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25/11/2010

Berceuse pour un pendu – Hubert Klimko [2010]

Berceuse pour un pendu.gif« Je suis là où s'achève le monde tangible, accessible, visible d'un bateau ou d'une voiture, un monde qui fait partie d'une histoire racontée mais pas écrite jusqu'au bout. C'est le mois d'août. Un mois d'août comme les autres. Semblable apparemment au mois précédent. Effluves de l'océan, marée basse, marée haute, vagues, mouettes, vent, conteneurs rouillés à l'horizon, plage de sable volcanique, panneau signalant les heures où le tas de pierres et le carré d'herbe s'unissent et se désunissent. Tout paraît comme avant, rien ne semble manquer. La nature progresse à son rythme immémorial. L'est et l'ouest. Le jour et la nuit. Je respire, je vis, je suis, j'aime, je vois. Mais dans cette image d'août, il manque une silhouette en maillot bleu. [...] Szymon est parti. Il n'est plus dans la ville. On ne peut plus le voir dans la rue. Ces rencontres me manquent plus que tout... »

Il y a tout d'abord le narrateur, jeune immigré polonais à Reykjavik (Islande), qui fait les métiers les plus divers pour gagner sa vie : il s'improvise artiste peintre de croûtes, se lance dans le mime de rue, publie des Poèmes sortis de l'armoire... Et puis il y a ses deux inséparables amis, tous deux un peu fêlés : l'invraisemblable Boro, mi-fou mi-artiste, excentrique peintre croate qui a la phobie du vert et qui, à ses heures perdues, joue de l'harmonica sur une plage déserte à son orque apprivoisée ; et Szymon, polonais lui aussi, violoniste et compositeur doué mais méconnu, à la fois génial et fou. En savoir plus...

17/07/2007

La Femme en vert – Arnaldur Indridason (2002)

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7093e90e8c2d96762a3ebf4c541991d8.gifUn bébé mâchouille un jouet, ce jouet c'est un os, un os humain. Puis on déterre d'un terrain vague, près de groseilliers, un squelette, enfoui là depuis bien longtemps, la main dressée comme dans un geste d'horreur. Est-ce un homme ? Une femme ? En exhumant le squelette on découvre blotti contre lui celui d'un nourrisson. Et puis il y a aussi cette énigmatique vieille femme en vert, cette femme tordue qui semble veiller sur les groseilliers. L'inspecteur Erlendur mène l'enquête à son rythme lent et obstiné, épaulé par ses deux adjoints râleurs, et tout en veillant sur sa fille camée, enceinte et dans le coma.

Pour comprendre le présent, Erlendur doit replonger dans le passé, 50 ans plus tôt, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Car le vrai sujet de ce polar (comme du précédent, La Cité des Jarres), c'est la mémoire, ce passé forcément tourmenté qui ressurgi quand on ne l'attend plus. Le récit alterne alors entre les scènes d'enquête actuelles et le tableau poignant et terrifiant, d'un réalisme glaçant, d'une famille qui vivait sous la férule d'un tyran sadique. Le lecteur est le témoin révolté mais impuissant de la cruauté physique et psychologique que l'homme exerce sur la mère, cette femme qui endure, courbe l'échine, croyant protéger ses mômes. «Toute cette souffrance et ces coups, ces bleus, ces lèvres fendues, tout cela n'est rien comparé aux tortures que l'âme endure. Une terreur constante, absolument constante, qui jamais ne faiblit...»

Erlendur fouille, remonte à la surface des horreurs familiales, se débat au milieu de vieux démons, les siens et ceux des autres. Il est entraîné là où il ne veut pas aller, dans ses propres souvenirs, ses effrois, ses lâchetés passées, ses traumatismes d'enfance, ses déchirures... sa propre histoire. Comme un écho au drame passé qu'il dévoile peu à peu au cours de son enquête, il doit faire face aux ratages et aux incompréhensions qui ont ravagé son propre foyer et qui ont entraîné sa fille dans une spirale autodestructrice.

Trois récits ne cessent donc de s'entrecroiser (l'enquête en elle-même, et les deux témoignages), trois récits dans lesquels on retrouvent les obsessions de l'auteur (disparitions, détresses, désamours, trahisons), trois récits qui se rejoindront au final, évidemment, l'un éclairant l'autre, quand la mémoires revient et que la vérité prend le dessus.

Un roman poignant et angoissant, désespéré parfois, dans lequel Indridason nous parle aussi de son attachement à son île de glace, l'Islande, où les gens peuvent disparaître comme ça, sans laisser de traces. Emportés par l'océan. Tombés dans une crevasse. Assassinés par une ombre. Recouverts d'un linceul de neige pour l'éternité. On ne sait pas. Qu'importe. On les déclare morts. On les oublie...

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Arnaldur Indridason, La Femme en vert (Grafarþögn), traduit de l'islandais par Eric Boury, éd. Métaillé, coll. Bibliothèque nordique, 2006 (2002), 298 pages, 18 €.

Du même auteur : La Cité des Jarres

15/05/2007

La Cité des Jarres – Arnaldur Indridason (2002)

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medium_LaCitéDesJarres.gifLe meurtre qui inaugure ce roman est considéré par ses enquêteurs comme une affaire «typiquement islandaise». Comprendre : d'une banalité affligeante. Sauf que pas du tout ! Heureusement c'est l'inspecteur Erlendur, policier de Reykjavik, cinquantenaire divorcé, solitaire, fatigué, toujours de mauvaise humeur, mais tenace, qui enquête sur le meurtre du vieil homme dont le cadavre a été découvert dans son appartement. Et ce qui semble être un "simple meurtre", certes inhabituel en Islande où la criminalité est basse, s'avère bien vide plus complexe qu'il n'y paraissait de prime abord. En effet l'assassin a laissé un message énigmatique sur le cadavre, puis on trouve dans l'ordinateur de la victime des photos pornographiques immondes et enfin, coincée sous un tiroir, la photo de la tombe d'une enfant de quatre ans. Très vite, l'enquête révèle aussi que la victime avait été accusée de viol quarante ans plus tôt. C’est donc vers le passé que se tourne Erlendur et c'est dans le passé et dans une tragédie oubliée, que gît la clé du mystère.

Mais l'inspecteur Elendur a aussi une vie privée, et une vie privée brinquebalante : des soucis avec son ex-femme, un fils qui s'est volatilisé, une fille droguée et enceinte... De plus il a accepté d'enquêter sur la fugue d'une jeune mariée disparue pendant la cérémonie. Cette seconde enquête en parallèle est d'ailleurs franchement anecdotique et n'apporte rien à l'intrigue principale. Quant à l'intrigue principale, justement, on peut lui reprocher quelques longueurs dans une trame un peu étirée, mais ce titre reste un bon roman policier au style mesuré et pondéré, avec une touche d'autodérision (le meurtre est initialement qualifié de «bête et méchant... très islandais») et, en trame de fond, le thème de la famille et de la filiation, de la recherche génétique aussi et de ses possibles dérives.

 

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Arnaldur Indridason, La Cité des Jarres (Myrín), traduit de l'islandais par Eric Boury, éd. Métailié, coll. Bibliothèque nordique, 2005 (2002), 286 pages, 18 €.

Du même auteur : La Femme en vert