21/04/2007
Givre et sang – John Cowper Powys (1925)
Genre : des forces opaques traversent les âmes et les coeurs
Rook Ashover est tiraillé entre quatre femmes : sa mère, qui voudrait le voir marié et donné une descendance à la lignée des Ashover ; Lady Ann, sa cousine, qui aspire a devenir Mme Ashover ; Netta Page, sa maîtresse ; et Nell, la femme du pasteur qui lui voue une adoration sans bornes. Mais surtout et avant tout il est lié à son frère Lexie, gravement malade et dont la vie et menacée.
Des personnages écorchés, tourmentés par leurs pulsions contradictoire, écartelés entre passion et culpabilité, des descriptions minutieuse et presque mystique de la nature, du romanesque désuet distillé par un style grandiloquent, par exemple «la prédominance du jaune pâle sur toute autre couleur donnait au fragment d'espace encadré par la porte ouverte une apparence d'obsèques solennelles, comme si le corps archaïque et nu de la terre était recouvert d'un suaire de givre doré» ou encore «le temps acerbe ressemblait à un vieil ébéniste allemand, venu de Nuremberg ou de Rothenburg, ciselant de son instrument de fer, entre ses doigts osseux, une forme en volute qui serait comme l'essence platonique ou l'émanation spirituelle d'un végétal pétrifié par le gel dans la Forêt-Noire» et enfin (je ne vous épargne rien !) «comme des cadavres d'enfants royaux tués au cours d'un holocauste sacré, enveloppés dans des linceuls d’or, les lentes strophes gnomiques, mélancoliques comme des litanies, que murmurait la voix profonde et hiératique de Lexie, s'enfoncèrent dans les flots du temps et disparurent à jamais.»
Disons donc que le "charme" de ce livre ne m'a pas atteint...
BlueGrey
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John Cowper Powys, Givre et sang (Ducdame), traduit de l’anglais par Diane de Margerie et François-Xavier Jaujard, éd. du Seuil, coll. Points-Roman, 1982 (1925), 360 pages.
21:50 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, roman, Angleterre
30/03/2007
Testament à l'anglaise – Jonathan Coe (1994)
Genre : Dynastie
Tabitha Winshaw a 81 ans et elle est folle, internée dans un asile. Démence sénile ? Pas du tout. Elle a perdu l'esprit un soir de l'hiver 1942 quand son frère adoré, Godfrey, a été abattu par la DCA allemande au-dessus de Berlin. Le chagrin alors ? Ce n'est pas cela non plus. Elle est persuadée que la mort de Godfrey a été commanditée par son frère aîné, Lawrence, qu'elle déteste. Une folle dans la famille, l'aristocratie britannique en a vu d'autres. Mais voilà que Tabitha demande à Michael Owen, jeune auteur dépressif et agoraphobe, d'écrire l'histoire de la dynastie des Winshaw qui occupe tous les postes-clés dans l'Angleterre des années quatre-vingt, profitant sans vergogne de ses attributions et de ses relations. Il y a du jeu de massacre dans l'air, d'autant que Tabitha n'est peut-être pas aussi folle qu'il y paraît.
S'échelonnant entre 1940 et 1990, Testament à l'anglaise développe ainsi l'enquête menée mollement par Michael. Au fil du récit et de son enquête sur les Winshaw, Michael sortira peu à peu de son mutisme et, sous le vernis de la bonne société anglaise, il nous fera rencontrer une galerie d'âmes damnées des plus réjouissante : « Il fut parfaitement clair pour moi dès le début que je m'occupais d'une famille de criminels, dont la richesse et le prestige étaient fondés sur toutes sortes d'escroqueries, crapuleries, tricheries, supercheries, finasseries, manigances, détournements, vols, cambriolages, pillages, saccages, falsifications, spoliations, déprédations. Non que les agissements des Winshaw fussent ouvertement criminels, ni même jugés comme tels par la bonne société. » Car la famille Winshaw propose, au choix : Hilary, la journaliste venimeuse à succès ; son frère Roddy, galeriste qui exerce le droit de cuissage ; le cousin Mark, marchand d'armes qui fricote avec Saddam Hussein ; l'oncle Henry, politicien champion dans l'art de retourner sa veste ; la cousine Dorothy, chantre de l'agroalimentaire industriel... Bref, tous les membres de cette illustre, puissante et richissime famille ont pour seul point commun d'être pourris jusqu'au squelette !
Transformant chaque destinée en une fable cruelle sur les milieux politique et médiatique, Jonathan Coe réussit un livre aussi étonnant que palpitant. Satire sociale et réquisitoire en règle contre le thatcherisme, ce livre n'en reste pas moins passionnant car il associe avec brio de nombreux genres littéraires (policier, thriller, psychodrame, romance, (auto)biographie, etc.) rendant ainsi le récit alerte et captivant sans jamais se départir d'un ton ironique d'une irrésistible drôlerie. Toutefois, la diversité des narrateurs, la fragmentation du temps et la profusion des personnages rendent l'immersion dans le récit difficile dans un premier temps, mais ces difficultés disparaissent une fois la lecture bien entamée.
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Jonathan Coe, Testament à l'anglaise (What a Carve Up!), traduit de l'anglais par Jean Pavans, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 1995 (1994), 498 pages, 27,50 €.
Du même auteur : Les Nains de la Mort, La Maison du sommeil & La pluie avant qu'elle tombe.
12:40 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, roman, angleterre, xxe siècle, satire sociale, tchatcherisme, folie