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26/09/2007

Pourquoi j'ai mangé mon père – Roy Lewis (1960)

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915533e61e73b3c1cde9d0a1d981a930.gifC'est l'histoire de l'Homme. L'homme à ses origines, l'homme encore à demi-singe, parvenu au point critique de l'évolution, sur le seuil de l'humain, et s'efforçant de le franchir. C'est l'histoire de nos ancêtres dans leur lutte acharnée pour la survie et la prospérité de l'espèce. Des ébauches d'hommes qui, dès leurs premiers pas hors de l'animalité, se partagent déjà entre gauche et droite, entre progressistes et réactionnaires, entre ceux qui, refusant de subir plus longtemps la tyrannie de la marâtre nature, se dressent contre elle et inventent l'outil, le feu ; et ceux qui, réprouvant ces nouveautés qui les effraient, veulent à tout prix revenir, au sein de la nature, à la vie bien tranquille des singes arboricoles.

Ainsi, dans notre famille préhistorique, nous trouvons tout d'abord Edouard, le père, génial inventeur féru d'hominisation et qui, à regarder son fils Ernest un peu lent à évoluer, soupire consterné : « Quand je te vois, je doute si nous sommes seulement sortis du miocène... » Edouard observe, cogite, expérimente. Il réussit (presque) à maîtriser le feu et met au point, avec une foi inébranlable envers le Progrès, la fourrure amovible, l'art figuratif, l'exogamie, la cuisine, l'orchestre symphonique, les traités de paix, l'arc et les flèches... Le reste de la horde suit avec enthousiasme ou méfiance, tandis que l'oncle Vania, réac' grognon et technosceptique, prône le retour à la nature (« Back to the trees ! ») et déboule régulièrement des arbres pour enjoindre Edouard et sa famille d'y remonter (sans toutefois refuser, à l'occasion, de venir se réchauffer à ce feu qu'il condamne) : « Edouard, j'en ai fini avec toi ! Ta saloperie de feu va vous éteindre tous, toi et ton espèce, et en un rien de temps, crois-moi ! Yah ! Je remonte sur mon arbre, cette fois tu as passé les bornes, Edouard, et rappelle-toi, le brontosaure aussi avait passé les bornes, où est-il à présent ? »

L'auteur se délecte des anachronismes, jouant du décalage constant entre la situation (préhistorique) et l'énonciation (contemporaine) en donnant à nos ancêtres une pleine conscience de leur évolution : « C'est le langage, voyez-vous, qui génère la pensée, et c'est pure courtoisie d'appeler langage les quelques cent mots que nous possédons, les deux douzaine de verbes-à-tout-faire, l'indigence de conjonctions et de prépositions, et cette façon que nous avons de recourir aux interjections, gestes et onomatopées pour combler les lacunes. Non, mes chers fils, sur le plan culturel, à peine si nous sommes plus avancés que l'australopithèque, et lui, croyez moi, il n'est déjà plus dans la course. »

Parabole de notre société et des risques liés au contrôle des technologies sensibles (Edouard voulant domestiquer le feu et embrasant toute la forêt est une allusion transparente à l'atome et à la bombe d'Hiroshima), cet ouvrage comporte plusieurs niveaux de lecture tout en restant accessible et drôle sans toutefois être "désopilant" comme annoncé sur la 4e de couverture.

 

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Roy Lewis, Pourquoi j’ai mangé mon père (The Evolution Man), traduit de l’anglais par Vercors et Rita Barisse, éd. Actes Sud, coll. Babel, 1996 (1960), 171 pages, 5,50 €.

Les avis de Kalistina, Anne, Papillon, Frisette et Cuné.