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12/10/2006

L'Epopée du buveur d'eau - John Irving (1972)

medium_lepopee_du_buveur_deau.gifFred "Bogus" "Boggle" "Thump-Thump" Trumper est un fieffé menteur, un mystificateur farfelu. Il a abandonné sa femme et son fils, qui vivent aujourd'hui avec son meilleur ami, sa nouvelle compagne veut un bébé dont il n'est pas sur de vouloir, un ami cinéaste veut réaliser un documentaire sur l'échec en s'inspirant de sa vie, et, comble du désarroi, Thump-Thump à un urètre trop étroit qui a la fâcheuse manie de se boucher lorsqu'il est contrarié et qui l'oblige à boire des litres d'eau pour pouvoir avoir des rapports sexuels sans trop de souffrance. Malgré tout et vaille que vaille, Bogus s'obstine à croire qu'il pourrait bien, un jour, réussir quelque chose.

Le narrateur, parfois Bogus lui-même, parfois un "il" générique lorsqu'il devient urgent de mettre un peu de distanciation, nous entraîne dans une succession d'aventures burlesques, amoureuses et sexuelles qui aboutissent l'une après l'autre et irrémédiablement à autant d'échecs. Car il s'agit bel et bien du roman d'un raté, un loser sympathique, un bon à rien touchant et assez souvent cocasse dans sa gaucherie, un raté qui se moque de lui-même en se mettant en scène dans une stupéfiante série de mésaventures et de gags invraisemblables. C'est parfois gros, énorme, démesuré et ça ne cesse de gonfler, parfois c'est presque réel et crédible, à tel point qu'on ne sait pas toujours où Bogus en est... Car si Bogus est le narrateur, il est aussi sujet et objet du récit, acteur et spectateur de sa propre vie. Il joint au récit de sa triste vie des extraits de la traduction qu'il réalise pour sa thèse d'un conte écrit en nordique primitif, il mêle aussi descriptions objectives et élucubrations fantasmagoriques, bref, il fuit la réalité pour un ailleurs géographique ou imaginaire évanescent. Ainsi Bogus ne semble pas être décisionnaire dans sa vie mais simple spectateur impuissant de son destin. Il en ressort un fatalisme assez douloureux et pourtant inséparable du personnage.

Si, dans un premier temps, le récit paraît obscur et confus, on se prend vite d'amitié pour le désabusé mais attachant Bogus, ainsi que pour ses bourdes et déboires tant professionnels que relationnels ou sentimentaux. On en vient à apprécier à sa juste valeur le rythme syncopé du récit et les nombreux allers-retours entre passé et présent, entre fiction et réalité, qui au début de l'ouvrage perdent un peu le lecteur mais qui retranscrivent précisément l'état d'esprit trouble de Bogus. Enfin certains passages sont réellement hilarants, notamment les lettres que Bogus envoie à ses créanciers, sommet de mauvaise foi vraiment irrésistible.

Ecrit en 1972, ce second roman d'Irving est emblématique de son style et précurseur du monde selon Garp sorti en 1978. Tous les ingrédients sont déjà là : le héros, un homme d'une trentaine d'années vaguement écrivain et éternel étudiant, normal en apparence mais avec de grosses faiblesses morales, qui aime mais ne sait pas l'exprimer, sa relation maritale faite d'amour et de tension, ses relations extra-maritales, ses angoisses de père, son caractère instable, ses amis improbables frôlant l'aliénation... Le tout saupoudré d'un humour unique et de jeux de mots succulents.

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e%2030.gif John Irving, L'Epopée du buveur d'eau, éd. du Seuil, coll. Cadre Vert, 1988, 367 pages.

Du même auteur : Le monde selon Garp, Une veuve de papier & Dernière nuit à Twisted River.

02/10/2006

Mars la Bleue - Kim Stanley Robinson (1996)

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medium_mars_la_bleue.gifJ'ai enfin fini l'ultime partie de la trilogie de Kim Stanley Robinson consacrée à Mars : 2434 pages en tout, très exactement. Wahououou !!! VICTOIRE ! Bon, je dois admettre que se fut un peu rude, j'ai cru ne pas en voir le bout, car même si j'ai trouvé le thème de la conquête de Mars passionnant, j'ai aussi trouvé ce récit au long court un peu... long-long, justement.

Les trois titres traduisent les différentes étapes de cette épopée qui narre la conquête de Mars par les terriens. Mars la Rouge raconte le voyage vers Mars et l'installation d'un premier groupe réduit de colons (les "Cent Premiers"). Mars la Verte raconte les débuts de l'acclimatation. Paradoxalement c'est d'ailleurs la planète qui, peu à peu, et plus ou moins difficilement, est adaptée à ses nouveaux habitants. Enfin, dans Mars la Bleue, la planète a été terraformée et on se retrouve confronté à l'après conquête. C'est là que vont s'exacerber au plus haut point les relations déjà tendues entre la Terre et Mars. Car avec leur problème de surpopulation les terriens se sentent de plus en plus à l'étroit sur une planète submergée par la montée des océans. Pour empêcher les terriens de déclarer la guerre à Mars il faut donc partir à la conquête d'autres planètes du système solaire, ou plus loin encore.

Dans cette fresque foisonnante le lecteur suit donc la construction de Mars, l'auteur le mettant face aux détails techniques, politiques, géologiques, géographiques, sociologiques, économiques, etc., accompagnés, en filigrane, d'une analyse sociale et écologique très pertinente et intéressante, mais ce récit reste assez austère et difficile d'accès. L'immersion dans la fiction n'est pas évidente car le style et la technicité du contenu freinent la lecture. Cette trilogie martienne est un texte qui résiste, et qui ne saurait se satisfaire d'une lecture passive. Et, même si je la trouve intellectuellement stimulante, je ne suis pas tout à fait certaine de l'avoir aimée.

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Kim Stanley Robinson, Mars la Bleue, éd. Pocket, coll. Pocket SF, 2003, 950 pages, 12,30 €.

Du même auteur : Mars la Rouge & Mars la Verte