06/09/2007
La nuit des temps - René Barjavel (1968)
En Antarctique, dans l'immense paysage gelé, les membres des Expéditions Polaires françaises font un banal relevé du relief sous-glaciaire quand leurs appareils sondeurs captent un signal : il y a un émetteur sous la glace ! Savants et techniciens venus du monde entier creusent la glace à la rencontre du mystérieux signal et découvrent les vestiges d'une civilisation engloutie, vieille de neuf cent mille ans. Cette civilisation, en avance sur la notre bien que plus ancienne, se sachant menacée par une guerre totale qui risquait de la détruire entièrement, a mis à l'abri dans une sphère d'or un homme et une femme susceptibles de faire renaître la vie après le passage du fléau. Cette femme et cet homme endormis depuis neuf cent mille ans, on va alors tenter de les réveiller, pour connaître leur histoire, l'histoire de leur civilisation et de sa destruction. Pour comprendre et apprendre. Et l'on va découvrir la merveilleuse et tragique histoire d'une civilisation disparue et celle tout aussi merveilleuse et tragique d'Eléa et de Païkan.
L'esprit scientifique, l'imagination, l'humour, le lyrisme et la qualité d'écriture (à la fois maîtrisée et poétique) de Barjavel font merveille dans la reconstitution de cette double épopée : celle des hommes d'il y a neuf cent mille ans racontée aux hommes du XXIe siècle, qui vivent aussi la leur. Et comme dans tous les bons romans de science-fiction, les nombreuses extrapolations techniques n'ont d'autre rôle que de dresser un décor, de créer un climat. L'essentiel, c'est la peinture d'une humanité, et c'est le rapport entre cette humanité et la nôtre. Par cette confrontation le romancier dépeint l'homme d'aujourd'hui (ses limites, ses erreurs et ses rêves) et son récit a des résonances politiques, scientifiques et morales très actuelles. "Nous savons au moins déjà une chose, c'est que l'homme est merveilleux, et que les hommes sont pitoyables".
Barjavel distille dans son récit son message humaniste : il avertit du danger que le progrès scientifique et technique fait peser sur l'humanité, il délivre un message pacifiste porté par la jeunesse et surtout, il en appelle à l'amour, le seul sentiment capable de transcender notre destinée. Car ce livre est aussi une étonnante et fabuleuse histoire d'amour, celle d'Eléa et de Païkan, que Barjavel inscrit au panthéon des amants légendaires.
J'ai lu ce livre pour la première fois à mon adolescence. J'en ai gardé le souvenir ébloui d'une intensité douloureuse. J'ai conservé ce livre précieusement, presque pieusement, sans oser le relire, de peur d'être déçue, de peur de ne pas y retrouver les mêmes émotions qui m'avaient tant bouleversées, de peur de briser ce si délicieux souvenir. Et puis hier, au bout de quinze ans, je me suis décidée, j'ai pris mon livre... et ne l'ai plus lâché ! Et bien que je connaisse le final, j'ai été prise de frissons, encore une fois. J'ai lu et reconnu les signes annonciateurs de la tragédie, j'ai vu l'intrigue se mettre en place, et je m'y suis laissée prendre... Alors oui, ce roman a ses naïvetés, mais quand vous l'avez entre les mains, tout le reste disparaît : on s'accroche, on vibre, on espère et désespère, et on finit touché et ému, une larme au fond des yeux.
BlueGrey
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René Barjavel, La nuit des temps, éd. Presses de la Cité, coll. Pocket, 2006 (1968), 393 pages, 6,30 €.
14:10 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, roman, SF, Antarctique
Commentaires
Je n'ai jamais rien lu de Barjavel, mais là je dois dire que tu me tentes fort avec ce classique !
Écrit par : Tamara | 06/09/2007
Tu me donnes envie de relire ce roman, dont je garde un très bon souvenir général, mais dont l'histoire me reste un peu floue.
Écrit par : Gaël | 07/09/2007
J'ai lu moi aussi ce roman à 12/14 ans. A cette époque-là déjà, je n'étais pas fana de science-fiction/merveilleux (contrairement aux gamins de mon âge, Jules Verne n'a jamais rejoint ma bibliothèque). Je dois avouer que l'histoire ne m'a pas laissé un souvenir impérissable (merci d'avoir rafraîchi ma mémoire). En revanche, il y a un passage qui reste gravé à tout jamais dans ma mémoire : celui où le narrateur découvre Eléa pour la première fois et en tombe quasi amoureux. J'avais trouvé ça très fort, très beau et très poétique à la fois.
Écrit par : InColdBlog | 07/09/2007
Je l'ai lu également, mais il faudrait que je le relise pour m'en faire une autre idée, car je ne m'en souviens que vaguement et à l'époque je n'avais pas trop accroché !
Écrit par : Florinette | 07/09/2007
Rien d'autre à ajouter... tu as dit tout ce que je pensais de ce livre qui m'a laissé un souvenir indélébile!
Écrit par : choupynette | 08/09/2007
@ Tamara : j'ai lu beaucoup de Barjavel et "La nuit des temps" reste vraiment mon préféré, mon chouchou. Mais j'ai bien aimé aussi "Le grand secret" et "Le voyageur imprudent". Et dans un tout autre style (fantastique et non science-fiction) j'ai adoré "L'enchanteur".
@ Gaël : tu m'en vois ravie !
@ InColdBlog : "très fort, très beau et très poétique" je ne peux qu'acquiescer !
@ Florinette : pour une fois que nos avis diverges, je ne peux pas vraiment t'en vouloir, mais enfin, quand même...
@ choupynette : Haaa ! Copine à moi ! ;o)
Écrit par : BlueGrey | 08/09/2007
Barjavel était mon auteur fétiche à l'adolescence, mon préféré était grand tolkien j'ai oublié le titre non : Ravage ! lu, relu, rerelu... et la nuit des temps bien sûr... mais je n'ai pas osé les relire depuis..... bien plus longtemps que ça !!!
Écrit par : yueyin | 13/09/2007
@ yueyin : "Ravage" n'est pas mon Barjavel préféré (mon préféré est "La nuit des temps", pour ceux qui n'ont rien suivi au débat ! ;o) ) mais c'est un très bon Barjavel, j'en conviens !
Écrit par : BlueGrey | 17/09/2007
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