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17/07/2007

La Femme en vert – Arnaldur Indridason (2002)

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7093e90e8c2d96762a3ebf4c541991d8.gifUn bébé mâchouille un jouet, ce jouet c'est un os, un os humain. Puis on déterre d'un terrain vague, près de groseilliers, un squelette, enfoui là depuis bien longtemps, la main dressée comme dans un geste d'horreur. Est-ce un homme ? Une femme ? En exhumant le squelette on découvre blotti contre lui celui d'un nourrisson. Et puis il y a aussi cette énigmatique vieille femme en vert, cette femme tordue qui semble veiller sur les groseilliers. L'inspecteur Erlendur mène l'enquête à son rythme lent et obstiné, épaulé par ses deux adjoints râleurs, et tout en veillant sur sa fille camée, enceinte et dans le coma.

Pour comprendre le présent, Erlendur doit replonger dans le passé, 50 ans plus tôt, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Car le vrai sujet de ce polar (comme du précédent, La Cité des Jarres), c'est la mémoire, ce passé forcément tourmenté qui ressurgi quand on ne l'attend plus. Le récit alterne alors entre les scènes d'enquête actuelles et le tableau poignant et terrifiant, d'un réalisme glaçant, d'une famille qui vivait sous la férule d'un tyran sadique. Le lecteur est le témoin révolté mais impuissant de la cruauté physique et psychologique que l'homme exerce sur la mère, cette femme qui endure, courbe l'échine, croyant protéger ses mômes. «Toute cette souffrance et ces coups, ces bleus, ces lèvres fendues, tout cela n'est rien comparé aux tortures que l'âme endure. Une terreur constante, absolument constante, qui jamais ne faiblit...»

Erlendur fouille, remonte à la surface des horreurs familiales, se débat au milieu de vieux démons, les siens et ceux des autres. Il est entraîné là où il ne veut pas aller, dans ses propres souvenirs, ses effrois, ses lâchetés passées, ses traumatismes d'enfance, ses déchirures... sa propre histoire. Comme un écho au drame passé qu'il dévoile peu à peu au cours de son enquête, il doit faire face aux ratages et aux incompréhensions qui ont ravagé son propre foyer et qui ont entraîné sa fille dans une spirale autodestructrice.

Trois récits ne cessent donc de s'entrecroiser (l'enquête en elle-même, et les deux témoignages), trois récits dans lesquels on retrouvent les obsessions de l'auteur (disparitions, détresses, désamours, trahisons), trois récits qui se rejoindront au final, évidemment, l'un éclairant l'autre, quand la mémoires revient et que la vérité prend le dessus.

Un roman poignant et angoissant, désespéré parfois, dans lequel Indridason nous parle aussi de son attachement à son île de glace, l'Islande, où les gens peuvent disparaître comme ça, sans laisser de traces. Emportés par l'océan. Tombés dans une crevasse. Assassinés par une ombre. Recouverts d'un linceul de neige pour l'éternité. On ne sait pas. Qu'importe. On les déclare morts. On les oublie...

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Arnaldur Indridason, La Femme en vert (Grafarþögn), traduit de l'islandais par Eric Boury, éd. Métaillé, coll. Bibliothèque nordique, 2006 (2002), 298 pages, 18 €.

Du même auteur : La Cité des Jarres