Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/07/2010

Un roman russe – Emmanuel Carrère [2007]

Un roman russe.gifDans ce "roman", Emmanuel Carrère nous livre sa propre histoire, sa vie quotidienne et intime. On le suit jusqu'en Russie, où il est parti tourner un documentaire sur une petite ville grise et perdue, Kotelnitch, et où il espère renouer avec ses racines russes. Il espère aussi mettre enfin à jour le "secret" entourant le souvenir de son grand-père maternel "disparu" au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tabou familial dont sa mère refuse obstinément de parler. Mais très vite cette recherche du grand-père vire à l'obsession. Sa quête identitaire apparaît alors comme la clé de son propre équilibre, le symbole de ce qui l'entrave dans sa vie privée. Sa relation amoureuse avec Sophie semble ainsi sous-tendue par les difficultés ou les avancées de son enquête sur son histoire familiale. Cris, larmes, mensonges, tromperies, exigences, chantages... leur relation de couple est aussi passionnée que tumultueuse et douloureuse, et nous est crûment livrée en pâture.

La quête obstinée de l'auteur tourne ainsi bien vite au jeu de massacre, et il y a quelque chose de dérangeant dans cette autobiographie déflagrante dont on ne compte plus, au fil des pages, les victimes : la mère de l'auteur, qui l'avait supplié de ne pas raconter l'histoire de son père (« Emmanuel, je sais que tu as l'intention d'écrire sur la Russie, sur ta famille russe, mais je te demande une chose, c'est de ne pas toucher à mon père, pas avant ma mort ») ; Sophie, qui voit publiée sa vie amoureuse et sexuelle ; les fils de l'auteur, qui peuvent lire le peu d'amour que leur père portait à leur mère ; etc.

Un roman russe est l'exemple typique de ce que je n'aime pas : l'autofiction outrancière, avec exposition impudique de la vie privée et buzz médiatico-marketing autour du nom de l'auteur et de sa célèbre filiation. En effet, si un tel roman constitue très certainement un bon exutoire pour l'auteur, un exorcisme de ses démons familiaux, pour le lecteur, quel intérêt ? Le travail littéraire, me direz-vous ? Propre, net, précis. Sans éclat.

______________________________

e%2020.gifEmmanuel Carrère, Un roman russe, éd. P.O.L, coll. Fiction, 2007, 356 pages, 19,50 €.

Du même auteur : La moustache & L'adversaire