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15/07/2007

Biographie de la faim – Amélie Nothomb (2004)

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8ef0119e878db16a86edf9be24f6f200.gifMon premier Nothomb !

Un livre court qui se lit vite et bien dans lequel Amélie Nothomb procède à son introspection sous l’'angle de la faim, une sorte d'errance mentale, de souvenirs en souvenirs d'une petite fille un peu étrange. Une autobiographie vorace donc, au hasard de son enfance et adolescence itinérante faite de ruptures géographiques, au gré des mutations de son diplomate de père (Japon, Pékin, New-York, Bangladesh), et de ruptures relationnelles. Amélie Nothomb parle de sa faim : faim de sucre d'abord, faim d'alcool encore, faim de culture ensuite, et surtout faim des autres, mais aussi la faim d'avoir faim, et au bout du compte la faim de tout, la surfaim. Description d'une boulimie qui est à l'origine de sa fertilité littéraire.

«La faim, c'est moi !»
«Par faim, j'entends ce manque effroyable de l'être entier, ce vide tenaillant, cette aspiration non tant à l'utopique plénitude qu'à la simple réalité : là où il n'y a rien, j'implore qu'il y ait quelque chose.»

Amélie Nothomb, c'est d'abord un style savoureux, plein de décontraction et de légèreté, c'est aussi un sentiment d'exaltation à chaque phrase subtilement ciselée, c'est un vocabulaire choisi, parfois délicieusement désuet, c'est enfin un cynisme et un second degré distingué. Mais la saveur du style ne suffit pas à maintenir l'intérêt pour cet ouvrage complaisant qui s'épuise au fil des pages.

  

BlueGrey

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Amélie Nothomb, Biographie de la faim, éd. LGF, coll. Le Livre de Poche, 2006 (2004), 188 pages, 5,50 €.

Du même auteur : Le Sabotage amoureux

10/07/2007

Avant le gel – Henning Mankell (2002)

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db0db7f7e58c6b98443ee68b5a0c3372.gifAprès huit polars et 15 ans de bons et loyaux services et d'enquêtes déprimantes, l'inspecteur Wallander aurait bien voulu prendre un peu de champ et ne plus porter la misère du monde à lui tout seul mais décidemment, il y a quelque chose de pourri au royaume de Suède. Six oiseaux en flammes sont lancés au-dessus d'un lac aux abords d'Ystad : des cygnes aspergés d'essence, transformés en torches volantes. Plus tard, une tête de femme est retrouvée dans la forêt ainsi que ses deux mains coupées jointes en prière reposant sur une bible poissée de sang et aux pages griffonnées d'annotations étranges. Un gourou, une secte, des fidèles fanatiques prêts à mourir et faire mourir sur ordre : on entre vite dans l'hystérie.

De plus l'inspecteur Wallander doit composé avec sa fille Linda, jeune femme têtue, impatiente d'endosser l'uniforme de la police et de faire ses preuves, inquiète aussi de se trouver dans l'ombre du père. En attendant d'entrer officiellement en fonction, elle s'est installée chez son père et elle se lance dans une enquête parallèle.

La double enquête du père et de la fille et leur confrontation faite d'amour et de suspicion fait la qualité première de ce polar. Car pour l'histoire elle-même, si elle est glaçante et malgré la présence inquiétante des paysages, la mélancolie de l'atmosphère et le véritable sens du détail et des silences de Mankell, elle reste attendue. De plus l'intrigue avance très lentement, trop lentement à mon goût, l'enquête allant au ralenti. L'intérêt de ce polar tient donc plutôt dans le passage de relais entre le père et la fille, lui tout en incertitude bougonne, elle toute en impatiente et défiance. Kurt Wallander est toujours bien présent dans Avant le gel, père fouettard et père-poule, passant le relais mais tenant toujours les rênes, surveillant sa progéniture en éternel protecteur, maladroit devant une enfant qui lui ressemble trop.

  

BlueGrey

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Henning Mankell, Avant le gel (Innan frosten), traduit du suédois par Anna Gibson, éd. du Seuil, coll. Policiers, 2005 (2002), 440 pages, 22 €.

04/07/2007

1275 âmes – Jim Thompson (1964)

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b2dcec4c4536408d957b7e723f41fec8.gifNick Corey est le shérif d'un patelin nommé Pottsville, patelin peuplé de 1275 âmes damnées, saoulards, feignasses, fornicateurs, salopiaux de tout acabit qui vivent dans le sang, le stupre et les invectives. De plus, son épouse est une harpie, son beau-frère est débile, sa maîtresse insatiable l'épuise, la femme qu'il aime le snobe, et les maquereaux locaux lui manquent de respect. Alors, si jusqu'ici il s'est contenté de plaisanter et de regarder de l'autre côté quand il se passe quelque chose, il décide soudain que cela doit cesser : «"Nick Corey, tu vas finir par tourner en bourrique à force de te tourmenter. Y a pas, faut voir à remédier à ça, Nick Corey, sinon ça ira mal pour ton matricule." Ce qui fait que j'ai réfléchi, j'ai réfléchi tant que j'ai pu et, finalement, j'ai pris le taureau par les cornes. Et j'ai décidé que je ne savais foutre pas ce que je pourrais bien faire.»

Nick Corey est donc un shérif un peu mou et bêta, un drôle de représentant de la loi qui n'arrête jamais personne et esquive le plus possible les problèmes. Selon sa femme, c'est un "sans-couilles" tout juste bon à se bâfrer et à dormir. Mais peut-être ce drôle de shérif n'est-il pas aussi naïf et imbécile qu'il parait et bien vite, grâce à l'humour qui porte le livre, la roublardise de Corey lui vaut la sympathie du lecteur qu'il manipule à l'instar des autres personnages. Il est en effet assez jubilatoire de voir comment ce soit disant crétin roule son monde avec cynisme et humour pour arriver à ses fins. Mais l'affection amicale que l'on éprouve dans un premier temps pour ce "héro" déjanté se mue en étonnement puis en effroi devant les actes monstrueux qu'il commet. Car plus on avance dans le récit, plus on s'englue dans le sordide et si, dans cette histoire, tous les personnage sont vils et avec une morale au ras des pâquerettes, le shérif Corey s'avère être le pire d'entre eux : jouisseur, manipulateur, calculateur, cynique, égoïste, menteur, sans scrupule, hypocrite, violent, sadique et même criminel ! Les faits relatés sont insupportables et inacceptables, mais le récit, parfois terrible, est surtout loufoque, car porté par l'outrance du style, du langage et des sentiments. Ce livre n'est pas à prendre au premier degré, ce n'est en aucun cas une apologie de l'abomination. C'est un réquisitoire contre toutes les vacheries du monde, mais aussi une bouffonnerie car jusqu'à la dernière ligne Jim Thompson tourne tout en dérision. Ainsi la morale du héros se réduit à ceci : «Le Bien et le Mal, par exemple, on finit par plus savoir ce que c'est l'un et ce que c'est l'autre» et la conclusion du roman pourrait être : le pouvoir rend fou, même à Ploucville.

 

BlueGrey

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Jim Thompson, 1275 âmes (Pop. 1280), traduit de l'anglais par Marcel Duhamel, éd. Gallimard, coll. folio policier, 1999 (1964), 247 pages, 5,10 €.