous savons inexacte reste parfois plus forte que la vérité que nous n'ignorons pas. "L'Etat, c'est moi", il ne l'a pas dit. "Après moi le déluge", Louis XV non plus. "La Garde meurt mais ne se rend pas", même pas Cambronne. Mais c'est plus fort que si c'était vrai. L'Histoire est toujours à la ressemblance de ce que nous voulons qu'elle soit. »
A la fois micro-biographie ramenée à l'échelle d'une seule journée, précis d'histoire et roman, ce livre se lit avec délectation : la plume est légère et fine, le discours limpide et le sujet passionnant !
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Philippe Beaussant, Le Roi-Soleil se lève aussi, éd. Gallimard, 2000, 212 pages, 13,42 €.
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07/02/2007
Jeanne d'Arc fait tic-tac - Iegor Gran (2005)
Chaque soir, au village, les habitués se retrouvent au bistrot pour écouter les histoires incroyables de l'oncle Guillaume. Car l'oncle Guillaume, il sait les raconter, les histoires. Celle de la chaussure Nike par exemple, chaussure qui, dotée d'une volonté propre, a piégé p'tit Louis. Les Nike de calamité le poussent vers des modes de consommation dont il ne veut pas, des plans pas nets, venus de là-bas, dont le restau rapide est la partie émergée. Les Nike le tirent aussi vers des salles de cinéma où l'on passe de grosses productions de là-bas dégoulinantes d'effets spéciaux. Maudites Nike ! L'oncle Guillaume raconte aussi l'histoire de M. Palissy, l'instituteur qui croise un revenant, John Fitgerald Kennedy en personne, 35e président de là-bas, qui a mis en scène son assassinat et vit incognito dans une banlieue française. L'oncle Guillaume raconte encore l'histoire du remplaceur, ce sournois qui cherche à anéantir notre langue. Son objectif est de nous faire oublier nos mots français bien de chez nous et de les remplacer par des mots fantoches venus de là-bas. A chaque fois que l'un de nous dit «t’as un drôle de look», le remplaceur se frotte les mains... C'est peu dire qu'on les aime au village, ces soirées entre habitants du coin, où la fraternité se mélange aux vapeurs de vin pour donner ce liquide sémiotique où flotte le bien-être.
Mais un jour, à force de se raconter des histoires, la France déclare la guerre à l'Amérique afin de libérer le monde de la domination des dollars (comprendre les américains, aussi familièrement nommés les Big Mac) et de briser les chaînes de la mondialisation. Des troupes françaises débarquent en Floride et progressent vers Atlanta. Au passage, on démonte un Disneyland, on remplace les statues d'Elvis à Memphis par des statues de Johnny, on substitue Signoret à Monroe, Douillet à Schwarzenegger, le jambon-beurre au hamburger...
J'ai choisi ce livre pour son titre, Jeanne d'Arc fait tic-tac, c'est un titre plein de promesses ça ! Alors ? Promesses tenues ? Mmmoui, un peu mitigé mon avis...
La première partie du roman (les histoires de l'oncle Guillaume) constitue un joyeux morceau de dérision autour des clichés antiaméricains véhiculés dans l'Hexagone, sans que toutefois les Etats-Unis ne sont jamais directement nommés puisqu'il s'agit toujours du royaume de là-bas. Gran ne manque pas d'humour dans cette série d'histoires, bien que tout ne soit pas d'une élégance folle. On trouve là-dedans un bon nombre de lieux communs et de facilités langagières inutiles (du style "Busherie"). Toutefois la verve de l'auteur et la drôlerie de l'antiaméricanisme primaire qu'il façonne au gré des racontars de l'oncle Guillaume font qu'on se laisse prendre sans hésiter, du moins au début. Car si les 4 ou 5 premières histoires font mouches, j'ai trouvé le procédé légèrement agaçant à la huitième, puis franchement énervant et réchauffé à la onzième mais néanmoins dernière histoire (on va enfin pouvoir passer à autre chose, me suis-je dit).
Dans la seconde partie du récit, on vire dans un surréalisme total mais toujours loufoque : la vieille France, exaspérée par l'arrogance tous azimuts du pays de l'Oncle Sam, confie à ses soldats la lourde tâche d'exporter la culture aux Etats-Unis (de la même manière que les Etats-Unis exportent la démocratie hors de chez eux, aujourd'hui en Irak). Visiblement moins inspiré qu'au départ, Gran étire son récit dans en torrent verbal pour évoquer les sans-grades transformés en chair à canon, version comédie militaire, mais on finit par se lasser.
Derrière son titre bizarroïde, Jeanne d'Arc fait tic-tac est donc un roman inégal et un peu foutraque, truffé de surprises et de facilités narratives, d'inventions verbales mais aussi de blagues à deux balles, et qui renvoie dos à dos la morgue de l'hydre impérialiste et le chauvinisme baguette-camembert.
«Deux nations en colère ne suffisent pas pour faire une guerre. Il faut en plus un sentiment d'invulnérabilité. Qui en donne mieux que la culture ?»
BlueGrey
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Iegor Gran, Jeanne d'Arc fait tic-tac, éd. P.O.L, 2005, 343 pages, 21 €.
15:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, France, Amérique, guerre