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06/10/2009

Le jeu de l'ange – Carlos Ruiz Zafón (2008)

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Le jeu de l'ange.gifBarcelone, années 1920. David Martin est un jeune écrivain famélique, esclave d'un roman-feuilleton qu'il produit pour un tadem d'éditeurs-escrocs et dont il ne retire ni argent, ni gloire. Jusqu'à ce qu'il rencontre un éditeur parisien énigmatique qui lui propose un pacte méphistophélique : contre argent et santé, il devra écrire « une histoire pour laquelle les hommes seraient capables de vivre et de mourir, de tuer et d'être tués, d'offrir leur âme, de se sacrifier et de se damner ». Bref, une nouvelle religion ! Mais du jour où il accepte ce contrat, la vie de David bascule vers le drame... Ajoutez à cela une maison gothique, une chambre secrète, des courses-poursuites dans les ruelles de Barcelone, des morts violentes et sanglantes, un soupçon d'ésotérisme, une histoire d'amour absolu et, en "special guest star", le célébrissime Cimetière des Livres Oubliés, et vous aurez un bon aperçu de ce qui fait le piment de ce thriller fantastique et baroque.

Après L'ombre du vent, livre magique et ensorcelant que j'avais adoré, j'étais très impatiente de découvrir le nouveau roman de Carlos Ruis Zafon, Le jeu de l'ange, qui n'est pas la suite du premier, mais qui le précède de 20 ans. Et ce nouveau roman s'avère à la hauteur du premier : même maîtrise du récit à la composition impeccable et implacable, même style foisonnant (enflé diront certains), même Barcelone brumeuse et mortifère, même typologie de personnages attachants, même "piquant" dans les dialogues... Il est donc vrai que cela peut paraître un brin répétitif par rapport au précédent roman, et que le style, quant à lui, peu paraître hâtif, approximatif même parfois (mais n'est-ce pas en partie dû à la traduction ?). Il s'avère toutefois suffisamment efficace pour nous faire tourner page après page, fébrilement, pris par un suspens savamment distillé. Quant au dénouement, bien que trop  "fantastique" à mon goût, il n'est pas parvenu à me faire oublier ma jubilation montante au fil des pages.

Enfin, ce livre est aussi un questionnement sur le travail d'écriture – ses affres et ses plaisirs – ainsi qu'un ardent plaidoyer pour la littérature, de petite ou grande facture. Presque tous les personnages de ce roman sont atteints de cette maladie rare, aussi virulente qu'improbable, dont nous autres LCA sommes aussi frappés : l'amour des livres. Entre obsession, fétichisme, vice, ou folie, les livres leur sont aussi précieux que l'oxygène. C'est dire si ce roman est délirant, car un monde où la littérature est aussi essentielle ne saurait être qu'extraordinaire ou farfelu !

« Un écrivain n'oublie jamais le moment où, pour la première fois, il a accepté un peu d'argent ou quelques éloges en échange d'une histoire. Il n'oublie jamais le moment où il a senti dans ses veines le doux poison de la vanité et cru que si personne ne découvrait son absence de talent, son rêve de littérature pourrait lui procurer un toit sur la tête, un vrai repas chaque soir et ce qu'il désirait le plus au monde : son nom imprimé sur un misérable bout de papier qui, il en est sûr, vivra plus longtemps que lui. Un écrivain est condamné à ce souvenir de ce moment, parce que, dès lors, il est perdu : son âme a un prix. »

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Carlos Ruiz Zafón, Le jeu de l'ange (El juego del ángel), traduit de l'espagnol par François Maspero, éd. Robert Laffont, 2009 (2008), 536 pages, 22 €.

Je remercie BoB et les éditions Robert Laffont pour l'envoi de ce livre.

Du même auteur : L'ombre du vent

14/05/2007

L'ombre du vent – Carlos Ruiz Zafón (2001)

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medium_OmbreDuVent.gifCarlos Ruiz Zafón est un prodigieux raconteur d'histoires et si vous avez le malheur (ou plutôt le bonheur !) de lire les premières pages de son tourbillonnant roman, vous n'avez plus aucune chance de lui échapper ! Il vous entraîne sur près de 40 ans et 500 pages dans la Barcelone d'après guerre, à la rencontre de Daniel...

Daniel Sempere, le narrateur, est un gamin de 10 ans que son père emmène un matin de 1945 accomplir un rite initiatique, dans un endroit étrange et secret : le Cimetière des Livres Oubliés. Dans ce lieu mystérieux et labyrinthique, dont on aimerait, sitôt décrit, qu'il existe vraiment, sont conservés des milliers d’ouvrages : « Quand une bibliothèque disparaît, quand un livre se perd dans l'oubli, nous qui connaissons cet endroit et en sommes les gardiens, nous faisons en sorte qu'il arrive ici. Dans ce lieu, les livres dont personne ne se souvient, qui se sont évanouis avec le temps, continuent de vivre en attendant de parvenir un jour entre les mains d'un nouveau lecteur, d'atteindre un nouvel esprit ». Daniel est donc convié a "adopter" l’ouvrage de son choix et il rencontre alors le livre qui semble l'avoir attendu des années durant, avec patience, et qui va changer le cours de sa vie, le marquer à jamais et l'entraîner dans de palpitantes aventures au cœurs de sombres secrets : L'ombre du vent d'un certain Julián Carax. A partir de ce jour Daniel ne va plus avoir qu'une obsession qui va gouverner sa vie entière : Julián Carax. Cet écrivain qui a grandi sur les Ramblas dans les années 1920, avant de s'exiler à Paris, a depuis disparu sans laisser de traces, et tous les exemplaires de ses livres, où qu'ils soient, sont brûlés, comme si quelqu'un s'acharnait à effacer toute trace de Carax. Et plus Daniel avance dans son enquête sur Carax, plus sa propre vie ressemble à celle du romancier maudit, jusqu'à se confondre avec elle. A une génération de distance Julián Carax et Daniel Sempere marchent sur les mêmes trottoirs, croisent les mêmes hommes, subissent le charme des mêmes femmes, vivent les mêmes évènements... Il faudra évidemment attendre la toute fin du livre pour élucider tous ces mystères.

Ce livre est terriblement envoûtant, toujours à la frange entre réel et fantastique, roman historique et fiction, énigme policière, roman d'apprentissage et d'aventures. Et surtout ce livre est un formidable hommage à la littérature, un roman sur l'amour du roman. Bien sûr, une fois le livre refermé, le sens critique reprend le dessus : Carlos Ruiz Zafón abuse par moment de certaines ficelles du roman-feuilleton (épisodes gigognes, rebondissements improbables, crimes sanguinaires, ambiance brumeuse, personnages diaboliques...). Mais qu'importe, une fois immergé dans les labyrinthes du quartier gothique de Barcelone, l'amateur de belles histoires n'a plus aucune envie d'en sortir !

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Carlos Ruiz Zafón, L'ombre du vent (La sombra el viento), traduit de l'espagnol par François Maspero, éd. Grasset, 2004 (2001), 524 pages, 21,50 €.

Du même auteur : Le jeu de l'ange