02/05/2008
Métropolitain – Yan Marchand (2007)
Romuald est petit. Et laid. Et il le sait. Et il en est complexé, ce qui le rend cynique, ce qui le rend antipathique, ce qui le rend misanthrope. Il dégoutte, fait rire, choque, mais ne plaît pas, ça non ! Et surtout pas à sa collègue, la jolie Marie, qu'il passe son temps à mater, ostensiblement, histoire de la mettre mal à l'aise, en guise de petite vengeance mesquine.
C'est à la sortie du métropolitain que, pour la première fois, le chien a mordu Romuald. Le chien l'a suivi jusqu'à la banque, griffant et mordillant son ourlet et son mollet. Le soir, il l'a suivi de la banque à chez lui, mâchonnant toujours. Et le lendemain matin, le chien l'attendait derrière la porte de son appartement... Alors, il a bien fallu qu'il trouve un moyen de s'en débarrasser, de cet harceleur de chien ! Mais quand enfin il s'en est libéré, voilà que les gens autour de lui adoptent un comportement étrange, inexplicable, à coup de dents et de griffes !
Derrière un style serré et un humour sardonique, on découvre un texte étrange, un univers décalé et déroutant, entre fantastique et absurde. Une histoire de solitude et de manipulation, une histoire pas très plaisante, plutôt dérangeante. De celles dont on ressort quelque peu mal à l'aise, avec un mauvais goût qui reste au fond de la gorge. Force est alors de reconnaître l'habilité de l'auteur pour mettre en place l'engrenage infernal de la malédiction de Romuald et nous mener au bord de l'écœurement. Le format de ce récit, entre longue nouvelle et court roman, permet à l'auteur de développer son idée sans l'affadir, bien que l'on puisse regretter le final très abrupt.
Pour finir, je tiens à souligner la qualité de la maquette de cet ouvrage. Je suis très sensible au livre en tant qu'objet et celui-ci est très réussi, avec une illustration de couverture qui rend parfaitement compte de l'ambiance du livre, et un inhabituel mais bienvenu bonus en fin d'ouvrage présentant l'auteur et l'illustrateur. Bravo donc à la jeune maison d'édition « Griffe d'Encre » : c'est de la belle ouvrage que voilà !
BlueGrey
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Yan Marchand, Métropolitain, éd. Griffe d'Encre, coll. Novella, 2007, 45 pages, 7 €.
L'avis de Chimère sur ce livre et, pour en savoir plus, le site des éditions Griffe d'Encre.
17:20 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, roman, nouvelle, fantastique, absurde, chien, morsure
19/12/2006
Chroniques de l'oiseau à ressort - Haruki Murakami (1994)
Le personnage principal de ces chroniques, Toru Okada, est un jeune homme ordinaire vivant dans la banlieue de Tokyo. C'est un chômeur à la vie bien rangée qui s'occupe petitement durant la journée en attendant le retour du travail de sa femme qu'il adore, Kumiko. Il est un peu englué dans son existence banale mais il en est heureux, de son existence banale. Du moins, c'est comme ça que ça nous parait au début, avant que le quotidien de Toru ne dérape dans l'absurde. Son chat disparaît, une inconnue joue de ses charmes au téléphone, puis sa femme le quitte sans raison apparente, et l'on comprend que la grisaille du contexte n'était là que pour mieux souligner le surgissement du fantastique. Car ces évènements anodins suffisent à faire basculer la vie de Toru à la frontière entre réel et imaginaire. L'espace limité de son quotidien devient alors le théâtre d'une quête où rêves, réminiscences et réalités se confondent. Petit à petit toute la vie de Toru va basculer dans un univers parallèle, sans jamais lâcher totalement prise avec la vraisemblance, tout en s'en éloignant concentriquement. Car autour de Toru, homme ordinaire et seul, vrombissent des forces occultes : les femmes disparaissent, profèrent des sentences médiumniques, errent avec un chapeau de plastique rouge sur la tête, jouent les lolita ou deviennent des prostituées de la conscience.
« Sans aucun doute, ma vie prenait un tour étrange. Le chat avait disparu. Des femmes bizarres me donnaient des coups de fil insensés. J'avais fait la connaissance d'une femme étrange, j'étais entré dans le jardin de la maison vide de la ruelle, appris que Noboru Wataya avait violé Creta Kano. Malta Kano avait prédit que je retrouverais ma cravate. Ma femme m'avait dit que ce n'était plus la peine que je cherche du travail. J'éteignis la radio, remis les «Carnets de la ménagère» sur l'étagère, bus une autre tasse de café. »
Toru aborde ces évènements avec placidité, et le lecteur, à sa suite, accepte les étrangetés du récit en les incluant dans la normalité. Alors, quand Toru descend au fond d'un puits pour y faire l'expérience de la mort, on l'y suit, sans hésitation, en trouvant ça presque normal et anodin.
Qualifié de "surréalisme soft", le style de Haruki Murakami est envoûtant et son écriture est magistrale, capable de nous horrifier totalement pour nous désarçonner juste après, et cela sans jamais se départir d'un humour où perce la détresse. Haruki Murakami emmène doucement le lecteur de la réalité vers l'imaginaire, voire le fantastique, dans un récit labyrinthique à la profusion de sens noyauté par l'absurde où, toujours plus fuyante, la réalité n'en devient que plus envoûtante.
« Cela me rappelait les films d'art et d'essai que j'allais voir quand j'étais étudiant, où rien de ce qui se passait n'était jamais expliqué. Toute explication logique risquait de porter atteinte au "réalisme" du film. C'était une façon de voir, une philosophie comme une autre. Mais pour moi, homme réel et non de pellicule, c'était étrange de me trouver plongé dans ce monde-là. »
Le lecteur se délecte de chaque mot, chaque phrase, chaque intrigue entremêlée, et, au fil des pages, est pris de vertige au point qu'il lui devient franchement difficile d'en démêler le sens final. Et c'est précisément dans cette forme d'égarement que se trouve une partie de la magie de l'écriture de Haruki Murakami.
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Haruki Murakami, Chroniques de l'oiseau à ressort, traduit du japonais par Corinne Atlan et Karine Chesneau, éd. du Seuil, coll. Points, 2004, 847 pages, 10 €.
Du même auteur : Kafka sur le rivage
21:15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, japon, tokyo, surréalisme, fantastique
28/03/2006
La prochaine fois - Marc Lévy (2004)
Voilà un roman facile à lire, une lecture idéale pour un week-end pluvieux, une histoire conte de fées dont le sujet est le destin. Celui de Jonathan Gardner, expert en peinture à Boston, qui croise celui de Clara, jolie galeriste londonienne. Tous deux poursuivent la même quête d'un mystérieux tableau de Vladimir Radskin, peintre russe du XIXe siècle. Autour d'eux gravitent le commissaire-priseur Peter Gwel (l'ami fidèle de Jonathan), l'artiste Anna (la fiancée de Jonathan), mais aussi une femme étrange, spécialiste des phénomènes paranormaux, et notamment du syndrome de déjà-vu. Et justement, Jonathan et Clara sont convaincus de s'être déjà rencontrés auparavant. Etait-ce dans une autre vie ?
On retrouve dans ce 4e roman de Marc Levy son thème récurent de l'âme sœur, la fluidité de son écriture, le thème universel de l'amour mijoté avec un soupçon de surnaturel : Marc Levy connaît la recette. Un roman en somme assez plaisant. Il ne vous reste donc plus qu'à baisser votre garde intellectuelle pour entrer dans cette histoire fantaisiste, à savourer comme une petite sucrerie vite digérée !
BlueGrey
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Marc Lévy, La prochaine fois, éd. Pocket, coll. Pocket, 2005, 258 pages, 6,20 €.
23:25 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, roman, amour, fantastique