Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/11/2009

Contretemps – Charles Marie (2009)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

Contretemps.gifMelvin Epineuse, dandy aussi flegmatique que lunaire, est engagé par une étrange société secrète pour retrouver Bruno Bar, un excentrique de ses amis. Partant du principe que l'on ne retrouve facilement que ce que l'on ne cherche pas, Melvin part, au hasard, pour Florence, où il rencontre la belle Lorraine qui l'entraîne dans une soirée mondaine dans la Catacombe, soirée brusquement interrompue par une fusillade...

« Assis par terre dans sa chambre devant le thé au goût de vieille terre moite qu'il affectionnait, il méditait sur la meilleure façon de retrouver le disparu. Ce qu'il lui fallait, c'était une méthode. Une méthode de recherche. Comme il n'avait jamais cherché à retrouver personne auparavant, il prit pour point de départ l'agonie familière que lui infligeait la disparition quotidienne de ses clés, évaporées. Il retournait alors chaque objet de son appartement, soupçonnant des pires conspirations des recoins où il n'était pourtant jamais allé, en découvrant ainsi beaucoup de nouveaux, les retrouvant finalement, le plus souvent dans sa poche, parfois sur la porte, du coté extérieur. Il décidait alors, épuisé, de remettre ses projets à plus tard et de demeurer à l'intérieur pour le moment. [...]
Les rares occasions où il parvenait à retrouver rapidement ses clefs étaient celles où, épuisé par avance à l'idée de la recherche minutieuse qu'il devait entreprendre, il abandonnait dès le départ et déambulait chez lui, un livre à la main, oublieux de la haine que lui vouaient à l'évidence toutes les clés du monde.
Il décida donc de procéder de cette façon et, pour trouver l'homme, de na pas le chercher. »

C'est un curieux roman que voilà : un style poético-absurde parfois très ampoulé, un humour décalé, des situations abracadabrantesques et fantasmagoriques, un récit qui divague... Si dans un premier temps le récit et le style s'avèrent assez déroutants, on se laisse rapidement emporté par la musicalité et le rythme des phrases et des déambulations fantastico-lyriques du héros. Ainsi, passés les hésitations des premières pages, l'intérêt grandit petit à petit pour cette histoire bizarre et baroque. Hélas ! A abuser des aphorismes et autres pirouettes verbales, ce récit surréaliste se perd dans des élégances inutiles et tourne ainsi à l'exercice de style un peu vain. Il en devient obscur par moment et parfois même lassant.

______________________________

Charles Marie, Contretemps, éd. Aux forges de Vulcain, 2009, 163 pages, 15 €.

Merci à BoB et aux éditions Aux forges de Vulcain de m'avoir envoyé ce livre.

19/12/2006

Chroniques de l'oiseau à ressort - Haruki Murakami (1994)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

medium_chroniquesdeloiseau.gifLe personnage principal de ces chroniques, Toru Okada, est un jeune homme ordinaire vivant dans la banlieue de Tokyo. C'est un chômeur à la vie bien rangée qui s'occupe petitement durant la journée en attendant le retour du travail de sa femme qu'il adore, Kumiko. Il est un peu englué dans son existence banale mais il en est heureux, de son existence banale. Du moins, c'est comme ça que ça nous parait au début, avant que le quotidien de Toru ne dérape dans l'absurde. Son chat disparaît, une inconnue joue de ses charmes au téléphone, puis sa femme le quitte sans raison apparente, et l'on comprend que la grisaille du contexte n'était là que pour mieux souligner le surgissement du fantastique. Car ces évènements anodins suffisent à faire basculer la vie de Toru à la frontière entre réel et imaginaire. L'espace limité de son quotidien devient alors le théâtre d'une quête où rêves, réminiscences et réalités se confondent. Petit à petit toute la vie de Toru va basculer dans un univers parallèle, sans jamais lâcher totalement prise avec la vraisemblance, tout en s'en éloignant concentriquement. Car autour de Toru, homme ordinaire et seul, vrombissent des forces occultes : les femmes disparaissent, profèrent des sentences médiumniques, errent avec un chapeau de plastique rouge sur la tête, jouent les lolita ou deviennent des prostituées de la conscience.

« Sans aucun doute, ma vie prenait un tour étrange. Le chat avait disparu. Des femmes bizarres me donnaient des coups de fil insensés. J'avais fait la connaissance d'une femme étrange, j'étais entré dans le jardin de la maison vide de la ruelle, appris que Noboru Wataya avait violé Creta Kano. Malta Kano avait prédit que je retrouverais ma cravate. Ma femme m'avait dit que ce n'était plus la peine que je cherche du travail. J'éteignis la radio, remis les «Carnets de la ménagère» sur l'étagère, bus une autre tasse de café. »

Toru aborde ces évènements avec placidité, et le lecteur, à sa suite, accepte les étrangetés du récit en les incluant dans la normalité. Alors, quand Toru descend au fond d'un puits pour y faire l'expérience de la mort, on l'y suit, sans hésitation, en trouvant ça presque normal et anodin.

Qualifié de "surréalisme soft", le style de Haruki Murakami est envoûtant et son écriture est magistrale, capable de nous horrifier totalement pour nous désarçonner juste après, et cela sans jamais se départir d'un humour où perce la détresse. Haruki Murakami emmène doucement le lecteur de la réalité vers l'imaginaire, voire le fantastique, dans un récit labyrinthique à la profusion de sens noyauté par l'absurde où, toujours plus fuyante, la réalité n'en devient que plus envoûtante.

« Cela me rappelait les films d'art et d'essai que j'allais voir quand j'étais étudiant, où rien de ce qui se passait n'était jamais expliqué. Toute explication logique risquait de porter atteinte au "réalisme" du film. C'était une façon de voir, une philosophie comme une autre. Mais pour moi, homme réel et non de pellicule, c'était étrange de me trouver plongé dans ce monde-là. »

Le lecteur se délecte de chaque mot, chaque phrase, chaque intrigue entremêlée, et, au fil des pages, est pris de vertige au point qu'il lui devient franchement difficile d'en démêler le sens final. Et c'est précisément dans cette forme d'égarement que se trouve une partie de la magie de l'écriture de Haruki Murakami.

______________________________

Haruki Murakami, Chroniques de l'oiseau à ressort, traduit du japonais par Corinne Atlan et Karine Chesneau, éd. du Seuil, coll. Points, 2004, 847 pages, 10 €.

Du même auteur : Kafka sur le rivage