17/11/2008
Fahrenheit 451 – Ray Bradbury (1953)
Fahrenheit 451 est un classique de la science fiction, le genre de roman dont tout le monde a entendu parler mais que peu ont lu. D'autant que son adaptation cinématographique réalisé par Truffaut en 1966 est elle aussi devenue un classique. Moi-même je ne l'ai pas lu, mais vu au lycée et certaines de ses scènes sont à jamais gravées dans ma mémoire : celle de l'incendie de la maison de la vieille femme qui choisit de s'immoler avec ses livres et celle des "hommes-livres" psalmodiant à l'infini leur "contenu" afin qu'il ne soit pas perdu. Notre thématique "retour aux sources" du dernier RDV du Club Lire & délires était donc pour moi l'occasion idéale pour enfin me plonger dans ce livre fondateur.
451 degrés Fahrenheit, c'est la température à laquelle le papier s'enflamme et se consume. Dans une société totalitaire future indéterminée, c'est aussi le sigle des pompiers dont la fonction est, non plus d'éteindre, mais d'allumer le feu. Il s'agit en effet de bruler les livres, source de questionnement et de réflexion, ferment d'individualisme, au nom du bien commun et du caractère subversif de toute démarche créatrice. Montag, pompier d'élite, allume gaiement ces autodafés jusqu'au jour où une jeune fille au regard vif lui pose la question insidieuse : « Vous arrive-t-il de lire les livres que vous brûlez ? ». Montag se met alors à douter, à subtiliser quelques livres, à remettre en question les principes acquis, à rêver d'un monde différent, qui ne bannirait pas la littérature et l'imaginaire au profit d'un bonheur immédiatement consommable, et sa révolte croît contre une société totalement dépersonnalisée.
Ainsi Fahrenheit 451, selon une démarche classique du récit de science-fiction, projette dans le futur, en la radicalisant de façon à lui donner valeur de mise en garde, une situation contemporaine particulière et inquiétante. En effet le livre a été publié aux Etats-Unis en 1953, l'année où culmine la psychose anticommuniste portée par le maccarthysme, période de réduction de la liberté d'expression, période limitant les droits civiques sous le motif de défendre la sécurité nationale. Par son ouvrage, Ray Bradbury pousse un cri d'alarme sur ce qui pourrait advenir. Il écrit Fahrenheit 451 précisément pour que l'univers terrifiant qu'il y imagine ne devienne jamais réalité.
Est-ce à dire que Fahrenheit 451, parce que sa vision de l'avenir n'a pas été confirmée par l'Histoire, est aujourd'hui dépassé, totalement obsolète ? Bien évidemment non, car son propos reste éminemment pertinent de nos jours : il y est question de guerre larvée entre grandes puissances, de course à l'armement, de danger du nucléaire, de la coupure de l'homme d'avec la nature, de mégalopoles anonymes et déshumanisées, de déliquescence du lien social, de société de consommation et de divertissement, d'uniformisation de la pensée et de conformisme. Il y est aussi et surtout question de l'impérialisme des médias, du grand décervelage auquel procède la publicité, les jeux, les feuilletons et autres niaiseries télévisuelles abrutissantes. Bradbury souligne « il y a plus d'une façon de brûler un livre », l'une d'elle, la plus insidieuse, est de rendre les gens incapables de lire par inculture, désintérêt pour la littérature, paresse mentale ou simple désinformation.
Alors, amis, résistons : lisons !
______________________________
Ray Bradbury, Fahrenheit 451, traduit de l'américain par Henri Robillot, éd. Gallimard, coll. folio SF, 2000 (1953), 213 pages, 5€.
Thématique : retour aux sources
Chez les copines : ALaure, Anjelica, Choupynette, EtoileDesNeiges, Erzébeth (notre nouvelle recrue !), YueYin et Gaël (Ouaip ! Gaël aussi, c'est une copine !).
20:27 Publié dans => Lire & délires | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, roman, sf, anticipation, contre-utopie, dystopie, livres