07/10/2012
Monde perdu – Patrícia Melo [2006]
« Je suis en cavale. »
Máiquel, tueur à gages rageur, est donc en cavale, depuis dix ans. Quant il revient à São Paulo, c'est pour enterrer sa vieille tante, sa seule famille. Ou presque. Il réalise alors qu'il lui reste sa fille, Samantha, que son ex a emmenée vivre chez les évangélistes et qu'il n'a pas vu grandir. Grâce au pécule hérité de tante Rosa, il engage un privé pour la retrouver. Commence alors une road story à travers un Brésil à la dérive, famélique, et gangrené par les trafics et les sectes. En chemin, Máiquel multiplie les rencontres, les amours sans lendemain, et les cadavres, froidement, se réfugiant derrière l'adage qu'il a tatoué sur son bras : "Rien à foutre". Découvrir la suite...
16:26 Publié dans => Lire & délires | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : patricia melo, littérature brésilienne, brésil, tueur, tueur à gages, enlèvement, course poursuite, cavale
22/10/2009
Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme – Cormac McCarthy (2005)
Nous sommes dans les années 80, au sud du Texas, dans la zone frontière entre Etats-Unis et Mexique. Un matin, parti chasser l'antilope sur les rives désertes du Rio Grande, Llewelyn Moss tombe sur les traces d'un carnage : des véhicules criblés de balles, des cadavres, un agonisant, des armes, de l'héroïne, et une mallette pleine de dollars. Dont il s'empare. Mais le cadeau du ciel n'est évidemment qu'un piège du destin, une fatalité, une malédiction. Le voilà traqué à la fois par des truands mexicains et par un tueur psychopathe, Anton Chigurh, dont le dessein n'est pas tant de récupérer l'argent que de liquider celui qui l'a ainsi défié. Commence alors, de fusillades en massacres, une chasse à l'homme dont le dénouement ne peut être que fatal.
Le livre décline ainsi de façon réaliste et violente la vaine lutte de Moss contre Chigurh, sous le regard impuissant du shérif Bell, incarnation de l'homme de bonne volonté parfaitement désarmé devant la fatalité du désastre annoncé. Le caractère inéluctable de l'issue promise à Moss, l'absence d'épaisseur psychologique des personnages, ainsi que le style aride de McCarthy, peuvent déconcerter. En effet, l'écriture, incisive, se caractérise par un certain laconisme. La narration, entièrement composée au présent, est dépouillée et les dialogues, minimalistes. Lorsque les phrases s'allongent parfois, elles s'articulent alors sèchement autour d'une succession de "et" prosaïques (« Puis il ramasse sa bouteille d'air comprimé et le pistolet à tige et sort par la porte et monte dans la voiture de l'adjoint et met le contact et fait demi-tour en marche arrière et déboîte et rejoint la route »). Mais de cette austérité formelle, de cette scansion singulière, naît un certain magnétisme, un rythme hypnotique qui nous mène, à bout de souffle, au bout de ce récit très noir.
Description d'un monde contemporain débordant de sauvagerie et de perversité, ce récit est hanté par la violence des hommes et la question du Mal. Le monde selon McCarthy semble avoir définitivement sombré dans la barbarie et la folie, c'est un monde vide de sens, déserté par Dieu. McCarthy nous offre une vision terriblement pessimiste de l'évolution des Etats-Unis d'Amérique, une société en cours de naufrage qui ne connaît plus la valeur de l'humain.
« Comment ça se fait que les gens ne pensent pas que ce pays a pas mal de comptes à rendre ? Non. Ils n'ont pas de rancœur. On peut dire que le pays, c'est seulement le pays, qu'il ne fait rien par lui-même, mais ça ne veut pas dire grand-chose. Une fois, j'ai vu un type tirer sur son pick-up avec un fusil à pompe. Sans doute qu'il pensait que le pick-up avait fait quelque chose. Ce pays vous tue l'espace d'un éclair et on l'aime malgré tout. »
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Cormac McCarthy, Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme (No Country for Old Men), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par François Hirsch, éd. de l'Olivier, 2006 (2005), 292 pages, 21€.
Du même auteur : La route
14:04 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature américaine, texas, chasse à l'homme, tueur