24/01/2007
Le Parfum, Histoire d'un meurtrier - Patrick Süskind (1985)
«Au XVIIIe siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus abominables de cette époque qui pourtant ne manqua pas de génies abominables. C'est son histoire qu'il s'agit de raconter ici. Il s'appelait Jean-Baptiste Grenouille et si son nom, à la différences de ceux d'autres scélérats de génie comme par exemple Sade, Saint-Just, Fouché, Bonaparte, etc., est aujourd'hui tombé dans l'oubli, ce n'est assurément pas que Grenouille fût moins bouffi d'orgueil, moins ennemi de l'humanité, moins immoral, en un mot moins impie que ces malfaisants plus illustres, mais c'est que son génie et son unique ambition se bornèrent à un domaine qui ne laisse point de traces dans l'histoire : au royaume évanescent des odeurs.»
Le parfum est le récit d'un parcours initiatique, c'est l'histoire d'une quête, la quête de son identité par le “héros”, Jean-Baptiste Grenouille, le dément, terrifiant, abominable, pitoyable et touchant nabot Grenouille...
Grenouille est né dans la puanteur du quartier le plus nauséabond de Paris, dans «son haleine mauvaise, immense et aux milles nuances». Il est né sans parents, ni amour, ni odeur, mais avec un don hors norme : un odorat extraordinairement fin. Grenouille perçoit le monde uniquement avec son nez, qui est sa seule source de jouissance. Son nez absolu lui permet de saisir les exhalaisons les plus imperceptibles et sans distinction hiérarchique, il se pénètre de la moindre senteur. Tout d'abord frénétiquement, puis avec méthode, il capte les odeurs, les reconnaît, les mémorise, les classifie, les emmagasine et les assemble mentalement. A la recherche d'un moyen pour exister aux yeux des autres, mais aussi à ses propres yeux, il voue sa vie à un projet démiurgique : créer LE parfum unique, le principe supérieur d'un parfum apothéotique, car «qui maîtrisait les odeurs maîtrisait le cœur des hommes». Et pour trouver la source odoriférante du parfum absolu qu'il veut créer, le monstre Grenouille ne connaît aucune limite, quitte à tuer pour capter et s'approprier le doux parfum des jeunes filles.
L'auteur nous plonge dans un monde inattendu, à la fois grotesque et magique, poétique et morbide, et surtout captivant. Chaque page de ce roman exhale une odeur particulière, chaque page est saturée de senteurs : essences raffinées de fleurs, puanteur de Paris, délicate fragrance de jeunes filles, tout est mêlé, avec une extraordinaire virtuosité. Les pages de ce roman défilent en une cascade olfactive jusqu'à l'ultime expérimentation quasi-mystique de Grenouille, un final déroutant et surréaliste.
«Lui, Jean-Baptiste Grenouille, né sans odeur à l'endroit le plus puant du monde, issu de l'ordure, de la crotte et de la pourriture, lui qui avait poussé sans amour et vécu sans la chaleur d'une âme humaine, uniquement à force de révolte et de dégoût, petit, bossu, boiteux, laid, tenu à l'écart, abominable à l'intérieur comme à l'extérieur, il était parvenu à se rendre aimable aux yeux du monde. Se rendre aimable était trop peu dire ! Il était aimé ! Vénéré ! Adoré !»
BlueGrey
Patrick Süskind, Le Parfum, Histoire d'un meurtrier, traduit de l'allemand par Bernard Lortholary, éd. LGF, coll. Le Livre de Poche, 2006, 279 pages, 5,50 €.
19:55 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, roman, parfum, Paris, Grasse