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03/09/2010

Série Z – J. M. Erre [2010]

Série Z.gifFélix Zac, trentenaire glandeur nouvellement père de famille, vit aux crochets de Sophie, prof de sciences naturelles dans un collège classé ZEP. Sophie a de nombreuses qualités, la plus remarquable étant sans conteste de supporter Félix ! Bien qu'il lui arrive souvent d'émettre de sérieux doutes sur la santé mentale de son ami qui a tendance à mélanger fiction et vie réelle... En effet Félix, cinéphile passionnée, collectionne tous les chefs-d'œuvre du septième art navrant : de « l'érotico-fantastique, du western spaghetti, de la comédie franchouillarde, de l'horreur fauchée, du giallo italien, du film d'action post apocalyptique... »

En outre, Félix écrit des scénarios. De nanars bien sûr. Mais qu'il n'achève jamais. Jusqu'au jour où, mystérieusement inspiré, il met le point final à L'Hospice de l'Angoisse, un thriller macabre et improbable dont l'intrigue se situe dans une non moins étrange résidence gériatrique, La Niche-Saint-Luc, où de vieux acteurs de "séries Z" terminent leur existence. Et les ennuis commencent pour Félix lorsqu'on découvre que la maison de retraite de La Niche-Saint-Luc existe vraiment et que les cadavres s'y ramassent à la pelle...

A cette intrigue déjà totalement rocambolesque s'ajoute des extraits du scénario de Félix ; des citations des carnets de l'inspecteur (un peu benêt) Galachu, enquêtant sur les disparus de la Niche-Saint-Luc ; les hypothétiques réactions d'un lecteur du livre, M. Hubert C. de Knokke-le-Zoute, dont on se demande s'il va poursuivre sa lecture navrante ; sans oublier les articles du blog tenu par Félix, Les Zélucubrations du docteur Z, consacré à la réhabilitation des nanars. Dans ce dernier on trouve, entre autre, une analyse portant sur les sagas des morts-vivants, dont voici un extrait, juste pour le plaisir :

« Du sang, du pus, des morceaux de chair décomposés, le verdict est sans appel pour une majorité de spectateurs : le zombie est trop dégoûtant. Aux morts-vivants, on préfère de loin le romantisme de Dracula, le délire scientiste de Frankenstein ou l'érotisme trouble des sorcières poursuivies par l'Inquisition qui leur brûle les tétons au fer rouge. On peut le comprendre (surtout pour les tétons des sorcières), mais il n'est pas interdit de voir plus loin. Si le film de zombies fait peur, c'est qu'il nous parle d'une réalité qu'on cherche à fuir tout notre vie : la vieillesse.
Que sont les films de zombies sinon l'irruption de la vieillesse sous sa forme la plus angoissante dans un univers marqué par la jeunesse et l'insouciance ? Qui se fait bouffer dans ces films-là ? Toujours des ados ahuris qui ne pensent qu'à picopuler (picoler et copuler en même temps). Les garçons sont athlétiques, les filles ont la poitrine gonflée, ils sont une injure au temps qui passe. Mais celui-ci les rattrape ! Sous la forme de morts-vivants qui les harcèlent et les dévorent. Vous avez remarqué que les jeunes qui courent super vite se font toujours rattraper par des cadavres disloqués qui se déplacent à trois mètres à l'heure ? Qu'est-ce que cela montre sinon qu'on ne peut pas lutter contre le temps qui nous ronge ?
La conclusion, c'est que les gens rejettent les films de zombies non parce qu'ils sont trop dégoûtants, mais parce qu'ils sont trop métaphysiques.
Même si ça ne se voit pas tout de suite. »
(p. 127-128)

Série Z est une comédie littéraire décontractée, totalement loufoque et déjantée, qui joue avec le lecteur : c'est truffé de facilités langagières, d'incohérences narratives, de rebondissements improbables, d'énigmes palpitantes, de pièges diaboliques et de chausse-trappes alambiquées, ce qui, d'habitude, serait tout à fait impardonnable, mais qui ici correspond totalement à l'esprit du genre, et fait de ce roman un bel hommage à l'univers si peu (re)connu du "cinéma bis". C'est cocasse et absurde, mais c'est aussi tendre et plus sérieux quand sous la farce pointe la bienveillance de l'auteur qui nous parle aussi bien de la difficulté de devenir un adulte responsable que de la tristesse liée au vieillissement. Bref, un excellent divertissement, drôle et malin, qui mêle habilement humour, humanité et légèreté.

Pour finir, encore quelques extraits, parce que décidément j'aime ça!
« Le cinéma bis est une expérience artistique révolutionnaire scandaleusement incomprise. […] Le cinéma bis déstabilise le spectateur en remettant en question la notion même de genre cinématographique. Ainsi, dans le bis, le film comique ne fait pas rire et le film d'horreur ne fait pas peur. Mieux encore : dans le bis, le film d'horreur fait rire et le film comique finit par angoisser les esprits les plus résistants. […] L'accusation de médiocrité ne sert donc qu'à masquer la peur d'esprits petits-bourgeois installés dans leur conformisme culturel face à un art fondamentalement libre. » Et toc ! (p. 30-31)

Et enfin, un extrait de dialogue entre Félix et sa compagne Soso :
« - Tu oses prétendre que L'Attaque de la moussaka géante est "quelque chose d’important" ?
- C'est un film qui dénonce la malbouffe avec beaucoup d'humour ! Il en dit long sur les effets de la mondialisation dans le domaine culinaire.
- Et ça ? Mon curé chez les nudistes ! C'est essentiel ?
- Derrière la farce gauloise, on peut voir une métaphore de la difficile adaptation de l'Église catholique au monde post-soixante-huitard. »
(p. 82) Pfff ! Je me marre !

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e%2040.gif J. M. Erre, Série Z, éd. Buchet-Chastel, 2010, 368 pages, 20 €.